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29/10/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0325.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 octobre 2019, P.19.0325.N


N° P.19.0325.N
I. Z. A.,
Me Dimitri de Béco, avocat au barreau de Bruxelles,
II. 1. J. V.,
2. M. L.,
Me Philip Daeninck, avocat au barreau du Limbourg,
3. W. G.,
Me Luc Delbrouck, avocat au barreau du Limbourg,
III. 1. J. V.P.,
2. M. F.,
Me Jo Muylle, avocat au barreau de Termonde,
IV. T. V.P.,
Me Jo Muylle, avocat au barreau de Termonde,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
tous les pourvois contre
S. H.,
inculpé,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 2

1 mars 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur I invoque deux moyens ...

N° P.19.0325.N
I. Z. A.,
Me Dimitri de Béco, avocat au barreau de Bruxelles,
II. 1. J. V.,
2. M. L.,
Me Philip Daeninck, avocat au barreau du Limbourg,
3. W. G.,
Me Luc Delbrouck, avocat au barreau du Limbourg,
III. 1. J. V.P.,
2. M. F.,
Me Jo Muylle, avocat au barreau de Termonde,
IV. T. V.P.,
Me Jo Muylle, avocat au barreau de Termonde,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
tous les pourvois contre
S. H.,
inculpé,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 21 mars 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur I invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur I déclare se désister de son pourvoi au cas où il serait prématuré.
Les demandeurs II.1, II.2 et II.3 invoquent respectivement deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Les demandeurs III invoquent deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur IV invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Les demandeurs III et IV déclarent se désister de leur pourvoi au cas où il serait prématuré.
L'avocat général délégué Bart De Smet a déposé des conclusions reçues au greffe le 20 septembre 2019.
À l'audience du 29 octobre 2019, le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LES ANTÉCÉDENTS
Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard ce qui suit :
- le 3 octobre 2018, le procureur du Roi de Louvain a requis la chambre du conseil de régler la procédure dans le cadre de l'instruction menée en cause du défendeur dans laquelle les demandeurs II et III s'étaient déjà constitués partie civile, et d'ordonner l'internement du défendeur pour faits d'homicide, menaces et infraction à la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes ;
- à l'audience de la chambre du conseil du 18 décembre 2018, les demandeurs I et IV se sont également constitués partie civile ;
- par ordonnance du 21 décembre 2018, la chambre du conseil de Louvain décide que la cause est en état d'être jugée et que, par conséquent, il n'y pas lieu de compléter l'instruction par la désignation d'un collège d'experts, un examen psychologique au moyen d'un questionnaire polonais validé, une reconstitution en présence du collège d'experts et du psychologue, et un test polygraphe imposé au défendeur, tels que sollicités par les parties civiles, notamment les demandeurs I à IV ;
- après avoir constaté que le défendeur a commis les faits qualifiés sous les préventions A, B et C, à savoir un crime et des délits portant atteinte à ou menaçant l'intégrité physique de tiers, qu'il se trouve dans le cas de figure prévu à l'article 9, § 1er, de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, à savoir qu'il est atteint d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et que le danger existe pour le défendeur qu'en raison de son trouble mental, éventuellement combiné à d'autres facteurs de risque, il commette de nouveaux faits constitutifs d'un crime ou d'un délit portant atteinte à ou menaçant l'intégrité physique de tiers, la chambre du conseil ordonne, par la même décision, l'internement du défendeur ;
- par la même ordonnance, la chambre du conseil décide de mettre la cause en continuation au civil à l'audience du 12 février 2019 ;
- les demandeurs I à IV ont interjeté appel de toutes les dispositions de la décision du 21 décembre 2018 de la chambre du conseil et il ne ressort pas des formulaires de griefs que la décision d'internement fait en soi l'objet de griefs ;
- par arrêt du 21 mars 2019, la chambre des mises en accusation de Bruxelles déclare ces appels irrecevables ;
