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21/11/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0613.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 novembre 2019, C.18.0613.N


N° C.18.0613.N
ORANGE BELGIUM, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
J. V.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
en présence de
RÉGION FLAMANDE,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 12 janvier 2017 et 22 mars 2018 par la cour d'appel de Gand.
L'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions le 1er octobre 2019.
Le conseiller Geert Jocqué a fait rapport.
L'avocat général André Van In

gelgem a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en co...

N° C.18.0613.N
ORANGE BELGIUM, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
J. V.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
en présence de
RÉGION FLAMANDE,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 12 janvier 2017 et 22 mars 2018 par la cour d'appel de Gand.
L'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions le 1er octobre 2019.
Le conseiller Geert Jocqué a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente quatre moyens.
III. La décision de la Cour
Sur l'ensemble du premier moyen :
1. Contrairement à ce que le moyen suppose en ses deux branches, dans l'arrêt interlocutoire du 12 janvier 2017, par lequel ils ont considéré que le permis d'urbanisme du 5 septembre 2006 est illégal et ne doit pas être appliqué entre les parties, les juges d'appel n'ont pas constaté que la demanderesse a commis une faute extracontractuelle qui lui est imputable en érigeant un pylône GSM sans disposer à cet effet d'une autorisation légale.
Le moyen, qui se fonde sur une lecture erronée de l'arrêt du 12 janvier 2017, manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
2. Il n'est pas contradictoire de décider, d'une part, qu'au motif que son fondement juridique n'était pas clair dans l'arrêt interlocutoire du 12 janvier 2017, il n'a pas encore été statué sur la faute de la demanderesse, d'autre part, que la matérialité de la faute de la demanderesse, consistant en l'installation d'un pylône GSM sans disposer à cet effet d'une autorisation légale, a déjà été constatée dans ledit arrêt interlocutoire.
Le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
3. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, dans ses « Conclusions de synthèse après l'arrêt interlocutoire du 12 janvier 2017 », la demanderesse a soutenu que l'allégation du défendeur, selon laquelle la demanderesse aurait commis une faute en érigeant en son temps le pylône de diffusion sur la base d'un permis dont l'application a été écartée bien des années plus tard en vertu de l'article 159 de la Constitution, n'est pas exacte à défaut d'effet rétroactif.
4. Par la considération que la demanderesse ne peut se prévaloir à l'égard du défendeur d'un permis valable du fait que son application a déjà été écartée par l'arrêt interlocutoire du 12 janvier 2017, les juges d'appel ont répondu, en la rejetant, à la défense susmentionnée de la demanderesse.
En tant qu'il invoque la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen, en cette branche, manque en fait.
5. Conformément à l'article 159 de la Constitution, les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois.
Le fait de déclarer inapplicable, en cours d'instance, un permis pour cause d'illégalité a pour conséquence qu'entre les parties à la cause, ce permis n'est pas pris en considération, de sorte qu'il ne sortit pas ses effets et que le juge ne peut en tenir compte ni en droit, ni en fait.
6. En tant qu'il suppose que la décision de l'arrêt interlocutoire du 12 janvier 2017 d'écarter l'application du permis de régularisation du 5 septembre 2006 sur la base de l'article 159 de la Constitution n'a point d'effet rétroactif, de sorte que la demanderesse a installé le pylône GSM sur la base d'un permis d'urbanisme valable, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
7. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, dans ses « Conclusions de synthèse après l'arrêt interlocutoire du 12 janvier 2017 », la demanderesse a soutenu que l'exécution du permis de bâtir jugé illégal en application de l'article 159 de la Constitution ne peut être automatiquement considérée comme une faute extracontractuelle de la part du titulaire du permis.
8. Par la considération que la demande formée à l'encontre de la demanderesse est en principe fondée au motif que le défendeur a subi et subit aujourd'hui encore un préjudice du fait de l'installation du pylône et que la demanderesse l'y a installé sans pouvoir invoquer un permis valable à l'égard du défendeur puisqu'il a été déclaré inapplicable dans l'arrêt interlocutoire du 12 janvier 2017, les juges d'appel ont répondu, en la rejetant, à la défense susmentionnée de la demanderesse.
En tant qu'il invoque la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen, en cette branche, manque en fait.
9. À défaut de conclusions déposées à cette fin, les juges d'appel, qui ont constaté que la demanderesse a installé un pylône GSM sans disposer à cet effet d'une autorisation légale, n'étaient pas tenus de constater expressément que cette irrégularité est imputable à la demanderesse.
Il ne résulte pas de la seule circonstance que les juges d'appel ne l'ont pas expressément constaté que cet élément n'a pas été examiné.
En tant qu'il reproche aux juges d'appel de constater une faute dans le chef de la demanderesse sans examiner si l'irrégularité constatée est imputable à la demanderesse, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
10. Les juges d'appel ont constaté et considéré que :
- le défendeur a subi et subit encore aujourd'hui un préjudice ensuite de l'installation du pylône ;
- l'article 1382 du Code civil oblige celui qui, par sa faute, cause un dommage à le réparer intégralement, ce qui implique que le préjudicié doit être placé autant que possible dans la situation dans laquelle il serait demeuré si la faute n'avait pas été commise ;
- la réparation du préjudice en nature est le mode normal de réparation du dommage ;
- la réparation du préjudice doit en l'espèce se faire par équivalent, et non en nature ;
- une démolition du pylône mettrait également en péril les droits des tiers, qui ne sont pas partie à la cause.
11. Par ces motifs, les juges d'appel ont donné à connaître que l'alternative légitime à l'installation de ce pylône sans disposer à cet effet d'une autorisation légale consiste en sa non-installation et qu'il existe un lien de causalité entre l'installation du pylône et le préjudice subi par le défendeur. Les juges d'appel ont ainsi répondu, en la rejetant, à la défense de la demanderesse selon laquelle le défendeur n'établit aucun lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice.
En tant qu'il reproche aux juges d'appel de ne pas avoir répondu à cette défense, le moyen, en cette branche, manque en fait.
12. Les juges d'appel qui ont donné à connaître que l'alternative légitime à l'illégalité consiste en la non-installation du pylône ont répondu, en la rejetant, à la défense présentée par la demanderesse dans ses « Conclusions de synthèse après l'arrêt interlocutoire du 12 janvier 2017 », selon laquelle il appartient au défendeur de prouver qu'en l'absence de la faute alléguée de la demanderesse, une décision qui lui aurait été plus favorable aurait été prise. Ce faisant, ils n'étaient pas tenus de répondre à chaque argument avancé à l'appui de cette défense, qui ne constituait pas une défense distincte.
Le moyen, qui reproche aux juges d'appel de ne pas avoir répondu à la défense de la demanderesse selon laquelle les illégalités alléguées dans la décision d'attribution du 5 septembre 2006 ne concernent que des illégalités externes, auxquelles il sera remédié dans une nouvelle décision d'attribution, ne peut, dans cette mesure, être accueilli.
13. Il suit de la réponse sub 11, que, dans la mesure où il reproche aux juges d'appel de ne pas avoir constaté qu'il existe un lien de causalité entre la faute alléguée de la demanderesse et le préjudice subi et, en particulier, que l'alternative légitime à l'illégalité constatée consistait en un refus d'autorisation, le moyen manque en fait.
Demande en déclaration d'arrêt commun :
14. Le rejet du pourvoi en cassation prive d'intérêt la demande en déclaration d'arrêt commun.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi en cassation et la demande en déclaration d'arrêt commun.
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Beatrijs Deconinck, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Geert Jocqué, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf par le premier président Beatrijs Deconinck, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Sabine Geubel et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.18.0613.N
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Droit constitutionnel - Autres

