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19/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0861.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 novembre 2019, P.19.0861.N


N° P.19.0861.N
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE GAND,
demandeur en cassation,
contre
G. D.,
prévenu,
défendeur en cassation,
Me Luc Arnou, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Gand, première chambre.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. LA DÉCISION DE

LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la troisième branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris d...

N° P.19.0861.N
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE GAND,
demandeur en cassation,
contre
G. D.,
prévenu,
défendeur en cassation,
Me Luc Arnou, avocat au barreau de Flandre occidentale.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Gand, première chambre.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la troisième branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 121 à 127 de la loi-programme du 27 décembre 2005, dans leur version applicable : l'arrêt considère, à tort, que le déclarant est libre de déterminer lui-même les valeurs et les revenus dont il souhaite la régularisation ; le fait qu'une déclaration-régularisation doit bel et bien faire mention de l'ensemble des revenus non déclarés découle de la notion même de « régularisation » et de la possibilité dérogatoire de déposer une seconde déclaration-régularisation, prévue par la loi du 11 juillet 2013 modifiant le régime de régularisation fiscale et instaurant une régularisation sociale, ainsi que des travaux préparatoires de cette dernière loi ; l'absence, dans le formulaire de demande, de question spécifique sur les autres revenus d'origine étrangère non déclarés ou comptes à l'étranger, est sans incidence.
2. Le défendeur était poursuivi, sous les préventions A, du chef de faux en écritures au sens de l'article 450, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, pour avoir omis, dans sa déclaration-régularisation du 27 juin 2013 :
- de déclarer une partie de ses revenus mobiliers, à savoir les revenus mobiliers fiscalement prescrits compris dans les avoirs présents sur le compte luxembourgeois n° 267.253 auprès de la banque ING, ainsi que les revenus mobiliers compris dans les avoirs présents sur le compte « Freedom » n° 638.8532 auprès de la banque Julius Bär à Genève (devenue la société anonyme ING Bank Suisse) (revenus pour la période allant d'août 2008 au 4 mai 2011) ;
- de déclarer l'ensemble de ses comptes à l'étranger, plus particulièrement le compte « Freedom » susmentionné, présentant un solde de 349 619,51 euros au 8 avril 2011.
Le défendeur était poursuivi, sous les préventions B.1 et B.2, du chef de l'usage des pièces visées sous les préventions A.
Ces préventions relèvent donc des articles 121 à 127 de la loi-programme du 27 décembre 2005 et du modèle de déclaration-régularisation repris en annexe 1 de l'arrêté royal du 9 mars 2006 fixant les modèles de formulaires à utiliser en exécution des articles 124 et 127/2 de la loi-programme du 27 décembre 2005, dans leur version applicable au 27 juin 2013.
3. Ces dispositions et ce modèle n'impliquent pas l'obligation pour le déclarant de mentionner dans sa déclaration-régularisation l'ensemble des revenus mobiliers non déclarés ou des exercices d'imposition concernés par cette omission de déclaration, ni d'indiquer que cette déclaration est exhaustive, mais lui permettent de déterminer quelles valeurs et quels revenus il souhaite déclarer pour quelles années en vue d'une régularisation. Ces dispositions n'obligent pas davantage le déclarant à faire mention de l'ensemble de ses comptes à l'étranger. Les travaux préparatoires et les dispositions de la loi du 11 juillet 2013, entrée en vigueur après les faits, sont sans incidence à cet égard.
Le moyen qui, en cette branche, procède d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
(...)
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
9. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 42, 1° et 3°, 505, alinéa 1er, 4°, du Code pénal : l'arrêt considère, à tort, que l'infraction de blanchiment, objet de la prévention E, n'est pas établie parce que le solde de 349. 619,51 euros sur le compte suisse « Freedom » n° 638.8532, ne constitue pas dans sa totalité un avantage patrimonial au sens de l'article 42, 3°, du Code pénal ; en l'espèce, l'infraction fiscale de base consiste en l'omission de ce compte dans la déclaration-régularisation du défendeur (préventions A.2 et B.2) et dans ses déclarations à l'impôt des personnes physiques (préventions C et D) ; ainsi, l'existence même du compte a été dissimulée aux autorités fiscales et l'enquête plus approfondie de l'administration fiscale a été entravée, à tout le moins partiellement ; par conséquent, ce compte et le solde qu'il présente constituent l'objet de l'infraction de blanchiment mise à charge.
10. Les avantages patrimoniaux visés à l'article 42, 3°, du Code pénal englobent tant les biens et valeurs que tout avantage économique provenant d'une infraction. L'existence d'un lien de causalité entre l'infraction et l'avantage patrimonial est requise.
Toutefois, le simple fait qu'un contribuable dissimule frauduleusement l'existence d'un compte à l'étranger à l'administration fiscale et que cette infraction entrave l'enquête de cette administration, n'implique pas que ce compte ou le solde de celui-ci constituent un avantage patrimonial provenant de cette dissimulation et puisse donc constituer l'objet d'une infraction de blanchiment.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
11. Sur le fondement des circonstances factuelles dont il constate l'existence, l'arrêt considère que le montant de 349.619,51 euros sur le compte suisse « Freedom » n'a pas d'origine ou de provenance illégale. Ainsi, l'arrêt justifie légalement la décision selon laquelle ce montant ne constitue pas l'objet de l'infraction de blanchiment poursuivie.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi.
Laisse les frais à charge de l'État.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf novembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0861.N
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Droit fiscal - Droit pénal

Analyses

Les articles 121 à 127 de la loi-programme du 27 décembre 2005 et le modèle de déclaration-régularisation repris en annexe 1 de l'arrêté royal du 9 mars 2006 fixant les modèles de formulaires à utiliser en exécution des articles 124 et 127/2 de la loi-programme du 27 décembre 2005, dans leur version applicable au 27 juin 2013, n'impliquent pas d'obligation pour le déclarant de mentionner dans sa déclaration-régularisation l'ensemble des revenus mobiliers non déclarés ou des années d'imposition concernées par cette omission de déclaration, ni de confirmer que cette déclaration est exhaustive, mais lui permettent de déterminer quelles valeurs et quels revenus il souhaite déclarer pour quelles années en vue d'une régularisation; ces dispositions n'obligent pas davantage le déclarant à faire mention de l'ensemble de ses comptes à l'étranger.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES - Revenus de biens meubles - Loi-programme du 27 décembre 2005 - Non-déclaration de sommes, valeurs et revenus - Déclaration-régularisation - Mentions obligatoires - Limite

Les avantages patrimoniaux illégaux visés à l'article 42, 3° du Code pénal englobent tant les biens et valeurs que tout avantage économique provenant d'une infraction (1), à la condition qu'il existe un lien de causalité entre l'infraction et l'avantage patrimonial; le simple fait qu'un contribuable dissimule frauduleusement l'existence d'un compte à l'étranger à l'administration fiscale et qu'il fasse obstacle à l'enquête de cette administration en conséquence de cette infraction, n'implique pas que ce compte ou le solde de celui-ci constitue un avantage patrimonial provenant de cette dissimulation et puisse donc constituer l'objet d'une infraction de blanchiment. (1) Cass. 8 novembre 2005, RG P.05.0996.N, Pas. 2005, n° 575.

PEINE - AUTRES PEINES - Confiscation - Avantages patrimoniaux - Notion - Condition - Application [notice2]


Références :

[notice2]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 43, 3° - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : TIMPERMAN MARC
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, LUGENTZ FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-19;p.19.0861.n ?

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