M. X... s'est pourvu en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Rouen en date du 18 janvier 1979. Cet arrêt a été cassé le 28 avril 1980 par la Chambre Sociale de la Cour de cassation.
La cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Caen qui, par arrêt du 19 mai 1981 prononçant dans la même affaire et entre les mêmes parties procédant en la même qualité a statué dans le même sens que la Cour d'appel de Rouen.
Deux pourvois ayant été formés contre l'arrêt de la Cour d'appel de Caen l'attaquant par le même moyen que celui qui a provoqué la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen, M. le Premier Président, observant en outre qu'il s'agit d'une question de principe, a par ordonnances du 14 janvier 1983 renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée Plénière.
M. X... invoque devant l'Assemblée Plénière, à l'appui de ses deux pourvois, le moyen unique de cassation suivant :
"Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que M. X... n'était pas lié à l'Ecole des Roches par un contrat de travail mais par une convention de collaboration de type purement libéral et que la rupture de ses accords avec cet établissement ne lui ouvrait droit à aucune indemnité, aux motifs que des divers éléments d'appréciation énumérés par la Cour dans son arrêt (pages 8, 9 et 10, il "ressort que M. X... a accepté la novation intervenue au mois d'octobre 1970, par laquelle au contrat de travail originel a été substituée une convention de collaboration de type purement libéral qui, certes, le conduisait à dispenser son enseignement à l'Ecole des Roches suivant les programmes officiels, mais le laissait libre d'élaborer et d'organiser ses cours suivant ses possibilités et convenances de telle sorte que le lien de subordination pré-existant se trouvait aboli ; Attendu que l'acceptation prolongée de cette novation et l'exécution sans réserve de la nouvelle convention trouvent leur origine, non pas dans les pressions dont M. X... prétend avoir été l'objet et dont il n'apporte pas la preuve, mais bien dans sa situation personnelle ;
Attendu, en effet, que M. X..., fonctionnaire de l'Etat, dépendant du Ministère de l'Education, ne pouvait exercer à titre professionnel une activité privée lucrative sans être titulaire d'une permission dont l'obtention annuellement renouvelée était soumise à réglementation, que se trouvant en état d'infraction vis-à-vis de son administration, il a préféré souscrire une convention libérale qui de par sa nature même donnait moins de prise à une éventuelle observation du Rectorat", (arrêt attaqué page 10, alinéa 3, 4, 5 et page 11, alinéa 1, 1° alors que la novation ne se présume pas ; que la Cour de Caen n'a pas dit quel document établissait l'existence d'une convention de type libéral souscrite par M. X... et se substituant au contrat de travail originaire ; qu'elle n'a pas davantage mis en évidence des circonstances traduisant sans équivoque une intention de nover ; que la forme de rétribution, fixée par l'Ecole, régulière, équivalait à un salaire et n'exerçait aucune influence sur la définition du contrat ; que le changement de qualification de cette rémunération n'a été accompagnée d'aucune modification des conditions de travail de M. X... qui sont restées les mêmes jusqu'à la fin de son activité ; que l'indépendance dont il bénéficiait dans la pratique de son enseignement n'excluait pas le lien de subordination que le défaut de saisine par l'intéressé de la commission paritaire au moment de la rupture ne signifiait aucun abandon de ses droits antérieurs ; qu'il n'y a pas eu de novation dans les rapports des parties et que l'arrêt attaqué a violé les articles 1271 et 1273 du Code civil, 2° Et alors que M. X..., professeur d'un établissement privé, a toujours dispensé son enseignement dans les locaux de l'Ecole des Roches, selon un horaire établi par cette dernière, sur des matières (l'histoire, la géographie et l'économie) qu'elle lui avait assignées, suivant un programme déterminé et en observant les directives données par l'Etablissement (concernant notamment les bulletins de présence et les carnets de notes) ; que M. X... a toujours rempli ses fonctions dans le cadre des services organisés par l'Ecole des Roches et sous sa subordination ; qu'il était lié à cette dernière par un contrat de travail ; que la Cour de Caen qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'imposaient a violé l'article L 121-1 du Code du travail" ;
Ce moyen a été formulé dans les deux mémoires ampliatifs déposés au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par Me Copper-Royer, avocat de M. X.... Deux mémoires en défense ont été produits par la société civile professionnelle Lemanissier et Roger, avocat de la Société "l'Ecole des Roches". Des observations complémentaires ont été déposées par Me Copper-Royer.
Sur quoi, la Cour, à l'audience publique de ce jour, statuant en Assemblée Plénière, prononce la jonction des pourvois numéros 15.290 et 81-41.647 qui sont dirigés contre le même arrêt ;
Sur le moyen unique commun aux deux pourvois :
Vu l'article L 121-1 du Code du travail, Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes en paiement d'indemnités pour rupture de contrat de travail formées contre la société anonyme Ecole des Roches, l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, retient que M. X..., engagé le 5 septembre 1969 en qualité de professeur salarié, et qui a cessé toutes fonctions d'enseignement dans cet établissement le 30 juin 1977, avait accepté, à partir du 1er octobre 1970, une novation substituant au contrat de travail originaire une "convention de collaboration de type purement libéral" ne laissant substituer entre les parties aucun lien de subordination ;
Attendu cependant qu'il résulte des constatations des juges du fond que, bien qu'il fût qualifié à partir du 1er octobre 1970 de "conférencier extérieur" rémunéré par des "honoraires", M. X... continuait à assurer les tâches d'enseignement qui lui avaient été primitivement dévolues, suivant des programmes officiels, et au sein d'une organisation fonctionnant sous la direction et la responsabilité de l'Ecole des Roches, même s'il était tenu compte de ses convenances dans l'aménagement des horaires, en sorte que cette activité, exercée sous la dépendance d'un employeur, ne pouvait avoir un caractère libéral, la seule volonté des parties étant impuissante à soustraire M. X... au statut social qui découlait nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail ; d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs :
Casse et annule l'arrêt rendu le 19 mai 1981, entre les parties, par la Cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence la cause et les parties, au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil ;