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10/12/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0877.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 décembre 2019, P.19.0877.N


N° P.19.0877.N
M. D.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Filip Liebaut, avocat au barreau de Termonde.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 25 juin 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pr

is de la violation des articles 18, 21, 45, 49 et 56 du Traité du 25 mars 1957 sur le fonctionnemen...

N° P.19.0877.N
M. D.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Filip Liebaut, avocat au barreau de Termonde.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 25 juin 2019 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 18, 21, 45, 49 et 56 du Traité du 25 mars 1957 sur le fonctionnement de l'Union européenne, 2, alinéa 1er, de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire, 149 de la Constitution, 195 du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance des principes d'interprétation, de motivation et de proportionnalité : le jugement attaqué condamne le demandeur pour avoir conduit sans être titulaire du permis de conduire à une amende effective de cent euros et à une déchéance du droit de conduire de quinze jours ; cette peine est contraire aux libertés fondamentales consacrées par les dispositions conventionnelles précitées ; en effet, le demandeur, qui réside et travaille en Belgique, est titulaire d'un certificat temporaire (désigné « CECP ») qui atteste du droit de conduire en France ; en outre, la sanction infligée au demandeur est disproportionnée par rapport aux faits mis à sa charge ; en effet, une personne qui a obtenu un droit de conduire dans un autre État membre mais sans avoir encore reçu un permis de conduire conforme au modèle européen, agit de manière moins répréhensible qu'une personne qui conduit un véhicule à moteur sur le territoire d'un État membre sans être titulaire d'aucun droit de conduire ; il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que ce fait justifie uniquement l'imposition d'une sanction légère, telle une amende administrative ; en outre, la motivation de la peine est insuffisante ; les juges d'appel ont fait référence, à tort, au manque d'aptitude à la conduite du demandeur ainsi qu'aux possibles implications sur sa situation assurantielle et ont omis d'examiner, comme la jurisprudence européenne précitée le requiert pourtant, le danger réel pour la sécurité routière que présentait ce conducteur sur le territoire belge.
2. Dans son arrêt C-195/16 du 26 octobre 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a décidé que :
ni les articles 21, 45, 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ni l'article 2, alinéa 1er, de la directive 2006/126 ne s'opposent à ce qu'un État membre impose une sanction à une personne qui, bien qu'ayant satisfait aux conditions de délivrance d'un permis de conduire prévues par cette directive, conduit un véhicule à moteur sur son territoire sans disposer d'un permis de conduire conforme aux exigences du modèle de permis de conduire prévu par ladite directive et qui, dans l'attente de la délivrance d'un tel permis de conduire par un autre État membre, ne peut prouver l'existence de son droit de conduire acquis dans cet autre État membre que par un certificat temporaire délivré par celui-ci ;
- les dispositions conventionnelles précitées requièrent toutefois que cette sanction ne soit pas disproportionnée par rapport à la gravité du fait et, à cet égard, il convient de prendre en compte le fait que, compte tenu de l'objectif de la directive qui est de contribuer à la sécurité routière, la conduite d'un véhicule à moteur sur le territoire d'un État membre en ayant obtenu le droit de conduire dans un autre État membre, mais sans encore disposer d'un permis de conduire conforme aux exigences de la directive 2006/126, est moins répréhensible que la conduite d'un véhicule sans jouir d'aucun droit de conduire ;
- si une sanction pénale sévère, telle une peine d'emprisonnement ou une amende, était infligée à un tel conducteur, elle serait disproportionné par rapport à la gravité des faits en cause et violerait les articles 21, 45, 49 et 56 du TFUE ; en revanche, l'imposition d'une sanction légère telle une amende administrative d'un montant raisonnable ne serait pas disproportionnée ;
- il appartient au juge de prendre en compte, dans le cadre de son appréciation de la gravité de l'infraction commise par le conducteur concerné et de la sévérité de la sanction à lui infliger, en tant que circonstance atténuante, le fait que celui-ci a obtenu le droit de conduire dans un autre État membre, ainsi que d'examiner le danger réel pour la sécurité routière présenté par ce conducteur sur son territoire.
3. Le jugement attaqué condamne le demandeur à une amende de deux cents euros, portés à 1.200 euros, avec sursis de trois ans pour la moitié, ainsi qu'à une déchéance du droit de conduire de quinze jours.
Les juges d'appel ont considéré que cette peine est adéquate eu égard aux circonstances que :
- le demandeur n'était pas autorisé à conduire un véhicule sur le territoire belge ;
- la non-détention d'un permis de conduire valable présente un grave danger pour la société dès lors que, si des faits engageaient la responsabilité du demandeur, les tiers risqueraient de se trouver démunis face aux implications relatives à la technique des assurances de la conduite d'un véhicule sans permis de conduire ;
- la conduite d'un véhicule sans être titulaire d'un permis de conduire valable pour ce véhicule comporte un danger réel d'accident « parce que la non-détention d'un permis de conduire démontre que [le demandeur] n'a pas l'aptitude à la conduite pratique et/ou théorique nécessaire à la direction de ce véhicule à travers une circulation qui devient de plus en plus dense ».
Ainsi, ils ont omis de prendre en compte, dans le cadre de leur appréciation de la gravité des faits mis à charge du demandeur et de la sévérité de la sanction à lui infliger, le droit de conduire obtenu par le demandeur en France, attesté par le certificat temporaire, et la sanction infligée n'est pas légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Le contrôle d'office pour le surplus
4. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
Sur l'étendue de la cassation :
5. L'illégalité constatée entraîne la cassation de la sanction infligée au demandeur, en ce compris la condamnation aux contributions, mais n'affecte pas la déclaration de culpabilité du demandeur.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué en tant qu'il condamne le demandeur à une peine et aux contributions ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Condamne le demandeur aux deux tiers des frais ;
Réserve le surplus des frais afin qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel d'Anvers, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du dix décembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Maxime Marchandise et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0877.N
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Compte tenu de l'arrêt C-195/16 de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 octobre 2017, les juges d'appel qui ont infligé une amende et une déchéance du droit de conduire du chef de la prévention de conduite sans être titulaire d'un permis de conduire, ont omis de prendre en compte, dans le cadre de leur appréciation de la gravité des faits mis à charge du demandeur et de la sévérité de la sanction à lui infliger, le droit de conduire obtenu par le prévenu en France, attesté par un certificat temporaire; de ce fait, la sanction infligée n'est pas légalement justifiée.

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 21 - Permis de conduire étranger temporaire - Taux de la peine - Critères - ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 30 - PEINE - AMENDE ET DECIMES ADDITIONNELS - PEINE - AUTRES PEINES - Divers - Déchéance du droit de conduire - Permis de conduire étranger temporaire - Taux de la peine - Critères [notice1]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 195 - 30 / No pub 1808111701 ;

Loi - 16-03-1968 - Art. 21 et 30 - 31 / No pub 1968031601


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DECREUS LUC
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-10;p.19.0877.n ?

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