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30/01/2019 | FRANCE | N°412789

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 30 janvier 2019, 412789


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 juillet et 25 octobre 2017 et le 25 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) demande au Conseil d'État :

1°) de réformer la décision du 29 mai 2017 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en portant de 100 000 euros à 750 000 euros ou, à titre subsidiaire, à 200 000 euros la sanction pécuniaire prononcée contre M. B... A... ;

2°)

d'ordonner la publication de la décision à intervenir sur le site internet de l'Autorité...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 juillet et 25 octobre 2017 et le 25 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) demande au Conseil d'État :

1°) de réformer la décision du 29 mai 2017 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en portant de 100 000 euros à 750 000 euros ou, à titre subsidiaire, à 200 000 euros la sanction pécuniaire prononcée contre M. B... A... ;

2°) d'ordonner la publication de la décision à intervenir sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;

- la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 ;

- le code monétaire et financier ;

- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat du président de l'Autorité des marchés financiers, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A....

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 janvier 2019, présentée par M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par une notification de griefs du 3 mars 2016, la commission spécialisée n° 1 du collège de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a reproché à M. B... A..., salarié comme analyste financier de 2004 à 2014 au sein de la société Crédit Agricole Cheuvreux, devenue Kepler Cheuvreux, d'avoir manqué à ses obligations professionnelles en contrevenant aux règles d'interdiction des transactions des analystes sur un instrument financier et de déclaration de tout compte-titres ouvert à leur nom, d'avoir manqué à l'obligation d'abstention d'utiliser une information privilégiée en utilisant 28 informations ayant ce caractère relatives à des recommandations d'investissement émises par le bureau d'analyse auxquelles il avait accès, et d'avoir diffusé une fausse information en émettant un avis sur le titre Vallourec après avoir pris une position sur celui-ci sans communiquer au public le conflit d'intérêts existant. Par une décision du 29 mai 2017, la commission des sanctions de l'AMF a retenu comme étant caractérisés les premier et troisième griefs qui viennent d'être mentionnés, mais a estimé que tel n'était pas le cas de celui tiré de la méconnaissance de l'obligation de s'abstenir d'utiliser une information privilégiée. Elle a prononcé, en conséquence, à l'encontre de M. A..., une interdiction d'exercer l'activité d'analyste financier pendant une durée de dix ans, assortie d'une sanction pécuniaire de 100 000 euros, avec publication anonymisée sur le site de l'AMF. Le président de l'AMF demande au Conseil d'Etat de réformer cette décision en tant qu'elle n'a pas retenu le grief tiré de la méconnaissance de l'obligation de s'abstenir d'utiliser une information privilégiée, en portant le montant de la sanction pécuniaire à 750 000 euros ou, à titre subsidiaire, si le grief de manquement d'initié n'était pas retenu, en portant le montant de cette sanction à 200 000 euros.

Sur le manquement à l'obligation d'abstention d'utiliser une information privilégiée :

2. D'une part, aux termes de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction en vigueur du 25 novembre 2004 au 15 juin 2014, applicable en l'espèce : " Une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 544-1 du code monétaire et financier, alors applicable : " Au sens de la présente section et du 4 de l'article L. 321-2, on entend par "recherche en investissements" ou "analyse financière" des travaux de recherche ou d'autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, explicitement ou implicitement, concernant un ou plusieurs instruments financiers ou les émetteurs d'instruments financiers, y compris les opinions émises sur le cours ou la valeur présente ou future de ces instruments, destinés aux canaux de distribution ou au public et pour lesquels les conditions suivantes sont remplies : / 1° Ces travaux ou informations sont désignés ou décrits par l'expression : "recherche en investissements" ou : "analyse financière", ou sont autrement présentés comme une explication objective et indépendante du contenu de la recommandation ; / 2° Ils ne sont pas assimilables à la fourniture de conseils en investissement ; / 3° Ils sont effectués conformément aux dispositions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ". Aux termes de l'article L. 621-7 du même code : " Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers détermine notamment : / (...) / IX.-Les règles relatives aux recommandations d'investissement destinées au public et portant sur tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un instrument financier qu'il émet, lorsqu'elles sont produites ou diffusées par toute personne dans le cadre de ses activités professionnelles, ainsi que les règles applicables aux personnes qui réalisent ou diffusent des travaux de recherche ou qui produisent ou diffusent d'autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement concernant des actifs mentionnés au II de l'article L. 421-1, à l'intention de canaux de distribution ou du public. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels une information relative à un instrument financier ou à un actif visé au II de l'article L. 421-1 donnée au public constitue la production ou la diffusion d'une recommandation d'investissement telle que mentionnée à l'alinéa précédent ". Aux termes de l'article R. 621-30-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Pour l'application des dispositions du IX de l'article L. 621-7, une recommandation d'investissement s'entend de toute étude, information ou opinion, produite dans un cadre professionnel et destinée à être rendue publique, recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement relative : / a) A une personne dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ; / b) Aux instruments financiers émis par une telle personne ; / c) Aux actifs mentionnés au II de l'article L. 421-1 admis à la négociation sur un marché réglementé. / Constituent des recommandations d'investissement : / 1° L'ensemble des études, informations ou opinions mentionnées au premier alinéa qui recommandent ou suggèrent, directement ou indirectement, une stratégie d'investissement lorsqu'elles sont produites par une entreprise d'investissement, un établissement de crédit, toute autre personne dont l'activité professionnelle principale est de produire de telles études, informations ou opinions, ou les personnes physiques travaillant pour leur compte ; / 2° L'ensemble des études, informations ou opinions mentionnées au premier alinéa lorsqu'elles sont produites par toute autre personne que celles mentionnées au 1°, notamment par un journaliste professionnel au sens des articles L. 7111-3 et 4 et L. 7112-1 du code du travail et qui recommandent directement une stratégie d'investissement. / Une recommandation directe d'une stratégie d'investissement s'entend d'une indication explicite de la décision d'investissement recommandée, telle que la décision d'acheter, de conserver ou de vendre. Une recommandation indirecte d'une stratégie d'investissement s'entend d'une indication implicite, notamment par la référence à un objectif ou à une projection de cours, à l'évolution de la situation d'un émetteur ou de toute autre manière de la décision d'investissement recommandée ". Aux termes de l'article 313-25 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " Lorsqu'elle est diffusée par un prestataire de services d'investissement, une recommandation d'investissement au sens du 1 de l'article R. 621-30-1 du code monétaire et financier, ci-après dénommée "recommandation d'investissement à caractère général", constitue : / 1° Soit une analyse financière ou une recherche en investissement lorsqu'elle est conforme à l'article L. 544-1 du code monétaire et financier ci-après dénommée "analyse financière", soumise aux dispositions des articles 313-26 et 313-27 ; / 2° Soit, dans les autres cas, une communication à caractère promotionnel soumise aux dispositions de l'article 313-28 ". Aux termes de l'article 313-27 de ce même règlement général, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le prestataire de services d'investissement mentionné au I de l'article 313-26 adopte des mesures permettant d'assurer que : / Les analystes financiers et les autres personnes concernées s'abstiennent d'exécuter, autrement qu'en qualité de teneur de marché agissant de bonne foi et dans le cadre des opérations normales de tenue de marché ou en réponse à un ordre de client non sollicité, des transactions personnelles ou des opérations pour le compte de toute autre personne, y compris le prestataire de services d'investissement, concernant des instruments financiers sur lesquels porte l'analyse financière, ou tout autre instrument financier lié lorsque / Ils ont connaissance de la date probable de diffusion de cette analyse financière ou de son contenu ; / Cette connaissance n'est pas accessible au public ou aux clients et ne peut pas être aisément déduite de l'information disponible ; / Les analystes financiers et les autres personnes concernées s'abstiennent d'agir aussi longtemps que les destinataires de l'analyse financière n'ont pas eu une opportunité raisonnable d'agir sur la base de la connaissance mentionnée au a ; (...) ".

