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05/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0426.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 novembre 2019, P.19.0426.N


N° P.19.0426.N
F. G.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Renaud Vercaemst, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. L'arrêt prononce l'acquittement d

u demandeur du chef des préventions A, B, C, sauf C.1, quatrième tiret, et D.
Dans la mesure où il es...

N° P.19.0426.N
F. G.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Renaud Vercaemst, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. L'arrêt prononce l'acquittement du demandeur du chef des préventions A, B, C, sauf C.1, quatrième tiret, et D.
Dans la mesure où il est dirigé contre ces décisions, le pourvoi est irrecevable, à défaut d'intérêt.
(...)
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
6. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 22 de la Constitution et 28bis, § 3, du Code d'instruction criminelle : l'arrêt rejette la défense du demandeur selon laquelle l'exploration de données électroniques, en l'espèce la banque de données de la société anonyme Informex, porte atteinte au droit au respect de sa vie privée parce que seule une intervention judiciaire, plus précisément la délivrance d'un mandat de perquisition, permet d'y procéder de manière régulière ; il considère que la défense avancée par le demandeur est dénuée de sens pour la simple raison que l'exploration en question s'inscrivait dans le cadre d'une information judiciaire ; ainsi, l'arrêt omet d'examiner si le recueil des informations visées est un moyen d'investigation prévu par la loi et nécessaire dans le cadre d'une procédure pénale et si l'utilisation des preuves obtenues par ce moyen est également nécessaire et autorisée par la loi.
À titre subsidiaire, le demandeur invite la Cour à poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante: « Eu égard à l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, combiné à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et au principe de licéité, de proportionnalité et de finalité (article 3.1 de la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008, repris à l'article 4.1 de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016), est-il suffisant, pour réduire à néant toute argumentation relative à des atteintes à la vie privée, que, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte pour lutter contre le trafic intracommunautaire de véhicules, les services de police soient épaulés par le ministère public pour le recueil de données à caractère privé auprès de tiers telle une entreprise privée (en l'espèce la société anonyme Informex), ou bien le juge national - appelé à contrôler la régularité de l'enquête - doit-il toujours et expressément examiner si, premièrement, les recueils d'informations représentaient des moyens d'investigation prévus par la loi et nécessaires dans le cadre de la procédure pénale et, deuxièmement, si l'utilisation des preuves obtenues par ces moyens était également nécessaire et autorisée par la loi ? ».
7. Aux termes de l'article 28bis, § 1er, alinéas 1 et 3 du Code d'instruction criminelle, l'information est l'ensemble des actes destinés à rechercher les infractions, leurs auteurs et les preuves, et à rassembler les éléments utiles à l'exercice de l'action publique. Elle est conduite sous la direction et l'autorité du procureur du Roi compétent, qui en assume la responsabilité.
Le troisième paragraphe du même article dispose que, sauf les exceptions prévues par la loi, les actes d'information ne peuvent comporter aucun acte de contrainte ni porter atteinte aux libertés et aux droits individuels.
8. Il ressort des constatations de l'arrêt que la recherche dont la régularité est contestée par le demandeur a été menée au cours de la période allant de septembre à décembre 2010.
9. En vertu de l'article 39bis du Code d'instruction criminelle, tel qu'il était alors applicable, le procureur du Roi est compétent en matière de saisie des données sauvegardées dans un système informatique. Un système informatique tel que visé en l'espèce est un système permettant le stockage, le traitement ou la transmission de données. Une banque de données reprenant l'historique d'utilisation d'un site internet peut donc relever de cette notion.
Cette compétence s'étend également à la recherche dans un système informatique. L'article 39bis, § 5, du Code d'instruction criminelle, tel qu'applicable en l'espèce, précise d'ailleurs que le procureur du Roi informe le responsable du système informatique de la recherche dans le système informatique. Ainsi, le procureur du Roi a la compétence de mener une recherche informatique ici visée.
10. Suivant l'article 88ter, §§ 1 et 2, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il était alors applicable, lorsque le juge d'instruction ordonne une recherche dans un système informatique, cette recherche peut, s'il est satisfait aux conditions de proportionnalité et de subsidiarité qui y sont prévues, être étendue vers un système informatique ou une partie de celui-ci qui se trouve dans un autre lieu que celui où la recherche est effectuée, étant entendu que cette extension ne peut excéder les systèmes informatiques auxquels les personnes autorisées à utiliser le système informatique qui fait l'objet de la mesure ont spécifiquement accès. Ainsi, seul le juge d'instruction a la compétence de mener une recherche dans un réseau informatique ici visée.
11. Le demandeur n'a pas soutenu devant les juges d'appel, et il ne ressort pas davantage des constatations de l'arrêt, que la recherche dans la banque de données de la société anonyme Informex nécessitait d'être étendue à un autre système informatique.
12. D'une part, les articles 7 de la Charte, 8 de la Convention et 22 de la Constitution ne requièrent pas qu'une recherche informatique soit menée par un juge d'instruction. D'autre part, l'article 39bis du Code d'instruction criminelle, tel qu'applicable en l'espèce, constitue une exception légale à la règle prévue à l'article 28bis, § 3, dudit code, selon laquelle les actes d'information ne peuvent porter atteinte aux libertés et aux droits individuels. Par conséquent, contrairement à ce que le moyen suppose, une recherche informatique ne requiert pas d'intervention judiciaire et l'absence d'une telle intervention n'implique pas de violation du droit au respect de la vie privée.
Fût-il fondé, le moyen, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation et est, dès lors, irrecevable.
13. Eu égard à l'évidence de cette motivation, il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice.
(...)
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
17. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 505, alinéa 1er, 1°, du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance de la présomption d'innocence : l'arrêt condamne le demandeur du chef de la prévention C.1, quatrième tiret (recel de quarante airbags Peugeot) ; il considère que ces airbags avaient « probablement fait l'objet d'un vol domestique », que les éléments factuels du dossier répressif « font naître une présomption irréfragable que leur provenance était illicite », que « la thèse spécifique selon laquelle un vol domestique a été commis dans l'usine Peugeot repose uniquement sur une forte probabilité » et qu'« aucun élément déterminant ne permet de douter de la provenance illicite des airbags » ; ainsi, l'arrêt n'établit pas de manière certaine la provenance illicite des airbags.
18. Toute condamnation du chef de recel requiert qu'il soit établi que la chose recelée a été obtenue à l'aide d'un crime ou d'un délit. Il n'est requis ni que la décision de condamnation précise ce crime ou ce délit, ni que l'auteur de ce crime ou ce délit soit connu, ni que le propriétaire de l'objet recelé ait été identifié. Le juge apprécie souverainement, sur la base des faits soumis à contradiction, si l'objet provient de manière certaine, à savoir sans doute raisonnable possible, d'un crime ou d'un délit.
19. L'arrêt considère que les airbags trouvés en possession des plaignants ne peuvent avoir été obtenus que par un crime ou un délit compte tenu, entre autres, du nombre, de la valeur et des caractéristiques des airbags ainsi que du caractère peu plausible des déclarations des plaignants concernant leur acquisition et leur destination. Ainsi, quels que soient les termes qu'il utilise, l'arrêt établit de manière certaine la provenance illicite des airbags et la décision est légalement justifiée.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)
Le contrôle d'office
22. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi.
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq novembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0426.N
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Droit européen - Droit constitutionnel

