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17/03/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1118.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 mars 2020, P.19.1118.N


N° P.19.1118.N
J. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Victor Petitat, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 4 octobre 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général Els Herregodts a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :<

br>1. Le moyen est pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des d...

N° P.19.1118.N
J. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Victor Petitat, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 4 octobre 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général Els Herregodts a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 210 du Code d'instruction criminelle : l'arrêt attaqué refuse, à tort, d'examiner la culpabilité du demandeur du chef des faits qui sont mis à sa charge ; le demandeur a produit pour la première fois en degré d'appel une déclaration de M. V. dont il ressort qu'il est possible que cette personne ait confié le véhicule à M., sans que ce dernier dispose du permis de conduire requis à cet effet ; les juges d'appel n'ont pas tenu compte, à tort, de cette déclaration et n'ont pas davantage examiné si cette déclaration constitue un « élément nouveau » autorisant une nouvelle appréciation de la question de la culpabilité au sens de l'article 210 du Code d'instruction criminelle.
2. En vertu de l'article 204 du Code d'instruction criminelle, la requête indique précisément, à peine de déchéance, les griefs élevés, y compris les griefs procéduraux, contre le jugement.
L'article 210, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle dispose :
« Outre les griefs soulevés comme prescrit à l'article 204, le juge d'appel ne peut soulever d'office que les moyens d'ordre public portant sur les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ou sur :
- sa compétence ;
- la prescription des faits dont il est saisi ;
- l'absence d'infraction que présenteraient les faits dont il est saisi quant à la culpabilité ou la nécessité de les requalifier ou une nullité irréparable entachant l'enquête portant sur ces faits. »
3. Il résulte de la genèse de ces dispositions qu'en instaurant l'obligation d'indiquer précisément les griefs élevés contre le jugement rendu en première instance, le législateur a pour but de voir traiter plus efficacement les affaires pénales en degré d'appel et veut particulièrement éviter une charge de travail et des frais inutiles et ce, en ne soumettant plus à la juridiction d'appel des décisions non contestées. L'obligation d'indiquer précisément les griefs force l'appelant à réfléchir à l'opportunité d'interjeter appel et à ses conséquences, et l'intimé peut immédiatement discerner quelles décisions du jugement rendu en première instance sont contestées et sur quoi devra porter sa défense en appel.
Il suit également de cette genèse que le juge d'appel ne peut examiner que les griefs élevés par les parties dans leur requête ou dans leur formulaire de griefs et qu'en principe, il ne peut soulever dans ce cadre, s'il y a lieu, les moyens d'ordre public prévus à l'article 210 du Code d'instruction criminelle que dans les limites de sa saisine telle qu'elle découle de ces griefs.
4. Dans son arrêt n° 67/2019 du 16 mai 2019, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que l'article 210 du Code d'instruction criminelle viole l'article 13 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que le juge d'appel non saisi de la question de la culpabilité ne peut soulever d'office un moyen d'ordre public relatif à l'absence d'infraction résultant d'un élément nouveau survenu après le dépôt de la requête d'appel.
La Cour constitutionnelle fonde cette décision sur les motifs suivants :
- en cas de survenance d'un « élément nouveau », dont seul le juge d'appel pourrait avoir connaissance à l'exclusion du premier juge, et qui est susceptible d'avoir une incidence sur la culpabilité, l'impossibilité pour le juge d'appel de soulever d'office un moyen d'ordre public pris de l'absence d'infraction au sens de l'article 210, alinéa 2, troisième tiret, du Code d'instruction criminelle en dehors des griefs au sens de l'article 204 du Code d'instruction criminelle, parce que la déclaration de culpabilité n'a pas été visée dans la requête d'appel ou dans le formulaire de griefs, est disproportionnée au regard du droit d'accès au juge, en ce qu'elle vide de sa substance l'appel en matière pénale alors que la juridiction en est saisie (B.15.1.) ;
