N° P.19.1245.N
P. P.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Charlotte Verkeyn, avocat au barreau de Flandre Occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 25 octobre 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 1319, 1320 et 1322 du Code civil, 29, § 4, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière : le premier juge et la juridiction d'appel n'ont pas tenu compte de l'existence effective de circonstances exceptionnelles et atténuantes justifiant la réduction du montant de l'amende, auxquelles le formulaire de griefs fait référence ; le jugement attaqué ne tient pas compte de l'attestation produite par le demandeur concernant son état de santé au moment des faits, méconnaissant ainsi la foi due aux actes.
2. Dans la mesure où il est dirigé contre le jugement entrepris et non, par conséquent, contre le jugement attaqué, le moyen est irrecevable.
3. L'article 29 de la loi du 16 mars 1968 détermine les amendes applicables aux infractions aux règlements pris en exécution de cette loi.
Aux termes de l'article 29, § 4, alinéa 1er, en cas de circonstances atténuantes, l'amende peut être réduite sans qu'elle puisse être inférieure à un euro.
4. Il en résulte que l'admission de circonstances atténuantes fondée sur l'article 29, § 4, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 concerne uniquement les condamnations du chef d'infractions aux règlements pris en exécution de cette loi et non du chef d'infractions aux dispositions de celle-ci, parmi lesquelles son article 48, alinéa 1er, 1°.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
5. Pour le surplus, le moyen est déduit de cette violation vainement alléguée et est, dès lors, irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
6. Le moyen est pris de la violation des articles 163 et 195 du Code d'instruction criminelle : bien que le demandeur ait sollicité, par le biais de son formulaire de griefs, l'application de l'article 163 du Code d'instruction criminelle tout en produisant plusieurs documents démontrant la précarité de sa situation financière, le premier juge et la juridiction d'appel ne lui ont pas infligé d'amende inférieure au minimum légal ; le jugement attaqué ne tient pas compte des éléments allégués par le demandeur concernant sa situation sociale ; il n'indique pas davantage les motifs pour lesquels cette disposition n'a pas été appliquée.
7. Dans la mesure où il est dirigé contre le jugement entrepris et non, par conséquent, contre le jugement attaqué, le moyen est irrecevable.
8. Il résulte des articles 163, alinéas 3 et 4, 195, alinéas 2 et 6, et 211 du Code d'instruction criminelle que :
- lorsqu'il détermine le montant de l'amende, le juge tient compte des éléments invoqués par le prévenu eu égard à sa situation sociale ;
- le juge peut prononcer une peine d'amende inférieure au minimum légal si le contrevenant soumet un document quelconque qui apporte la preuve de sa situation financière précaire.
Il ne ressort pas des travaux préparatoires de ces dispositions qu'en édictant celles-ci, le législateur a entendu introduire une obligation de motivation spéciale.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
9. Le jugement attaqué considère, entre autres, que :
- les circonstances alléguées par le demandeur n'ont pas valeur de circonstances atténuantes ;
- le demandeur a un casier judiciaire chargé auquel figurent non moins de seize antécédents judiciaires, qui ont régulièrement concerné la matière de la circulation routière ;
- outre l'amende, une déchéance du droit de conduire de trois mois semble tout à fait adéquate pour enfin inciter le demandeur à se conformer aux décisions du tribunal ;
- les examens de réintégration sont rendus obligatoires par la loi, de même que les amendes et la déchéance du droit de conduire, le minimum légal de chacune de ces peines étant prononcé.
Il résulte de la lecture conjointe de ces motifs que les juges d'appel ont procédé à une appréciation de la défense par laquelle le demandeur sollicitait qu'une amende d'un montant inférieur soit prononcée, qu'ils ont rejetée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
10. Le moyen est pris de la violation des articles 37quinquies du Code pénal et 195 du Code d'instruction criminelle : le premier juge et la juridiction d'appel n'ont pas prononcé de peine de travail, malgré la demande émise en ce sens par le biais du formulaire de griefs, et n'ont pas énoncé le moindre motif à cet égard ; or il existe une obligation d'indiquer de manière explicite les motifs de toute décision de refus.
11. Dans la mesure où il est dirigé contre le jugement entrepris et non, par conséquent, contre le jugement attaqué, le moyen est irrecevable.
12. L'article 37quinquies, § 3, alinéa 2, du Code pénal dispose que le juge qui refuse de prononcer une peine de travail demandée par le prévenu doit motiver sa décision.
Ni le libellé de cette disposition ni ses travaux préparatoires ne s'opposent à ce que le juge motive sa décision de refuser une peine de travail en infligeant une ou plusieurs autres peines au prévenu tout en motivant le choix qu'il fait de cette (ces) peine(s) et du taux de celle(s)-ci conformément à l'article 195, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle.
Dans la mesure où il allègue que le refus d'infliger une peine de travail requiert l'énonciation de motifs explicites, le moyen manque en droit.
13. Par les motifs indiqués dans la réponse apportée au deuxième moyen, le jugement attaqué énonce les raisons qui justifient le choix d'infliger une amende et une déchéance du droit de conduire assortie d'examens de réintégration ainsi que le taux de ces peines et, ce faisant, il indique dans le même temps les raisons pour lesquelles une peine de travail n'est pas prononcée. Ainsi, le jugement attaqué motive cette décision conformément à l'article 37quinquies, § 3, alinéa 2, du Code pénal.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
14. Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, 195 du Code d'instruction criminelle : le jugement attaqué refuse au demandeur l'octroi de quelque forme que ce soit de sursis ou de probation, au seul motif qu'il n'entre plus en considération pour bénéficier d'un sursis ordinaire, sans toutefois indiquer les motifs pour lesquels il ne pourrait plus prétendre à un sursis probatoire ; par conséquent, la décision n'est pas davantage légalement justifiée.
15. Le jugement attaqué considère que le demandeur ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier d'un sursis à l'exécution. Ce faisant, il se borne à décider que le demandeur n'entre plus en considération pour l'octroi d'un sursis ordinaire, sans décider qu'il ne peut plus bénéficier d'un sursis probatoire.
Dans la mesure où il s'appuie sur une lecture erronée du jugement attaqué, le moyen manque en fait.
16. L'obligation, prévue à l'article 8, § 1er, alinéa 4, de la loi du 29 juin 1964, de motiver le refus d'accorder un sursis probatoire à l'exécution conformément à l'article 195 du Code d'instruction criminelle est uniquement applicable si le prévenu a sollicité l'octroi d'un sursis probatoire à l'exécution. Une demande de sursis n'implique pas une demande de sursis probatoire.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
17. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur ait demandé de bénéficier d'un sursis probatoire à l'exécution. Les juges d'appel n'étaient, dès lors, pas tenus d'indiquer les motifs pour lesquels ils n'ont pas octroyé de sursis probatoire à l'exécution.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
18. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du dix mars deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.