Requête de la S.A. La Sécurité du Centre, tendant à :
1° l'annulation d'un jugement en date du 17 juin 1982, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de restitution d'une somme de 89 032 F qu'elle a versée pour acquitter l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1975 et la contribution exceptionnelle mise à sa charge au titre de l'année 1976 ;
2° la restitution de ladite somme de 89 032 F ;
Vu le code général des impôts ; le code des tribunaux administratifs ; Vu les décrets n° 81-859 et 81-860 du 15 septembre 1981 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ; la loi du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984, notamment son article 93-II ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant les premiers juges : Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 200-1 du livre des procédures fiscales du nouveau code général des impôts : " Les affaires portées devant le tribunal administratif sont jugées conformément au code des tribunaux administratifs ... " ; que, selon l'article R. 201 du code des tribunaux administratifs, applicable en matière fiscale, et qui déroge sur ce point aux dispositions de l'article R. 162 du même code : " L'avertissement du jour où la requête sera portée en séance publique ou non publique n'est donné qu'aux parties qui ont fait connaître, antérieurement à la fixation du rôle, leur intention de présenter des observations orales " ;
Cons., d'autre part, que si, aux termes du 3 de l'article 1945 du code général des impôts : " L'administration est avisée, dans les conditions prévues à l'article R. 162, 3e alinéa, du code des tribunaux administratifs des affaires relevant de ses attributions inscrites aux rôles des audiences publiques ou non publiques ", ce texte qui faisait obligation au tribunal administratif d'aviser l'administration fiscale de la venue à l'audience des affaires la concernant, même en dehors de toute demande en ce sens de celle-ci n'ayant pas été repris au livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts doit être regardé comme ayant été abrogé à compter du 1er janvier 1982, date d'entrée en vigueur dudit livre des procédures fiscales, annexé aux décrets n° 81-859 et 81-860 du 15 septembre 1981 ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède qu'à compter de la date susmentionnée du 1er janvier 1982, aucune des parties à un litige fiscal, fût-ce le représentant de l'administration, ne doit être avertie du jour où la demande sera portée en séance, si elle n'en a pas fait la demande dans les conditions prévues à l'article R. 201 précité du code des tribunaux administratifs ;
Cons. qu'il ressort des pièces du dossier que le greffe du tribunal administratif de Lyon a donné avis au seul directeur départemental des services fiscaux du Rhône, bien que celui-ci n'en ait pas formulé préalablement la demande, de l'inscription au rôle de l'audience du 28 mai 1982 de l'affaire relative au litige opposant la société anonyme La Sécurité du Centre à l'administration fiscale ; qu'il suit de là, et alors même que la société n'avait elle-même pas demandé à être avisée de la date d'inscription de cette affaire à l'audience, que la procédure suivie devant le tribunal a été entachée d'une discrimination illégale entre les parties et, ainsi, d'une méconnaissance du principe général du caractère contradictoire de la procédure ; que le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon doit, en conséquence, être annulé ;
Cons. que dans les circonstances de l'affaire il y a lieu d'évoquer pour être statué immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par la société anonyme La Sécurité du Centre ;
Sur le bien-fondé de la demande. Cons. qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, auquel renvoie, en matière d'impôt sur les sociétés, le 1 de l'article 209 du code : " 1. Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises ... 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes de l'article 39 du code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ... 4° ... les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice ... " ; que le 1 de l'article 269 du code, dans sa rédaction en vigueur au cours de l'année d'imposition 1975, détermine la date du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée, qui pour les prestations de services est, en vertu du g de cet article, celle de l'encaissement du prix ou de la rémunération ;
Cons. que des dispositions précitées du code, il résulte que la taxe sur la valeur ajoutée dont une entreprise est redevable envers le Trésor est au nombre des créances de tiers inscrites au passif du bilan dont le montant entre dans le calcul de l'actif net de l'exercice correspondant à la date, déterminée conformément aux prescriptions du 1 de l'article 269 du code, à laquelle le fait générateur de la taxe est intervenu ; que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée dont la clientèle est légalement débitrice vis-à-vis de l'entreprise doit, de son côté, être compris parmi les valeurs d'actif servant au même calcul et comme tel rattaché à l'exercice correspondant à la date à laquelle a pris naissance la créance résultant pour l'entreprise de la vente ou du service facturé ; qu'il suit de là que toute erreur commise par l'entreprise dans la liquidation de la taxe