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10/03/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1200.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 mars 2020, P.19.1200.N


N° P.19.1200.N
ÉTAT BELGE, Service public fédéral Finances, représenté par le ministre des Finances,
partie poursuivante,
demandeur en cassation,
Mes Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
VREIJSEN HOLDING, société anonyme,
prévenue,
défenderesse en cassation,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le dema

ndeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le co...

N° P.19.1200.N
ÉTAT BELGE, Service public fédéral Finances, représenté par le ministre des Finances,
partie poursuivante,
demandeur en cassation,
Mes Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
VREIJSEN HOLDING, société anonyme,
prévenue,
défenderesse en cassation,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 203.1 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, 511, 512.3, et 859 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 précité, 257, § 3, de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises, 6, § 1er, e), et § 2, a), et 7, § 1er, a), i), de la loi du 22 décembre 2009 relative au régime général d'accise : l'arrêt constate que la défenderesse a transporté les marchandises soumises à accises, qui étaient destinées à être réexportées, de l'entrepôt douanier de Meer, où elles étaient stockées, au lieu de sortie, à savoir le bureau des douanes de Hazeldonk (Pays-Bas), mais qu'elle a omis de couvrir ce transport par le document de transit communautaire externe requis ; en revanche, il acquitte la défenderesse du chef de violation de l'article 257, § 3, de la loi générale sur les douanes et accises et déclare non fondée l'action fiscale du demandeur au motif qu'il est uniquement question de soustraction à la surveillance douanière si ladite soustraction entraîne le risque que des marchandises se retrouvent dans le circuit économique de l'Union alors qu'en l'espèce, l'omission de la défenderesse n'a pas eu de conséquence effective ; or il y a, objectivement, bel et bien eu une soustraction répréhensible du fait de l'opération de transport en cause ; en effet, celle-ci a eu pour conséquence que les marchandises n'étaient plus placées sous un régime de surveillance et, partant, leur destination a été modifiée ; la notion de « soustraction à la surveillance douanière » doit être appréciée de manière objective, de sorte qu'il suffit que les marchandises aient été soustraites à des contrôles éventuels, indépendamment de la question de savoir si des contrôles ont effectivement été réalisés et même si la soustraction n'a pas eu de conséquences concrètes dans la mesure où aucun contrôle n'a été effectué ; relève, par conséquent, de la notion de soustraction à la surveillance douanière, toute disparition et donc toute absence physique, à laquelle l'autorité douanière compétente n'a pas consenti, de marchandises sous surveillance dans le lieu de dépôt agréé ; il n'est pas nécessaire qu'il y ait, en outre, un risque que les marchandises se retrouvent, sans dédouanement, dans le circuit économique de l'Union européenne ; la loi ne prévoit pas une telle condition ; au demeurant, ce risque existait bel et bien en l'espèce.
2. L'article 257, § 3, de la loi générale sur les douanes et accises punit quiconque donne, sans autorisation préalable de l'Administration générale des douanes et accises, aux marchandises faisant l'objet de documents de douane visés au § 1er, une destination autre que celle qui y est expressément indiquée.
3. L'article 203.1 du Code des douanes communautaires prévoit que la soustraction à la surveillance douanière d'une marchandise passible de droits à l'importation fait naître une dette douanière à l'importation.
4. Doit être considéré comme une soustraction à la surveillance douanière, au sens de l'article 203.1 du Code des douanes communautaires, tout acte ou omission qui a pour résultat d'empêcher, ne serait ce que momentanément, l'autorité douanière compétente d'accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d'effectuer les contrôles prévus par la réglementation douanière.
5. Le juge peut déterminer la portée de la notion de modification de la destination et, partant, de l'incrimination prévue à l'article 257, § 3, de la loi générale sur les douanes et accises, en se basant sur le champ d'application de l'article 203.1 du Code des douanes communautaires.
6. Il est vrai que l'arrêt considère, d'une part :
« La notion de ‘soustraction à la surveillance douanière' doit être comprise comme tout acte à la suite duquel les autorités douanières sont empêchées, même temporairement, d'accéder aux marchandises sous surveillance douanière et d'effectuer des contrôles. Cette disparition des marchandises doit toutefois entraîner le risque que celles-ci entrent dans le circuit économique. S'il est établi que les marchandises ne sont pas entrées dans le circuit commercial mais qu'elles ont, par exemple, seulement été présentées aux autorités douanières avec retard, il n'y a pas de soustraction à la surveillance douanière ».
7. Mais, d'autre part, l'arrêt considère également :
