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18/02/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1032.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 février 2020, P.19.1032.N


N° P.19.1032.N
G. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Luc Arnou, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
1. E. D.,
(...)
parties civiles,
9. BELFIUS ASSURANCES, société anonyme,
partie citée en intervention forcée,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie ce

rtifiée conforme.
Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA ...

N° P.19.1032.N
G. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Luc Arnou, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
1. E. D.,
(...)
parties civiles,
9. BELFIUS ASSURANCES, société anonyme,
partie citée en intervention forcée,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen :
4. Le moyen est pris de la violation des articles 392 et 398 du Code pénal : l'arrêt se borne à considérer que l'élément moral porte sur l'acte en tant que tel et non sur ses conséquences, et que le demandeur ne peut contester avoir sciemment et volontairement poussé ou donné un coup à T.B. et avoir ainsi porté atteinte à l'intégrité physique de la victime ; par ces motifs, les juges d'appel n'ont pas examiné si le demandeur était conscient de la force avec laquelle il a posé cet acte et s'il savait que la nature intrinsèque de cet acte était telle qu'il était susceptible de causer une lésion à la victime ou de lui faire heurter brutalement un autre objet, tout en ayant décidé de commettre cet acte malgré tout.
5. L'élément moral de l'infraction de coups ou blessures volontaires ne concerne que le fait de porter des coups ou de causer des blessures, et non les conséquences de ces coups ou de ces blessures. Il n'est, dès lors, pas requis que l'auteur ait eu conscience de la possibilité qu'une lésion ou blessure résulte du coup qu'il a donné.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
6. L'arrêt considère que le demandeur ne peut sérieusement contester avoir sciemment et volontairement poussé ou donné un coup à T.B. et avoir ainsi porté atteinte à l'intégrité physique de la victime, et qu'il est, à cet égard, sans pertinence que le demandeur n'ait pas voulu que T.B fasse une chute. Par ces motifs, l'arrêt justifie légalement la décision selon laquelle l'élément moral de l'infraction est établi.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
7. Le moyen, en sa première branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 392, 398 et 401 du Code pénal, 1382 du Code civil : l'arrêt considère que le demandeur a voulu pousser T.B., qu'il l'a effectivement poussé et que N.H., qui se trouvait derrière T.B., a été entraîné dans sa chute ; il ne peut donc se déduire des faits constatés que N.H. a été poussé par inadvertance ou qu'il est question d'un coup qui a été dévié.
Le moyen, en sa deuxième branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention, 149 de la Constitution, 392, 398 et 401 du Code pénal, 1382 du Code civil : l'arrêt considère, à tort, que le demandeur est également coupable d'avoir infligé des coups ou des blessures à N.H. dès lors que les blessures ne lui ont pas été occasionnées directement ; l'arrêt n'examine pas si le dommage, en ce qui concerne N.H., a été recherché et accepté par le demandeur et si le demandeur avait encore la volonté de blesser une autre personne après avoir poussé T.B. ou en l'ayant poussé, et il ne contient pas de telles constatations ; l'infraction a été consommée au moment où T.B a été poussé.
Le moyen, en sa troisième branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention, 149 de la Constitution, 392, 398 et 401 du Code pénal, 1382 du Code civil : l'arrêt n'examine pas si le comportement du demandeur envers N.H. constitue une faute intentionnelle ou non intentionnelle ; s'il fallait admettre en toutes circonstances qu'un acte intentionnel, constitutif de l'infraction de coups et blessures volontaires envers une personne, doit toujours être considéré également comme un acte intentionnel ou une infraction de coups et blessures envers d'autres victimes indirectes, l'auteur n'aurait plus la possibilité de se défendre quant à l'existence de l'intention requise, s'agissant des faits relatifs à ces autres victimes.
8. L'article 392 du Code pénal dispose :
« Sont qualifiés volontaires l'homicide commis et les lésions causées avec le dessein d'attenter à la personne d'un individu déterminé, ou de celui qui sera trouvé ou rencontré, quand même ce dessein serait dépendant de quelque circonstance ou de quelque condition, et lors même que l'auteur se serait trompé dans la personne de celui qui a été victime de l'attentat ».
9. Il résulte de cette disposition que celui qui a l'intention de tuer une personne déterminée ou de lui occasionner des lésions mais qui, en raison d'une cause externe, tue ou cause une lésion également à une autre personne, agit de manière volontaire. La circonstance que l'auteur a également attenté à la personne d'un individu autre que la victime visée, est sans incidence sur le caractère volontaire, au sens de l'article 392 du Code pénal, de son comportement envers cet individu.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen, en chacune de ses branches, manque en droit.
10. L'arrêt considère que :
- le jugement entrepris a considéré à bon droit que les conséquences du comportement violent du demandeur n'étaient nullement aussi imprévisibles ou inévitables que le demandeur veut le faire croire, du moins en ce qui concerne la circonstance qu'un tiers a été entraîné dans la chute de T.B. ;
- il ressort des images de vidéosurveillance qu'après que le demandeur a, une première fois, expulsé T.B. sans ménagement de son café, plusieurs personnes en sont sorties, dont la personne qui l'a exhorté à se calmer, un homme portant un T-shirt blanc et un homme de petite taille entièrement vêtu de noir qui, à 01h44m38s, s'est joint au groupe constitué du demandeur, de T.B. et de l'homme portant un T-shirt blanc ;
- à 01h44m42s, le demandeur est retourné à l'intérieur de son établissement puis T.B. y est entré à 01h44m43s, suivi peu de temps après, à 01h44m48s, par l'homme de petite taille vêtu de noir, à savoir N.H., la victime ;
- dès lors que le demandeur a encore poussé T.B. hors de son établissement à 0[1]h44m50s, il peut difficilement prétendre avoir ignoré que d'autres personnes se trouvaient à proximité immédiate de T.B. et étaient susceptibles de recevoir des coups également.
Par ces motifs, les juges d'appel ont légalement justifié la déclaration de culpabilité du demandeur du chef de la prévention B.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
11. Dans la mesure où il est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention et 149 de la Constitution, le moyen est déduit d'une violation vainement invoqué et est irrecevable.
(...)
Le contrôle d'office
14. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit février deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1032.N
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