- dans la mesure où ces appels sont dirigés contre la décision d'internement en elle-même, la chambre des mises en accusation considère que l'article 14 de la loi du 5 mai 2014 accorde certes à une partie civile le droit d'interjeter appel des décisions visées de la chambre du conseil, mais uniquement dans la mesure où cet appel concerne ses intérêts civils, que la décision d'internement est une décision rendue au fond sur l'action publique, que même si l'imputabilité de l'auteur devait faire l'objet des débats sur la culpabilité, une partie civile peut interjeter appel quant à ses intérêts civils seulement, que, dans la mesure où une décision d'internement suppose que les faits qualifiés infraction sont établis, une partie civile n'a pas intérêt à interjeter appel de cette décision et que le fait que les actions civiles puissent être limitées conformément à l'article 1386bis du Code civil confère certes à une partie civile le droit d'interjeter appel de la décision rendue par la chambre du conseil quant à ses intérêts civils, mais pas de la décision d'internement elle-même qui concerne l'action publique que seul le ministère public est habilité à exercer ;
- dans la mesure où les appels concernent la décision selon laquelle la cause n'est pas en état d'être jugée et qu'une instruction complémentaire n'est donc pas nécessaire, les actes d'instruction demandés portaient sur la santé mentale du défendeur et sur son imputabilité, et non sur les intérêts civils des demandeurs, de sorte que cette décision n'était pas susceptible d'appel.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité des pourvois :
1. L'article 416 du Code d'instruction criminelle dispose que les parties ne peuvent former un pourvoi en cassation que si elles ont qualité et intérêt pour le former.
2. L'examen de la recevabilité des pourvois que forment les demandeurs en ce qui concerne la décision rendue sur l'action publique, requiert un examen des moyens soulevés.
Sur les moyens pris dans leur ensemble :
3. Le premier moyen invoque la violation de l'article 13 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement : l'arrêt déclare, à tort, irrecevable l'appel formé par les demandeurs contre le refus d'ordonner des actes d'instruction complémentaires ; en considérant que les actes d'instruction sollicités concernent la santé mentale et l'imputabilité des faits à l'inculpé, l'arrêt ajoute une condition que la loi ne prévoit pas ; en effet, il ressort du deuxième paragraphe de l'article 13 de la loi du 5 mai 2014 que toutes les parties, et donc également les parties civiles, ont le droit de déposer une demande visant l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires, même si l'action vise l'internement.
Le second moyen invoque la violation de l'article 14 de la loi du 5 mai 2014 : l'arrêt considère, à tort, qu'une partie civile ne peut interjeter appel de la décision d'internement ; cet article prévoit, et ce en opposition avec l'article 8 de la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l'égard des anormaux, des délinquants d'habitude et des auteurs de certains délits sexuels, que les parties ou leur avocat peuvent interjeter appel ; une partie civile a intérêt à l'appel formé contre une décision d'internement ; l'internement entraîne nécessairement l'application de l'article 1386bis du Code civil, ce qui peut engendrer une indemnisation plus limitée.
4. L'article 14, § 1er, première phrase, de la loi du 5 mai 2014 dispose que le procureur du Roi et les parties ou leur avocat peuvent interjeter appel des décisions de la chambre du conseil devant la chambre des mises en accusation.
L'article 18 de la loi du 5 mai 2014 prévoit que les juridictions d'instruction ou de jugement statuent sur l'action publique, en application de cette même loi ou de l'article 71 du Code pénal, et qu'elles statuent en même temps sur l'action civile dont elles ont été régulièrement saisies, conformément à l'article 1386bis du Code civil. Elles peuvent également réserver les intérêts civils, conformément à l'article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
L'article 82 de la loi du 5 mai 2014 prescrit que les dispositions concernant les poursuites en matière criminelle et correctionnelle sont applicables aux procédures prévues par ladite loi, sauf les dérogations qu'elle établit.
L'article 202, 2°, du Code d'instruction criminelle prévoit que la faculté d'appeler appartient à la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement.
5. Il résulte de la lecture conjointe de ces dispositions qu'une partie civile peut certes interjeter appel d'une décision rendue par la chambre du conseil en application des articles 9 à 18 de la loi du 5 mai 2014, mais uniquement en ce qui concerne ses intérêts civils. Ni le texte des dispositions susmentionnées ni leur genèse ni le fait que l'article 8 de la loi du 9 avril 1930 n'a pas prévu qu'une partie civile puisse interjeter appel d'une décision rendue par la chambre du conseil en matière d'internement, ne permettent de statuer autrement.