facturée, alors même que l'entreprise, aurait opté, ainsi que l'y autorisent les dispositions de l'article 38 duodecies de l'annexe III au code, pour un mode de comptabilisation hors taxe du montant de ses opérations et de ses stocks, a une incidence, tant sur les créances détenues par les tiers sur l'entreprise que sur la valeur des actifs de l'entreprise, alors même que cette erreur n'aurait exercé aucune influence sur les résultats du compte d'exploitation de l'exercice concerné ; que cette incidence est susceptible, eu égard aux règles d'imputation susrappelées de la taxe aux exercices concernés, d'affecter de montants différents, d'une part, les valeurs d'actif et, d'autre part, les créances de tiers inscrites au passif du bilan de l'exercice, et par voie de conséquence, d'influer sur le montant du bénéfice taxable au titre d'un exercice déterminé ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme La Sécurité du Centre, qui exerce une activité de prestations de services consistant dans la surveillance et le gardiennage de propriétés, a, lors de l'établissement de son bilan à la clôture de l'exercice 1976, constaté des erreurs de facturation tenant à l'insuffisance, par rapport à la taxe exigible, des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait mentionnés tant sur ses facturations avant la clôture de l'exercice 1975 que dans les déclarations qu'elle a faites de ce chef à l'administration ; qu'elle a évalué au montant non contesté de 274 296 F le surcroît de taxe dont elle se trouvait redevable au trésor à raison de cette erreur, et qu'elle a rattaché cette charge supplémentaire à l'exercice clos en 1975, pour lequel elle avait déclaré un bénéfice imposable de 173 140 F et acquitté 86 570 F à raison de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1975 et 3 462 F à raison de la contribution exceptionnelle au titre de l'année 1976 ; que cette charge supplémentaire ayant pour effet de rendre déficitaire l'exercice clos en 1975, elle a souscrit, le 25 juillet 1977, une déclaration rectificative de ses résultats sociaux pour ledit exercice et demandé la restitution d'une somme de 89 032 F, soit le total des impositions ci-dessus diminué du montant de l'imposition forfaitaire de 1 000 F due par elle en application des dispositions de l'article 22 de la loi du 27 décembre 1973 ;
Cons., d'une part, que la circonstance que l'entreprise tenait une comptabilité hors-taxe de ses achats, comme de ses stocks et de ses ventes est, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sans incidence sur la détermination du bénéfice taxable telle qu'elle doit être effectuée, en tenant compte de la taxe due à l'entreprise ou par l'entreprise, selon les règles tracées à l'article 38 du code ; qu'ainsi, l'administration n'est pas fondée à se prévaloir de cette seule circonstance pour soutenir que l'erreur commise dans la liquidation de la taxe serait sans influence sur la détermination du bénéfice imposable au titre de l'année 1975 ;
Cons., d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, comme l'administration le reconnaît elle-même, l'erreur commise dans la liquidation de la taxe mentionnée sur les factures à la clientèle a eu pour corollaire, à concurrence de 274 296 F, une insuffisance de la taxe due au Trésor ;
Cons., toutefois, que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de se prononcer sur le point de savoir si le montant de la taxe omise doit, en tout ou en partie, être rattaché à l'exercice clos en 1975 ; que, la société requérante exerçant une activité de prestations de services, le fait générateur de la taxe est constitué, comme il a été dit ci-dessus, par l'encaissement du prix ou de la rémunération et que le rattachement de la taxe omise aux exercices concernés doit, en conséquence, être effectué selon les dates des encaissements des opérations taxables ; que l'état du dossier ne permet pas non plus de se prononcer sur le point de savoir si l'entreprise a été en mesure de récupérer, même partiellement, par voie de factures rectificatives, le montant de la taxe omise et, dans l'affirmative, à quels exercices sont imputables les sommes correspondant à ces factures, en fonction des dates auxquelles ont pris naissance les créances correspondant aux opérations taxables ; qu'il y a lieu d'ordonner une expertise afin d'éclairer le Conseil d'Etat sur ces différents points ;
annulation du jugement ; expertise en vue d'examiner les documents comptables produits par la société anonyme La Sécurité du Centre et d'éclairer le Conseil d'Etat : 1° sur le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, calculée conformément aux principes énoncés dans les motifs de la présente décision, dont la société anonyme La Sécurité du Centre était redevable au Trésor aux dates d'ouverture et de clôture de l'exercice 1975 : 2° sur le montant de la taxe, calculée de même, dont l'entreprise était créancière vis-à-vis de ses clients aux dates d'ouverture et de clôture du même exercice ; 3° à partir des éléments dégagés au titre des deux points mentionnés ci-dessus, et compte tenu, le cas échéant, des autres éléments de la comptabilité de l'entreprise, sur le montant de l'actif net arrêté à l'ouverture et à la clôture dudit exercice 1975 ainsi que sur le montant de ses résultats compte tenu des éléments ainsi déterminés .