N° P.19.0584.N
I. P. E.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain,
II. 1. B. D.,
2. A. T.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand,
contre
1. P. E.,
2. A. M.,
3. G. R.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois I et II sont dirigés contre un arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle (ci-après : l'arrêt).
Le pourvoi II est en outre dirigé contre un arrêt rendu le 25 juin 2018 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le troisième moyen :
Quant à la seconde branche :
16. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 44 et 45 du Code pénal, 1382 et 1383 du Code civil : l'arrêt condamne solidairement les demandeurs, du chef des préventions A.1, A.2 et C, au paiement au défendeur 3 de la somme de 619.733,81 euros, soit la somme mentionnée dans les conventions de cession d'actions visées aux préventions A.1 et A.2 ; pour ce faire, il se fonde sur les motifs énoncés au premier moyen, en sa cinquième branche, et plus particulièrement sur le motif que le droit de rachat de la ville d'Alost n'aurait pas nécessairement dû être exercé si le bâtiment industriel avait été vendu à un acheteur qui y aurait organisé une activité industrielle ; il ressort des constatations de l'arrêt que les intéressés n'avaient pas encore connaissance du droit de préemption et de rachat de la ville d'Alost aux dates des préventions A.1 et A.2 et du rapport préalable du réviseur d'entreprise ; par le motif précité, l'arrêt ne constate pas que, sans l'infraction déclarée établie, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est réalisé concrètement, mais seulement qu'il s'agissait d'une éventualité ; en effet, encore eût-il fallu, si l'infraction n'avait pas été commise, que le défendeur 3 vende l'immeuble à un tiers et que celui-ci y organise une activité industrielle, ce qui n'est pas établi ; l'arrêt ne peut légalement condamner le demandeur I à la réparation intégrale d'un dommage pour lequel il n'existe aucune certitude.
17. Le lien causal entre la faute et le dommage requiert que, sans cette faute, le dommage n'aurait pas pu se produire tel qu'il s'est réalisé.
18. Le juge ne peut condamner l'auteur de la faute à réparer le dommage s'il décide qu'une incertitude subsiste quant au lien causal entre la faute et ce dommage.
19. Le juge est tenu d'évaluer le dommage au moment le plus proche de celui de la réparation effective, c'est-à-dire au moment du prononcé.
20. Il ne ressort pas des motifs énoncés par le moyen, en cette branche, que, sans la faute du demandeur I, la valeur de l'immeuble aurait été celle déterminée par l'arrêt, mais seulement qu'il s'agissait d'une éventualité si cet immeuble avait été vendu à un tiers qui y aurait exercé une activité industrielle. Ainsi, l'arrêt ne constate pas avec certitude que, sans la faute, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est réalisé, et la décision n'est pas légalement justifiée.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
(...)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il condamne les demandeurs au paiement de dommages-intérêts, d'une indemnité de procédure et des frais au défendeur 3 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne les demandeurs aux trois cinquièmes des frais de leur pourvoi ;
Réserve le surplus des frais pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Sidney Berneman et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du sept janvier deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général délégué Bart De Smet, avec l'assistance du greffier délégué Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.