6. La décision d'internement est en soi une décision qui relève de l'action publique et une partie civile ne jouit pas de la qualité requise pour critiquer elle-même cette décision.
7. La chambre des mises en accusation saisie de l'appel formé par une partie civile contre une décision rendue sur l'action civile qui se fonde sur des faits ayant justifié l'internement, n'est pas liée, dans son appréciation de cette action civile, par la décision d'internement en elle-même qui, en tant que décision rendue sur l'action publique, reste inchangée malgré cet appel. La chambre des mises en accusation apprécie la recevabilité et le bien-fondé de cette action civile, compte tenu dudit appel et de son effet dévolutif. Dès lors, une décision d'internement n'a pas nécessairement pour conséquence que la chambre des mises en accusation saisie de l'appel d'une partie civile est tenue d'examiner l'action civile de cette partie sur le fondement de l'article 1386bis du Code civil.
8. Dans la mesure où ils sont déduits d'autres prémisses juridiques, les moyens manquent en droit.
9. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que les demandeurs ont demandé l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires en application de l'article 13, § 2, de la loi du 5 mai 2014.
Dans cette mesure, le premier moyen manque en fait.
10. Il résulte du rejet des moyens des demandeurs I, II, III et IV que leurs pourvois en cassation sont irrecevables, dans la mesure où ils concernent la décision rendue sur l'action publique.
11. Il découle de l'article 420, alinéas 1 et 2, du Code d'instruction criminelle que le pourvoi en cassation contre les décisions préparatoires ou d'instruction n'est ouvert qu'après la décision définitive, mais qu'il peut être formé un pourvoi en cassation immédiat contre les décisions relatives à l'action civile qui statuent sur le principe d'une responsabilité.
12. La décision de l'arrêt n'est pas définitive en ce qui concerne la décision rendue sur les actions civiles dirigées par les demandeurs II, et ne statue pas davantage sur le principe d'une responsabilité.
Dans cette mesure, les pourvois des demandeurs II sont prématurés et, par conséquent, irrecevables.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement des pourvois des demandeurs I, III et IV tel que précité ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne les demandeurs aux frais de leurs pourvois.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Eric de Formanoir et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf octobre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général délégué Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0325.N
Date de la décision : 29/10/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Une partie civile peut certes interjeter appel d'une décision rendue par la chambre du conseil, mais uniquement en ce qui concerne ses intérêts civils; la décision d'internement est en soi une décision qui relève de l'action publique et une partie civile ne jouit pas de la qualité requise pour critiquer elle-même cette décision; la chambre des mises en accusation saisie de l'appel formé par une partie civile contre une décision rendue sur l'action civile qui se fonde sur des faits ayant justifié l'internement, n'est pas liée, dans son appréciation de cette action civile, par la décision d'internement en elle-même qui, en tant que décision rendue sur l'action publique, reste inchangée malgré cet appel; compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel de la partie civile, une décision d'internement n'a pas nécessairement pour conséquence que la chambre des mises en accusation saisie de l'appel d'une partie civile est tenue d'examiner l'action civile sur le fondement de l'article 1386bis du Code civil (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Décisions et parties - Internement - Etendue - APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Effets. Compétence du juge - Internement - Partie civile - Effet dévolutif de l'appel - Portée - APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Action civile (règles particulières) - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - Internement - Appel de la partie civile - Conséquences - ACTION CIVILE - Internement - Appel - Portée - DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Partie civile - Appel - Portée [notice1]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 202, 2° - 30 / No pub 1808111701 ;

Loi - 05-05-2014 - Art. 14, § 1er, première phrase, 18 et 82 - 11 / No pub 2014009316


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-10-29;p.19.0325.n ?

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