- ce constat vaut dans l'hypothèse d'un « élément nouveau », conçu comme un élément survenu après le dépôt de la requête d'appel, dont seul le juge d'appel pourrait avoir connaissance à l'exclusion du premier juge, et qui pourrait dès lors fonder un moyen nouveau, qui n'aurait aucunement pu être soumis au premier juge et qui serait susceptible d'établir l'absence d'infraction et, partant, d'avoir une incidence sur la culpabilité, même si la question de la culpabilité n'a pas été visée dans cette requête ou dans le formulaire de griefs. Le caractère imprévisible de l'« élément nouveau » empêche, par définition, l'appelant d'avoir pu le prendre en compte quand il a défini ses griefs (B.15.2., alinéa 1) ;
- le fait de n'avoir pas visé la question de la culpabilité dans la requête ne peut, à l'égard de cet « élément nouveau », lequel est intrinsèquement imprévisible et qu'il était dès lors impossible de produire en instance, signifier que l'appelant aurait renoncé à contester sa culpabilité ni que le juge d'appel ne peut décider d'office qu'il n'est pas coupable (B.15.2., alinéa 2).
5. Il résulte de ce qui précède que, en cas de survenance d'un élément nouveau, lorsque la question de la culpabilité n'a pas été visée dans la requête d'appel ou dans le formulaire de griefs, le juge d'appel ne peut soulever d'office un moyen d'ordre public portant sur l'absence d'infraction que présenteraient les faits dont il est saisi, que si cet élément répond aux conditions cumulatives suivantes :
- l'élément est survenu après l'expiration du délai d'appel ;
- seul le juge d'appel a pu avoir connaissance de cet élément, à l'exclusion du premier juge ;
- la survenance de l'élément était imprévisible, de sorte que l'appelant n'a pu le faire valoir en première instance et n'a pu davantage le prendre en considération dans la requête d'appel ou dans le formulaire de griefs ;
- l'élément apparaît suffisamment vraisemblable ou déterminant pour fonder un moyen nouveau susceptible d'établir l'absence d'infraction.
Le juge apprécie souverainement si l'élément répond à ces conditions.
6. Dans ses deuxièmes conclusions d'appel, le demandeur a sollicité l'acquittement en renvoyant à une déclaration écrite, produite pour la première fois en degré d'appel, d'une personne prétendant qu'il est possible qu'elle-même ou un tiers ait confié le véhicule à M.
7. Il ne ressort pas du jugement attaqué que les juges d'appel, qui ont constaté ne pas avoir été saisis de la question de la culpabilité, ont examiné si la déclaration écrite produite par le demandeur pouvait constituer un élément nouveau remplissant les conditions susmentionnées. Ainsi, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Sur les autres griefs :
8. Il n'y a pas lieu d'avoir égard aux moyens qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi.
Le contrôle d'office pour le surplus
9. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué, sauf en ce qu'il reçoit l'appel et décide que le demandeur n'a pas élevé de grief contre la question de la culpabilité ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Condamne le demandeur à un dixième des frais ;
Réserve le surplus des frais afin qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Flandre orientale, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept mars deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Els Herregodts, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1118.N
Date de la décision : 17/03/2020
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Il résulte de l'arrêt de la Cour constitutionnelle que, en cas de survenance d'un élément nouveau, lorsque la question de la culpabilité n'a pas été visée dans la requête ou dans le formulaire de griefs, le juge d'appel ne peut soulever d'office un moyen d'ordre public portant sur l'absence d'infraction que présenteraient les faits dont il est saisi, que si cet élément répond aux conditions cumulatives suivantes: - l'élément est survenu après l'expiration du délai d'appel; - seul le juge d'appel a pu prendre connaissance de cet élément, à l'exclusion du premier juge; - la survenance de l'élément était imprévisible, de sorte que l'appelant n'a pu le faire valoir en première instance et n'a pu davantage le prendre en considération dans la requête d'appel ou dans le formulaire de griefs; - l'élément apparaît suffisamment vraisemblable ou déterminant pour fonder un moyen nouveau susceptible d'établir l'absence d'infraction; Le juge apprécie souverainement si l'élément répond à ces conditions (1). (1) C. const. 16 mai 2019, n° 67/2019; Cass. 29 mai 2019, RG P.18.0636.F, Pas. 2019, n° 334.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Procédure en degré d'appel - Griefs - Elément nouveau - Moyen soulevé d'office - Conditions [notice1]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 210 - 30 / No pub 1808111701 ;

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 13 - 30 / No pub 1994021048


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : HERREGODTS ELS
Assesseurs : LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-17;p.19.1118.n ?

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