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05/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0384.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 novembre 2019, P.19.0384.N


N° P.19.0384.N
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
R. M.,
prévenue,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la sec

onde branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6 de la Convention de s...

N° P.19.0384.N
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
R. M.,
prévenue,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47bis du Code d'instruction criminelle : par les motifs qu'il contient, l'arrêt n'examine pas si les agents des douanes ont procédé à une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle et interprète trop largement le champ d'application de cette disposition ainsi que la notion d'audition au sens dudit article ; il n'est pas question en l'espèce d'une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle mais de renseignements et d'entretiens exploratoires ; l'intervention des douanes concerne une situation pouvant être assimilée à un état de flagrance.
2. Une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle est un interrogatoire guidé concernant des infractions qui peuvent être mises à charge d'une personne visée audit article, mené par un agent habilité à cet effet et acté dans un procès-verbal, dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaires, dans le but d'établir la vérité. Par contre, cet article n'est pas applicable aux déclarations ou indications formulées spontanément par une personne dont le comportement ou la situation est mis en cause par un agent habilité, interpellée dans le seul but d'obtenir une image fidèle des faits établis afin de pouvoir prendre une décision adéquate par la suite.
3. La seule circonstance que les faits constatés puissent indiquer l'existence d'une infraction ou qu'un contrôle administratif puisse donner lieu à des poursuites pénales, n'implique pas pour autant qu'une question posée par un agent dans le cadre d'un tel contrôle constitue systématiquement une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle. La question de savoir si tel est le cas doit être appréciée en tenant compte notamment des circonstances factuelles en la cause, de la nature et de l'objectif du contrôle administratif, de l'habilitation de l'agent et, à la lumière de tous ces éléments, de l'évidence et de l'étendue des questions posées. Ainsi, le simple fait qu'un agent des douanes découvre, lors d'un contrôle au poste frontière, une importante somme d'argent en espèces dans les bagages d'un voyageur qui a précédemment nié avoir quoi que ce soit à déclarer puis interroge ce voyageur sur l'origine ou la destination de cet argent, ne donne pas lieu pour autant à une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle. En effet, il s'agit dans ce contexte d'une question évidente qui ne dépasse pas le cadre du simple recueil de renseignements auquel l'agent est habilité.
4. L'arrêt refuse, lors de l'appréciation de la culpabilité de la défenderesse du chef de la prévention A (blanchiment), de prendre en compte sa déclaration initiale aux agents des douanes, sur la base des motifs suivants :
- il convient d'admettre que la défenderesse n'a pas spontanément fourni d'informations complémentaires sur les sommes d'argent en espèces qui ont été découvertes, mais a répondu à des questions orientées qui lui ont été posées parce que la découverte de ces sommes a éveillé des soupçons à son égard ;
- cette communication, dont seules les réponses de la défenderesse ont été consignées, dépasse le cadre de la question de savoir elle a quelque chose à déclarer ;
- à ce stade, il ne s'agit plus de recueillir des renseignements ou de demander des précisions afin de situer le contexte, concernant par exemple l'identité de la défenderesse, son statut diplomatique ou ses déplacements, mais de poser des questions à caractère incriminant et à finalité pénale qui portent sur une infraction présumée et auraient dû permettre à la défenderesse de bénéficier de « droits Salduz » ;
- le contrôle administratif était susceptible de donner lieu à des recherches, des poursuites puis des sanctions au sens de l'article 6, § 1er, de la Convention, les documents établis par les agents des douanes pouvant permettre d'engager des poursuites pénales ou, à tout le moins, être utilisés dans un tel cadre ;
- compte tenu de cette possible finalité pénale, les services des douanes étaient tenus de se conformer aux règles prévues par l'article 47bis du Code d'instruction criminelle ;
- rien n'empêchait les agents des douanes de saisir les sommes d'argent découvertes et, au cas où la défenderesse n'aurait pas renoncé auxdits droits, de reporter son audition à un moment ultérieur.
L'arrêt ne peut décider légalement par ces motifs qu'il s'agissait, en l'espèce, d'une audition soumise aux conditions de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle et de ne pas tenir compte, en conséquence, de cette déclaration initiale.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
(...)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué, hormis en ce qu'il statue sur la recevabilité de l'appel du ministère public et le pouvoir juridictionnel en degré d'appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq novembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Alain Winants, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0384.N
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Droit fiscal

Analyses

Une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle est un interrogatoire guidé concernant des infractions qui peuvent être mises à charge d'une personne visée audit article, mené par un agent habilité à cet effet et acté dans un procès-verbal, dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaires, dans le but d'établir la vérité, mais cet article n'est pas applicable aux déclarations ou indications formulées spontanément par une personne dont le comportement ou la situation est mis en cause par un agent habilité, interpellée dans le seul but d'obtenir une image fidèle des faits établis afin de pouvoir prendre une décision adéquate par la suite; la seule circonstance que les faits constatés puissent indiquer l'existence d'une infraction ou qu'un contrôle administratif puisse donner lieu à des poursuites pénales, n'implique pas pour autant qu'une question posée par un agent dans le cadre d'un tel contrôle constitue systématiquement une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle et la question de savoir si tel est le cas doit être appréciée en tenant compte notamment des circonstances factuelles en la cause, de la nature et de l'objectif du contrôle administratif, de l'habilitation de l'agent et, à la lumière de tous ces éléments, de l'évidence et de l'étendue des questions posées; ainsi, le simple fait qu'un agent des douanes découvre, lors d'un contrôle au poste frontière, une importante somme d'argent en espèces dans les bagages d'un voyageur qui a précédemment nié avoir quoi que ce soit à déclarer puis interroge ce voyageur sur l'origine ou la destination de cet argent, ne donne pas lieu pour autant à une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle dès lors qu'il s'agit dans ce contexte d'une question évidente qui ne dépasse pas le cadre du simple recueil de renseignements auquel l'agent est habilité (1). (1) Cass 28 mai 2019, RG P.19.0127.N, Pas. 2019, n° 330; M.-A. BEERNAERT, H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, La Charte, 2017, pp. 397-400.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - Code d'instruction criminelle, article 47bis - Audition - Notion - Portée - Conséquence - ACTION PUBLIQUE - Instruction en matière répressive - Information - Code d'instruction criminelle, article 47bis - Audition - Notion - Portée - Conséquence - DOUANES ET ACCISES - Agent des douanes - Contrôle au poste frontière - Découverte d'une somme d'argent en espèces - Question en rapport avec l'origine - Audition - Notion - Portée - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : DECREUS LUC
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-05;p.19.0384.n ?

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