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26/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0678.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 novembre 2019, P.19.0678.N


N° P.19.0678.N
F. D.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Anne Marie De Clerck, avocat au barreau de Gand,
contre
1. S. D.C.,
2. F. D.S.,
inculpés,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA

DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 193, 196 et 197 du ...

N° P.19.0678.N
F. D.,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Anne Marie De Clerck, avocat au barreau de Gand,
contre
1. S. D.C.,
2. F. D.S.,
inculpés,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 193, 196 et 197 du Code pénal : l'arrêt prononce le non-lieu à l'égard des défendeurs du chef des préventions A (faux en écritures) et B (usage de faux) ; par une convention du 27 septembre 2007 une vente croisée a eu lieu par laquelle la défenderesse 2, à savoir l'épouse du demandeur à l'époque, a acquis des parts dans trois sociétés de la famille du demandeur pour le prix symbolique d'un euro qui n'a jamais été payé ; il s'agit d'une convention de donation simulée, établie avec la collaboration du défendeur 1 ; le demandeur a allégué que cette convention simulée est constitutive d'une infraction de faux en écritures parce que la défenderesse 2 poursuivait un avantage illicite, à savoir contourner les dispositions impératives du Code civil relatives aux ventes et donations entre époux ; l'arrêt rejette cette allégation parce que la dissimulation de la vérité a réellement été convenue entre les parties contractantes ; cependant, cette circonstance n'exclut pas l'existence d'un faux.
2. L'infraction de faux en écritures visées aux articles 193, 196, 213 et 214 du Code pénal consiste à dissimuler la réalité, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, dans un écrit protégé par la loi et de la manière qu'elle détermine, alors qu'il peut en résulter un préjudice. Le faux est «intellectuel» lorsque l'instrumentum, qui n'a pas subi de modifications matérielles, constate des faits et des actes contraires à la vérité.
3. Le fait que toutes les parties contractantes conviennent d'inclure un fait ou un acte faux dans une convention qu'elles concluent entre elles, n'exclut pas que cette convention constitue ou puisse constituer un faux intellectuel.
4. Toutefois, si une convention ne comporte pas d'élément contraire à la vérité, le simple fait qu'elle n'a pas été légalement formée n'induit pas qu'elle constitue un faux.
Le moyen qui est déduit d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
Sur le second moyen :
5. Le moyen invoque la violation de l'article 496 du Code pénal : l'arrêt décide qu'il y a lieu de requalifier les préventions C.1 et C.2 en faits d'escroquerie réalisés au moment de l'acquisition des parts le 7 septembre 2005 (C.1) et le 27 septembre 2007 (C.2), de sorte que l'action publique exercée du chef de ces préventions est prescrite ; la remise matérielle des choses, objet de l'escroquerie, n'était toutefois pas encore réalisée du simple fait de la conclusion des conventions aux dates précitées : après ces dates, la valeur des parts a monté à la suite d'agissements successifs jusqu'au moment de leur réalisation et le caractère caché et frauduleux des conventions a persisté jusqu'au terme du mariage entre le demandeur et la défenderesse 2.
6. L'infraction d'escroquerie requiert, dans le chef de l'auteur, l'intention de s'approprier frauduleusement une chose appartenant à autrui et le recours à des moyens frauduleux à cette fin, suivis d'une remise ou d'une livraison de la chose.
7. L'escroquerie est une infraction instantanée qui est réputée réalisée dès que l'auteur est parvenu à faire remettre ou livrer la chose, de sorte que la prescription de l'action publique concernant cette infraction commence en principe à courir à la date de la remise ou de la livraison.
8. Le juge apprécie souverainement en fait si un certain comportement constitue une manœuvre frauduleuse au sens de l'article 496 du Code pénal, combien de temps l'auteur a eu recours à cette manœuvre frauduleuse ainsi que le moment où la victime a remis ou livré la chose à la suite de cette manœuvre frauduleuse.
Dans la mesure où il critique cette appréciation souveraine de l'arrêt ou impose un examen des faits pour lequel la Cour est sans compétence, le moyen est irrecevable.
9. Par les motifs que le moyen indique, l'arrêt considère qu'il n'y a pas d'indices que des manœuvres litigieuses ont encore été employées après le 27 septembre 2007 pour tromper le demandeur et ainsi le convaincre de l'honnêteté des agissements effectués, et qu'il n'y a pas lieu de requalifier les préventions C en tentative d'escroquerie commise jusqu'au 24 novembre 2014 pour le prix total des parts de la défenderesse 2 dans les sociétés précitées. Ainsi, l'arrêt justifie légalement la décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Erwin Francis, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six novembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général délégué Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0678.N
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

L'infraction de faux en écritures consiste à dissimuler la réalité, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, dans un écrit protégé par la loi et de la manière qu'elle détermine, alors qu'il peut en résulter un préjudice; le faux est «intellectuel» lorsque l'instrumentum, qui n'a pas subi de modifications matérielles, constate des faits et des actes contraires à la vérité (1); le fait que toutes les parties contractantes conviennent d'inclure un fait ou un acte faux dans une convention qu'elles concluent entre elles, n'exclut pas que cette convention constitue ou puisse constituer un faux intellectuel; toutefois, si une convention ne comporte pas d'élément contraire à la vérité, le simple fait qu'elle n'a pas été légalement formée n'induit pas qu'elle constitue un faux. (1) Cass. 21 juin 1994, RG P.93.1033.N, Pas. 1994, n° 324.

FAUX ET USAGE DE FAUX - Matière répressive - Elément matériel - Faux intellectuel - Notion [notice1]

L'infraction d'escroquerie requiert, dans le chef de l'auteur, l'intention de s'approprier frauduleusement une chose appartenant à autrui et le recours à des moyens frauduleux à cette fin, suivis d'une remise ou d'une livraison de la chose (1); le juge apprécie souverainement en fait si un certain comportement constitue une manoeuvre frauduleuse (2), combien de temps l'auteur a eu recours à cette manoeuvre frauduleuse ainsi que le moment où la victime a remis ou livré la chose à la suite de cette manoeuvre frauduleuse. (1) Cass. 17 février 2015, RG P.14.1526.N, Pas. 2015, n° 123 ; Cass. 25 octobre 1983, RG 7392, Pas. 1984, n° 109. (2) Cass. 4 décembre 2012, RG P.12.0781.N, Pas. 2012, n° 660 (notion de manoeuvre frauduleuse); Cass. 17 février 1988, RG 6326, Pas. 1988, n° 370.

ESCROQUERIE - Intention frauduleuse - Remise ou livraison de la chose - Infraction instantanée - Manoeuvre frauduleuse - Portée [notice2]

L'escroquerie est une infraction instantanée qui est réputée réalisée dès que l'auteur est parvenu à faire remettre ou livrer la chose, de sorte que la prescription de l'action publique concernant cette infraction commence en principe à courir à la date de la remise ou de la livraison.

PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Délais - Point de départ du délai de prescription - Escroquerie - Application [notice3]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 193, 196, 197, 213 et 214 - 01 / No pub 1867060850

[notice2]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 496 - 01 / No pub 1867060850

[notice3]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 496 - 01 / No pub 1867060850 ;

Titre préliminaire du Code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 21 - 01 / No pub 1878041750


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-26;p.19.0678.n ?

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