Analyses

Un système informatique visé l'article 39bis du Code d'instruction criminelle, tel qu'il était applicable en 2012, est un système permettant le stockage, le traitement ou la transmission de données; une banque de données reprenant l'historique d'utilisation d'un site internet peut donc relever de cette notion; alors que, compte tenu de l'article 88ter du Code d'instruction criminelle, seul le juge d'instruction a la compétence de mener une recherche informatique, les articles 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 22 de la Constitution ne requièrent pas en soi qu'une recherche informatique soit menée par un juge d'instruction; l'article 39bis du Code d'instruction criminelle constitue une exception légale à la règle prévue à l'article 28bis, § 3, dudit code, selon laquelle les actes d'information conduits sous la direction et l'autorité du procureur du Roi compétent ne peuvent porter atteinte aux libertés et aux droits individuels; par conséquent, une recherche informatique ne requiert pas d'intervention judiciaire et l'absence d'une telle intervention n'implique pas de violation du droit au respect de la vie privée.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - Recherche dans un système informatique - Notion - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 8 - Recherche dans un système informatique - Condition - UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Principes - Charte des Droits fondamentaux de l'Union europeenne - Respect de la vie privée - Recherche informatique - Condition - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 22 - Droit au respect de la vie privée - Recherche informatique - Condition

Toute condamnation du chef de recel requiert qu'il soit établi que la chose recelée a été obtenue à l'aide d'un crime ou d'un délit; il n'est requis ni que la décision de condamnation précise ce crime ou ce délit (1), ni que l'auteur de ce crime ou ce délit soit connu, ni que le propriétaire de l'objet recelé ait été identifié; le juge apprécie souverainement, sur la base des faits soumis à contradiction, si l'objet provient de manière certaine, à savoir sans doute raisonnable possible, d'un crime ou d'un délit. (1) Cass. 9 juin 1999, RG P.99.0231.F, Pas. 1999, n° 340.

RECEL - Elément matériel - Généralités


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : DECREUS LUC
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-05;p.19.0426.n ?

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