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08/10/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0953.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 octobre 2019, P.19.0953.N


N° P.19.0953.N
R. J.,
personne internée,
demandeur en cassation,
Me Peter Verpoorten, avocat au barreau d'Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 11 septembre 2019 par le tribunal de l'application des peines d'Anvers, chambre de protection sociale.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1.

En vertu de l'article 78 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, les décisions de la ...

N° P.19.0953.N
R. J.,
personne internée,
demandeur en cassation,
Me Peter Verpoorten, avocat au barreau d'Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 11 septembre 2019 par le tribunal de l'application des peines d'Anvers, chambre de protection sociale.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. En vertu de l'article 78 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, les décisions de la chambre de protection sociale relatives à l'octroi d'autorisations de sortie et au maintien du placement de l'interné dans un établissement déterminé ne sont pas susceptibles de pourvoi en cassation.
Dans la mesure où il est dirigé contre ces décisions, le pourvoi est irrecevable.
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
2. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 5, § 1er, e, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : le jugement fonde, à tort, la décision de rejet de la demande de libération immédiate du demandeur sur le rapport du service psychosocial de la prison ; un rapport interne, établi par des psychiatres attachés à la prison, ne constitue pas une expertise médicale objective ; en effet, la prison est organisée par l'État belge, lequel a déjà été condamné à maintes reprises tant par la Cour européenne des droits de l'Homme que par diverses juridictions belges du chef de la détention de malades mentaux contraire aux articles 3 et 5 de la Convention ; de plus, le jugement confirme, à l'instar du directeur de la prison, qu'il est question d'une rupture de confiance entre le demandeur et ce service psychosocial ; dans ces circonstances, la disposition conventionnelle précitée requiert de recueillir l'opinion d'un expert médical externe.
3. Il ne résulte pas de la circonstance que la Cour européenne des droits de l'Homme s'est montrée critique envers le système d'internement belge que les psychiatres attachés au service psychosocial d'une prison belge ne puissent dresser un rapport médical objectif.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.
4. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que l'État belge a été condamné par différents cours et tribunaux belges au versement de dommages et intérêts à des personnes internées du chef de la violation des dispositions de la Convention, ni que le directeur de la prison a indiqué dans son avis que la collaboration entre le demandeur et le service psychosocial était difficile.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, requiert un examen de fait pour lequel la Cour est sans compétence et est, partant, irrecevable.
5. Le jugement ne constate pas qu'au moment où les psychiatres du service psychosocial ont établi le rapport, il était question d'une rupture de confiance avec le demandeur.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
6. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 5, § 1er, e, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : le jugement considère, à tort, que la circonstance que le demandeur est interné du chef de faits qui n'entrent plus en considération pour un internement sur la base de la loi du 5 mai 2014 n'a pas pour conséquence que son internement est irrégulier et il refuse d'accorder la libération définitive du demandeur ; en effet, une privation de liberté qui ne se fonde pas sur le droit national en vigueur ne peut jamais être considérée comme étant régulière.
7. L'article 5, § 1er, de la Convention dispose : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...) e) s'il s'agit de la détention régulière (...) d'un aliéné (...) ».
Cette disposition n'empêche pas qu'une mesure d'internement ordonnée par une décision ayant acquis force de chose jugée soit définitive et donne lieu subséquemment à une phase d'exécution pour laquelle les règles applicables diffèrent de celles en vigueur au moment où cette mesure a été imposée. Ainsi, cette disposition n'a pas pour conséquence qu'une mesure d'internement ordonnée à titre définitif ne soit plus régulière ou légale en raison d'une modification légale survenue au cours de la phase d'exécution, cette mesure n'étant plus susceptible d'être imposée à l'avenir pour le fait ayant justifié l'internement de la personne concernée.
8. L'article 66, b), de la loi du 5 mai 2014 prévoit que, sauf exception, la libération définitive peut être octroyée à la personne internée à la condition notamment que le trouble mental soit suffisamment stabilisé pour qu'il n'y ait raisonnablement plus à craindre qu'à cause de son trouble mental ou non, en conjonction éventuellement avec d'autres facteurs de risque, la personne internée commette à nouveau des infractions visées à l'article 9, § 1er, 1°, de cette même loi, à savoir des crimes ou des délits portant atteinte à ou menaçant l'intégrité physique ou psychique de tiers.
Il résulte de cette disposition que l'appréciation de la santé mentale d'une personne internée et de la dangerosité qui en découle pour la société ne s'opère pas uniquement à la lumière du fait ayant justifié son internement, mais également d'un ensemble de facteurs de risque soumis à l'appréciation de la chambre de protection sociale.
9. Le moyen qui, en cette branche, est déduit d'autres prémisses juridiques, manque en droit.
Sur le second moyen :
10. Le moyen invoque la violation des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 2 du Code pénal et 82 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement : contrairement à ce que décide le jugement, il y a lieu d'appliquer au demandeur la loi pénale plus favorable en vertu des articles 7 de la Convention et 2 du Code pénal : ces dispositions sont également applicables à l'internement ensuite de l'article 82 de la loi du 5 mai 2014.
11. En vertu de l'article 82 de la loi du 5 mai 2014, les dispositions concernant les poursuites en matière criminelle et correctionnelle sont applicables aux procédures prévues par cette loi, sauf dispositions contraires.
Cet article règle uniquement la procédure à suivre dans le cadre de l'application de la loi du 5 mai 2014. Ainsi, il n'a pas pour conséquence que les articles 7, § 1er, de la Convention et 2 du Code pénal soient applicables aux décisions rendues par la chambre de protection sociale quant à la libération définitive de la personne internée.
12. L'article 7 de la Convention et l'article 2 du Code pénal concernent en tant que tels les peines et non les mesures de sûreté comme l'internement.
13. Le moyen, qui est déduit d'autres prémisses juridiques, manque en droit.
Le contrôle d'office
14. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du huit octobre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Maxime Marchandise et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.0953.N
Date de la décision : 08/10/2019
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Il ne résulte pas de la circonstance que la Cour européenne des droits de l'Homme s'est montrée critique envers le système d'internement belge que les psychiatres attachés au service psychosocial d'une prison belge ne puissent dresser un rapport médical objectif.

DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Critique de la Cour européenne des droits de l'Homme envers le système d'internement belge - Objectivité du rapport médical - Compatibilité

L'article 5, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'empêche pas qu'une mesure d'internement ordonnée par une décision ayant acquis force de chose jugée soit définitive et donne lieu subséquemment à une phase d'exécution pour laquelle les règles applicables diffèrent de celles en vigueur au moment où cette mesure a été imposée et cette disposition n'a ainsi pas pour conséquence qu'une mesure d'internement ordonnée à titre définitif ne soit plus régulière ou légale en raison d'une modification légale survenue au cours de la phase d'exécution, cette mesure n'étant plus susceptible d'être imposée à l'avenir pour le fait ayant justifié l'internement de la personne concernée.

DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Mesure d'internement ordonnée par une décision ayant acquis force de chose jugée - Modification de la loi au cours de la phase d'exécution - Conséquence

Il résulte de l'article 66, b), de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement que l'appréciation de la santé mentale d'une personne internée et de la dangerosité qui en découle pour la société ne s'opère pas uniquement à la lumière du fait ayant justifié son internement, mais également d'un ensemble de facteurs de risque soumis à l'appréciation de la chambre de protection sociale.

DEFENSE SOCIALE - MODALITES D'EXECUTION DE L'INTERNEMENT - Appréciation de la santé mentale de la personne internée et de la dangerosité qui en découle pour la société - Modalités

L'article 82 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement règle uniquement la procédure à suivre dans le cadre de l'application de la loi du 5 mai 2014 et n'a ainsi pas pour conséquence que les articles 7, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 2 du Code pénal soient applicables aux décisions rendues par la chambre de protection sociale quant à la libération définitive de la personne internée; l'article 7 de la Convention et l'article 2 du Code pénal concernent en tant que tels les peines et non les mesures de sûreté comme l'internement.

DEFENSE SOCIALE - CHAMBRE DE PROTECTION SOCIALE - Loi relative à l'internement, article 82 - Procédure - Effet


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : DECREUS LUC
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-10-08;p.19.0953.n ?

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