Analyses

Le fait de déclarer inapplicable, en cours d'instance, un permis pour cause d'illégalité a pour conséquence qu'entre les parties à la cause, ce permis n'est pas pris en considération, de sorte qu'il ne sortit pas ses effets et que le juge ne peut en tenir compte ni en droit, ni en fait (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 100 A FIN) - Article 159 - Le fait de déclarer inapplicable un permis pour cause d'illégalité - Conséquence - LOIS. DECRETS. ORDONNANCES. ARRETES - LEGALITE DES ARRETES ET REGLEMENTS [notice1]

Les juges d'appel qui ont constaté que la demanderesse a installé un pylône GSM sans disposer à cet effet d'une autorisation légale ne sont pas tenus, à défaut de conclusions déposées à cette fin, de constater expressément que cette irrégularité est imputable à la demanderesse; il ne résulte pas de la seule circonstance que les juges d'appel ne l'ont pas expressément constaté que cet élément n'a pas été examiné (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière civile (y compris les matières commerciale et sociale) - Imputabilité de l'irrégularité constatée - Appréciation par le juge - Conséquence


Références :

[notice1]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 159 - 30 / No pub 1994021048


Composition du Tribunal
Président : DECONINCK BEATRIJS
Greffier : VAN DE SIJPE VANESSA
Ministère public : VAN INGELGEM ANDRE
Assesseurs : WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, JOCQUE GEERT, MESTDAGH KOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-21;c.18.0613.n ?

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