- « La cour [d'appel] considère qu'en l'espèce, il n'a pas été fait obstacle à la surveillance douanière et il n'y a pas eu d'interruption de celle-ci. Le placement sous le régime de l'entrepôt s'est déroulé correctement le 9 novembre 2012, sous le couvert d'un document IMA. Pour apurer ce régime, quatre documents d'enlèvement ont été introduits dans l'application PLDA, le 30 novembre 2012. Conformément à l'autorisation en vigueur, ces documents d'exportation ont été dûment présentés au bureau des douanes de Meer, qui les a acceptés après contrôle, mais chacun d'eux mentionnait « NL000852 » comme étant le bureau de sortie. Ainsi, il a été déclaré aux autorités douanières belges que le lieu de sortie de l'Union européenne n'était pas le bureau des douanes de Meer, mais ce bureau situé aux Pays-Bas. Vreysen Holding BV, une société liée à [la défenderesse], y était également établie. La sortie effective des marchandises a ensuite pu être confirmée par le bureau de sortie aux Pays-Bas et, ce faisant, le régime de dépôt en Belgique a pu être considéré comme apuré. Aux Pays-Bas, les marchandises n'ont pas été mises en dépôt mais ont été immédiatement transportées vers leurs destinataires en Ukraine. Il n'est pas irrégulier en soi que la réexportation de marchandises donne lieu à leur sortie dans un autre État membre ».
- « Dans les circonstances concrètes de l'espèce, l'omission de déclarer, ultérieurement aux déclarations d'exportation, un régime suspensif ‘ transit communautaire' pour le transport de l'entrepôt douanier de Meer au lieu de sortie à Hazeldonk ne prouve ni qu'il y a eu un risque que les marchandises ne puissent plus être contrôlées ni qu'il aurait pu y avoir une soustraction illicite des marchandises. L'absence de document couvrant ce transport limité n'impliquait pas un changement de destination au sens de l'article 257, § 3, de la loi générale sur les douanes et accises, dès lors que l'arrêt immédiat aux Pays-Bas avait déjà été mentionné et notifié dans les déclarations d'exportation, qui étaient conformes et dont la validité n'est pas contestée. De ce fait, il n'a pas été mis fin à la surveillance douanière et cette omission n'a pas eu de conséquences effectives à cet égard (voir l'article 859 du règlement (CEE) n° 2454/93 du 2 juillet 1993). Les déclarations d'exportation permettaient au bureau des douanes de Meer de supposer que la réexportation débuterait le 30 novembre 2012 ».
- « Le bureau des douanes de Meer, qui a également validé les quatre déclarations d'exportation PLDA et a ensuite donné la mainlevée des marchandises, a été informé le 30 novembre 2012 que toutes les quantités de tabac pour pipe à eau stockées le 9 novembre 2012 avaient été réexportées et que le lieu de sortie se trouvait aux Pays-Bas. Le transport vers Hazeldonk n'a pas été dissimulé vis-à-vis du bureau des douanes de Meer. Il n'existe pas non plus la moindre indication ou constatation plausible que les marchandises avaient déjà quitté l'entrepôt avant le 30 novembre 2012, ce qui n'est d'ailleurs pas pertinent pour la partie poursuivante (...). En outre, le bureau des douanes de Meer a pu constater que, le même jour, quatre déclarations de ‘ transit externe' ont été déposées au bureau de Hazeldonk, aux Pays-Bas, pour les mêmes marchandises et pour des destinataires identiques. Les déclarations T1 faites aux Pays-Bas étaient parfaitement conformes aux déclarations d'exportation déposées en Belgique ».
Ainsi, l'arrêt fonde la décision d'acquitter la défenderesse du chef de l'infraction prévue à l'article 257, § 3, de la loi générale sur les douanes et accises et de déclarer non fondée l'action fiscale du demandeur, sur des motifs étrangers au risque qu'à la suite de l'omission de la défenderesse les marchandises se soient retrouvées, sans dédouanement, dans le circuit économique de l'Union européenne.
Dirigé contre un motif surabondant qui ne sous-tend pas la décision et qui est sans incidence sur l'ensemble des motifs autonomes précités sur lesquels elle se fonde, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
(...)
Le contrôle d'office
10. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l'État.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du dix mars deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1200.N
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Droit fiscal

Analyses

Doit être considéré comme une soustraction à la surveillance douanière, au sens de l'article 203.1 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, tout acte ou omission qui a pour résultat d'empêcher, ne serait-ce que momentanément, l'autorité douanière compétente d'accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d'effectuer les contrôles prévus par la réglementation douanière; le juge peut déterminer la portée de la notion de modification de la destination et, partant, de l'incrimination prévue à l'article 257, § 3, de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises, en se basant sur le champ d'application de l'article 203.1 du Code des douanes communautaires.

DOUANES ET ACCISES - Documents de douane - Modification de la destination des marchandises sans autorisation de l'administration douanière - Incrimination - Etendue - Importation - Dette douanière - Soustraction à la surveillance douanière - Notion [notice1]


Références :

[notice1]

Loi - 18-07-1977 - Art. 257, § 3 - 31 / No pub 1977071850 ;

Règlement(CEE) - 12-10-1992 - Art. 203.1 - 32


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-10;p.19.1200.n ?

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