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03/12/2019 | BELGIQUE | N°P.19.1139.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 décembre 2019, P.19.1139.N


N° P.19.1139.N
N. T.,
parent d'un mineur d'âge,
demanderesse en récusation,
Me Alfons Sauter, avocat au barreau d'Anvers,
en la cause
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
et
1. N. T., précitée,
parent d'un mineur d'âge,
2. C. P.,
parent d'un mineur d'âge,
Me An Lingier, avocat au barreau de Bruxelles,
3. G.-A. P.,
mineur d'âge.
Me Christine Davidts, avocat au barreau de Louvain.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par un acte remis au greffe de la cour d'appel de Bruxelles le 7 novembre 2019 et annexé au pré

sent arrêt, en copie certifiée conforme, la demanderesse sollicite la récusation du conseiller J. D., juge de la...

N° P.19.1139.N
N. T.,
parent d'un mineur d'âge,
demanderesse en récusation,
Me Alfons Sauter, avocat au barreau d'Anvers,
en la cause
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
et
1. N. T., précitée,
parent d'un mineur d'âge,
2. C. P.,
parent d'un mineur d'âge,
Me An Lingier, avocat au barreau de Bruxelles,
3. G.-A. P.,
mineur d'âge.
Me Christine Davidts, avocat au barreau de Louvain.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par un acte remis au greffe de la cour d'appel de Bruxelles le 7 novembre 2019 et annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, la demanderesse sollicite la récusation du conseiller J. D., juge de la jeunesse en degré d'appel près la cour d'appel de Bruxelles (ci-après : le magistrat visé).
Le magistrat visé a fait, le 8 novembre 2019, la déclaration prévue à l'article 836, alinéa 2, du Code judiciaire en motivant son refus de s'abstenir.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du courrier déposé le 3 décembre 2019 :
1. Un récusant doit invoquer ses motifs de récusation et les circonstances factuelles qui la justifient dans un acte de récusation. Ce n'est qu'alors que le magistrat faisant l'objet de la demande de récusation peut prendre position à cet égard.
2. Dans la mesure où la demanderesse invoque, dans son courrier déposé le 3 décembre 2019, des causes de récusation autres que celles mentionnées dans l'acte de récusation ou d'autres circonstances factuelles justifiant ces causes de récusation, ledit courrier est irrecevable.
Sur le bien-fondé :
3. La demanderesse a interjeté appel le 3 octobre 2019 du jugement rendu le 4 septembre 2019 par le juge de la jeunesse de Louvain par lequel une mesure de surveillance précédemment ordonnée a été prolongée. L'examen de cette cause en degré d'appel a été fixé à l'audience du 7 novembre 2019 de la 33ème chambre de la cour d'appel de Bruxelles, présidée par le magistrat visé.
4. La demanderesse allègue en substance dans sa demande de récusation que :
- deux rapports d'observation du service de psychiatrie infantile de Louvain concernant les enfants mineurs de la demanderesse ont été validés le 8 juin 2017 et le 26 juin 2017 par les professeurs Dr P. A. et Dr M. D., cette dernière étant la sœur du magistrat visé, élément dont la demanderesse n'aurait eu connaissance que récemment. Ce lien de parenté entre le professeur Dr M. D. et le magistrat visé, ainsi que le conflit d'intérêts présent dans ce dossier, n'auraient pas dissuadé le magistrat visé de rendre le 30 mars 2017 deux arrêts fondés sur de fausses pièces et informations. Le magistrat visé n'aurait délibérément pas fait état de son manque d'indépendance en cette cause, ce qui constitue une faute professionnelle ;
- elle a introduit le 30 juillet 2019 une plainte au pénal avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction d'Anvers, division Anvers, contre tous les acteurs qui se sont rendus coupables, dans ce dossier, de diverses infractions et qui font partie d'une organisation criminelle, notamment le professeur Dr M. D. et le magistrat visé.
5. Selon la demanderesse, les causes de récusation suivantes sont applicables :
- article 828, 1°, du Code judiciaire : il ressort des éléments précités que le magistrat visé n'est pas en mesure de se prononcer en toute indépendance, impartialité et sans préjugés, à tout le moins en apparence, de sorte que la crainte d'un traitement partial est justifiée ;
- article 828, 6°, du Code judiciaire : il y a procès criminel entre la demanderesse et le magistrat visé ou son parent ou allié en ligne directe ;
- article 828, 12°, du Code judiciaire : il y a inimitié capitale entre la demanderesse et le magistrat visé ;
- article 828, 13°, du Code judiciaire : il y a conflit d'intérêts.
6. Dans sa déclaration prévue à l'article 836, alinéa 2, du Code judiciaire, le magistrat visé a répondu en substance que :
- l'arrêt qu'elle a rendu date du 30 mars 2017, à savoir avant la validation des deux rapports d'observation mentionnés ;
- elle n'a jamais eu le moindre contact en personne avec le service de psychiatrie infantile de Louvain ni avec le professeur Dr M. D. en cette affaire ni en aucune autre ;
- elle n'était pas informée que ces rapports avaient été validés sous la houlette du professeur Dr M. D. ;
- le professeur Dr M. D. n'est pas sa sœur, mais une cousine.
7. La demanderesse ne rend pas un tant soit peu admissible le fait que les éléments fournis ci-dessus par le magistrat visé concernant les rapports d'observation mentionnés et sa relation avec le professeur Dr M. D. puissent être inexacts. Elle n'apporte ni preuve écrite ni commencement de preuve à cet égard. La Cour apprécie dès lors la demande de récusation à la lumière des éléments fournis par le magistrat visé.
8. Selon l'article 828, 1°, du Code judiciaire, tout juge peut être récusé s'il y a suspicion légitime. Il y a suspicion légitime si les faits invoqués peuvent laisser supposer au demandeur en récusation, aux parties et aux tiers, que le magistrat n'est plus en mesure de se prononcer en toute indépendance et impartialité. Cette suspicion doit toutefois être justifiée objectivement.
9. Le fait qu'un juge de la jeunesse en degré d'appel ait rendu deux ans auparavant, dans le même dossier, une décision en la défaveur de la demanderesse, qui aurait été fondée sur des rapports d'observation qui n'ont été validés qu'après cette décision par un professeur chef de service, cousine de ce juge, n'a pas pour conséquence qu'il existe objectivement un doute légitime chez les parties et les tiers quant à l'aptitude de ce juge de la jeunesse en degré d'appel à se prononcer actuellement, à savoir plus de deux ans plus tard, de manière indépendante et impartiale sur l'appel introduit contre la prolongation d'une mesure de surveillance concernant un mineur d'âge en situation inquiétante. Il ne peut davantage en être déduit qu'il y a conflit d'intérêts entre le magistrat visé et la demanderesse.
Dans la mesure où elle se fonde sur l'article 828, 1° et 13°, du Code judiciaire, la demande de récusation n'est pas justifiée.
10. Le simple fait qu'une partie se constitue partie civile auprès du juge d'instruction, notamment contre un magistrat, en raison de la manière dont ce magistrat et d'autres personnes ont statué à des stades antérieurs de la procédure et que ce traitement est, selon cette partie, constitutif d'infractions, n'a pas pour conséquence qu'il y a procès criminel entre cette partie et ce magistrat ou, le cas échéant, son parent ou allié en ligne directe, tel que prévu à l'article 828, 6°, du Code judiciaire, ou qu'il y a inimitié capitale entre elles, telle que visée à l'article 828, 12°, du Code judiciaire. Une telle plainte n'entraîne pas la mise en mouvement valable de l'action publique à l'encontre du magistrat visé, et le professeur Dr M. D. ne s'avère pas être le parent ou allié en ligne directe du magistrat visé.
Dans la mesure où elle se fonde sur l'article 828, 6° et 12°, du Code judiciaire, la demande en récusation n'est pas justifiée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette la demande en récusation ;
Condamne la demanderesse aux frais ;
Dit que le greffier notifiera le présent arrêt aux parties par pli judiciaire dans les quarante-huit heures, conformément à l'article 838, dernier alinéa, du Code judiciaire.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du trois décembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1139.N
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Autres - Droit pénal