L'élément moral de l'infraction de coups ou blessures volontaires concerne uniquement le fait de porter des coups ou de causer des blessures, et non les conséquences de ces coups ou de ces blessures; il n'est, dès lors, pas requis que l'auteur ait eu conscience de la possibilité qu'une lésion ou blessure résulte du coup qu'il a donné (1). (1) Cass. 13 novembre 2012, RG P.12.1398.N, Pas. 2012, n° 611; Cass. 19 octobre 2011, RG P.11.0807.F, Pas. 2011, n° 557. Voir J. DE HERDT, Fysiek interpersoonlijk geweld, Anvers, Intersentia, 2014, 97. Voir également A. DE NAUW, Inleiding tot het bijzonder strafrecht, Malines, Kluwer, 2005, p. 175-176.

INFRACTION - GENERALITES. NOTION. ELEMENT MATERIEL. ELEMENT MORAL. UNITE D'INTENTION - Coups et blessures volontaires - Elément moral - Intention - Concerne uniquement le fait de porter des coups ou de causer des blessures - Etendue - COUPS ET BLESSURES. HOMICIDE - VOLONTAIRES - Elément moral - Intention - Concerne uniquement le fait de porter des coups ou de causer des blessures - Etendue [notice1]

Il ressort de l'article 392 du Code pénal que celui qui a l'intention de tuer une personne déterminée ou de lui occasionner des lésions mais qui, en raison d'une cause externe, tue également une autre personne ou lui cause également des lésions, agit de manière volontaire; la circonstance que l'auteur a également attenté à la personne d'un individu autre que la victime visée, est sans incidence sur le caractère volontaire, au sens de l'article 392 du Code pénal, de son comportement envers cet individu (1). (1) Cass. 22 avril 2014, RG P.13.1999.N, Pas. 2014, n° 295, N.C. 2014, 313 note J. DE HERDT, "De benadering van de aberratio ictus: een misslag?"

INFRACTION - GENERALITES. NOTION. ELEMENT MATERIEL. ELEMENT MORAL. UNITE D'INTENTION - Coups et blessures volontaires - Elément moral - Intention - Tuer ou causer des lésions à une autre personne que celle visée - Conséquence - COUPS ET BLESSURES. HOMICIDE - VOLONTAIRES - Elément moral - Intention - Tuer ou causer des lésions à une autre personne que celle visée - Conséquence [notice3]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 392 et 398 - 01 / No pub 1867060850

[notice3]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 392, 398 et 401 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-02-18;p.19.1032.n ?

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