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24/05/2019 | BELGIQUE | N°F.17.0105.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 mai 2019, F.17.0105.N


N° F.17.0105.N
C. V.G.,
Me Bert Bekaert, avocat au barreau de Gand,

contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Gand.
Le 17 décembre 2018, l'avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans l

a requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente ...

N° F.17.0105.N
C. V.G.,
Me Bert Bekaert, avocat au barreau de Gand,

contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Gand.
Le 17 décembre 2018, l'avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
1. L'article 442quater, § 1er, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 prévoit qu'en cas de manquement, par une société à son obligation de paiement du précompte professionnel, le ou les dirigeants de la société ou de la personne morale chargés de la gestion journalière de la société ou de la personne morale sont solidairement responsables du manquement imputable à une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, qu'ils ont commise dans la gestion de la société ou de la personne morale. Le non-paiement répété par la société ou la personne morale du précompte professionnel, est, sauf preuve du contraire, présumé résulter de la faute visée. La responsabilité solidaire des dirigeants de la société ou de la personne morale ne peut être engagée que pour le paiement, en principal et intérêts, des dettes de précompte professionnel.
2. L'article 70 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises dispose que la personne physique dont l'entreprise a été transférée dans sa totalité par application de l'article 67 peut être déchargée par le tribunal des dettes existantes au moment du jugement ordonnant ce transfert, si cette personne est malheureuse et de bonne foi.
Cette disposition légale précise en son quatrième alinéa que, s'il est déchargé, le débiteur ne peut plus être poursuivi par ses créanciers. Cette décharge libère le conjoint, l'ex-conjoint ou le cohabitant légal du débiteur, coobligé à la dette de son conjoint, ex-conjoint ou cohabitant légal, de cette obligation.
Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition légale qu'en vue d'assurer la continuité de l'entreprise et par analogie avec la procédure de faillite, le législateur a opté pour un régime de remise de dettes sous autorité de justice afin d'éviter qu'une personne physique privilégie la faillite de l'entreprise en raison de la simple existence d'un régime d'excusabilité.
3. L'article 70, alinéa 1er, de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises ne fait pas de distinction entre la personne physique et l'entreprise unipersonnelle en fonction de la nature des dettes, de sorte que tant les dettes se rapportant à l'entreprise transférée que les autres dettes de la personne physique peuvent être remises par le tribunal.
La responsabilité solidaire prévue par l'article 442quater du Code des impôts sur les revenus 1992, qui entraîne une dette fiscale dans le chef des dirigeants d'une société, est une dette susceptible de remise dans le cadre de la procédure énoncée à l'article 70 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.
4. Les juges d'appel ont constaté que :
- la demanderesse a constitué la société privée à responsabilité limitée Ekapi Dienstencheques le 19 novembre 2012 ;
- cette société ne s'est acquittée ni de trois cotisations au précompte immobilier de l'exercice d'imposition 2012, ni d'une amende administrative, ni d'une cotisation à l'impôt des sociétés de l'exercice d'imposition 2012 ;
- par un jugement du 27 avril 2015, la demanderesse a été condamnée à payer au fisc l'arriéré de précompte professionnel dû par la S.P.R.L. Ekapi Dienstencheques pour les premier et deuxième trimestres de 2012 ;
- sur la base des éléments disponibles et non contestés, la demanderesse a absorbé l'activité de la S.P.R.L. Ekapi Dienstencheques dans une entreprise unipersonnelle ;
- les dettes de la demanderesse se sont également accumulées dans le cadre de l'activité exercée à titre d'indépendant ;
- par un jugement rendu le 5 août 2014 par le tribunal de commerce de Gand, division d'Audernarde, la procédure de réorganisation judiciaire prévue par la loi du 31 janvier 2009 a été ouverte à l'égard de la demanderesse ;
- par un jugement rendu le 1er octobre 2015 par le tribunal de commerce de Gand, division d'Audenarde, la demanderesse a été « déchargée » de ses dettes dans les termes suivants : « Déclare la demande de la partie requérante [la demanderesse] admissible et fondée. Décharge, en application de l'article 70 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, la partie requérante des dettes existantes au moment du jugement ordonnant le transfert de l'entreprise dans sa totalité, à l'exception de la dette contractée envers la société anonyme Record Bank et de celle contractée envers l'État belge en la personne du receveur des contributions directes, dans la mesure où ces dettes peuvent être qualifiées de créances sursitaires extraordinaires. »
5. Les juges d'appel ont considéré que la dette litigieuse, contractée par la demanderesse envers le fisc et résultant de sa responsabilité solidaire quant au paiement de l'arriéré de précompte professionnel dû par la S.P.R.L. Ekapi Dienstencheques, ne peut faire l'objet d'une remise sur la base de l'article 70 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises au motif que l'article 442quater du Code des impôts sur les revenus 1992 doit être considéré comme une exception au principe exprimé à l'article 70 de la loi précitée.
Ils ont ainsi violé l'article 70 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.
Le moyen est fondé.
[...]
Par ces motifs,
La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le Premier président Beatrijs Deconinck, les conseillers Koen Mestdagh, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-neuf par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : F.17.0105.N
Date de la décision : 24/05/2019
Type d'affaire : Droit de l'insolvabilité - Droit fiscal

Analyses

L'article 70, alinéa 1er, de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises ne fait pas de distinction entre la personne physique et l'entreprise unipersonnelle en fonction de la nature des dettes, de sorte que tant les dettes se rapportant à l'entreprise transférée que les autres dettes de la personne physique peuvent être remises par le tribunal.

CONTINUITE DES ENTREPRISES - Article 70 - Décharge du débiteur (personne physique) - Dettes susceptibles de remise - Nature [notice1]

La responsabilité solidaire prévue par l'article 442quater du Code des impôts sur les revenus 1992, qui entraîne une dette fiscale dans le chef des dirigeants d'une société, est une dette susceptible de remise dans le cadre de la procédure énoncée à l'article 70 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.

IMPOTS SUR LES REVENUS - PRECOMPTES ET CREDIT D'IMPOTS - Précompte professionnel - Non-paiement - Responsabilité solidaire du dirigeant - Dette fiscale - Remise dans le cadre de la procédure prévue à l'article 70 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises - Possibilité [notice2]


Références :

[notice1]

L. du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises - 31-01-2009 - Art. 70 - 33 / No pub 2009009047

[notice2]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 442quater - 30 / No pub 1992003455


Composition du Tribunal
Président : DECONINCK BEATRIJS
Greffier : VAN DE SIJPE VANESSA
Ministère public : VAN DER FRAENEN JOHAN
Assesseurs : DIRIX ERIC, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, MESTDAGH KOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-05-24;f.17.0105.n ?

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