Analyses

Selon l'article 828, 1°, du Code judiciaire, tout juge peut être récusé s'il y a suspicion légitime et il y a suspicion légitime si les faits invoqués peuvent laisser supposer au demandeur en récusation, aux parties et aux tiers, que le magistrat n'est plus en mesure de se prononcer en toute indépendance et impartialité, cette suspicion devant toutefois être justifiée objectivement; le fait qu'un juge de la jeunesse en degré d'appel ait rendu deux ans auparavant, dans le même dossier, une décision en la défaveur de la personne concernée, qui aurait été fondée sur des rapports d'observation qui n'ont été validés qu'après cette décision par un professeur chef de service, cousine de ce juge, n'a pas pour conséquence qu'il existe objectivement un doute légitime chez les parties et les tiers quant à l'aptitude de ce juge de la jeunesse en degré d'appel à se prononcer actuellement, à savoir plus de deux ans plus tard, de manière indépendante et impartiale sur l'appel introduit contre la prolongation d'une mesure de surveillance concernant un mineur d'âge en situation inquiétante et il ne peut davantage en être déduit qu'il y a conflit d'intérêts entre le magistrat visé et la partie concernée.

RECUSATION - Matière répressive - Juge de la jeunesse en degré d'appel - Prolongation d'une mesure de surveillance - Devoir d'impartialité - Suspicion légitime - Code judiciaire, article 828, 1° - Conditions

Le simple fait qu'une partie se constitue partie civile auprès du juge d'instruction, notamment contre un magistrat, en raison de la manière dont ce magistrat et d'autres personnes ont statué à des stades antérieurs de la procédure et que ce traitement est, selon cette partie, constitutif d'infractions, n'a pas pour conséquence qu'il y a procès criminel entre cette partie et ce magistrat ou, le cas échéant, son parent ou allié en ligne directe, tel que prévu à l'article 828, 6°, du Code judiciaire, ou qu'il y a inimitié capitale entre elles, telle que visée à l'article 828, 12°, du Code judiciaire.

RECUSATION - Matière répressive - Juge de la jeunesse en degré d'appel - Prolongation d'une mesure de surveillance - Procès criminel entre le magistrat, son parent ou allié en ligne directe et la partie concernée - Code judiciciaire, article 828, 6° - Conditions - INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Généralités - Plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction - Plainte dirigée contre le magistrat - Récusation - Code judiciaire, article 828, 6° et 12° - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : WINANTS ALAIN
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-03;p.19.1139.n ?

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