4. Il résulte, en premier lieu, des dispositions rappelées au point 2 de la présente décision que doit être qualifiée de " privilégiée ", une information, relative à un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, qui remplit les trois critères cumulatifs suivants : être précise ; ne pas avoir pas été rendue publique ; enfin, être susceptible, si elle était rendue publique, d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés. Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer des conclusions quant aux effets possibles de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. Enfin, selon le même article, une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement.

5. Il résulte, en second lieu, des dispositions rappelées au point 3 que la " recherche en investissements " ou " analyse financière " consiste en des travaux de recherche, ou d'autres informations, recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, explicitement ou implicitement, concernant un ou plusieurs instruments financiers ou les émetteurs d'instruments financiers, y compris les opinions émises sur le cours ou la valeur présente ou future de ces instruments, destinés aux canaux de distribution ou au public. Ces travaux, eu égard à leur objet et leurs effets, doivent respecter les dispositions du règlement général de l'AMF. Ainsi que le souligne le considérant 31 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché, alors en vigueur, ils ne constituent pas, en principe, une " information privilégiée ", dès lors qu'ils sont élaborés à partir de données publiques. Il en résulte que la seule circonstance qu'une opération est effectuée sur la base de tels travaux ou estimations ne doit pas être réputée constituer une utilisation d'informations privilégiées. Il en va toutefois différemment si ces travaux ou estimations peuvent être regardés comme recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement et émanent d'analystes ou institutions reconnus, dont les publications sont normalement attendues par le marché et contribuent au processus de formation des cours des instruments financiers. L'utilisation de tels travaux ou estimations par une personne qui a connaissance du moment auquel leur publication va intervenir, doit, dès lors que les autres conditions énoncées à l'article 621-1 du règlement général de l'AMF et rappelées au point précédent sont remplies, être regardée comme portant sur des informations privilégiées, au sens de ce même article.

6. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A... a été employé de 2004 à 2014 comme analyste financier par le bureau de recherche de la société Crédit Agricole Cheuvreux, devenue Kepler Cheuvreux. Parmi les griefs retenus dans le cadre des poursuites engagées contre M. A... figure celui d'avoir utilisé une information privilégiée. Il ressort de la décision attaquée que l'intéressé est intervenu à 48 reprises sur des titres faisant l'objet d'une recommandation d'investissement de son bureau d'analyse avant que celle-ci ne soit diffusée et que, parmi les 48 recommandations en cause, 28 d'entre elles sont relatives à un changement de recommandation d'investissement ou à une initiation de couverture. Le grief porte sur ces 28 recommandations.

7. La commission des sanctions de l'AMF a estimé que ce grief n'était pas, en l'espèce, caractérisé, dès lors qu'il n'était, en tout état de cause, pas établi qu'un investisseur raisonnable aurait été susceptible d'utiliser chacune des 28 recommandations d'investissement du bureau d'analyse comme l'un des fondements d'une décision d'investissement et, partant, que les 28 informations en cause auraient été susceptibles d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés. Pour étayer sa position, la commission des sanctions a notamment relevé que les analyses financières qui justifiaient les recommandations d'investissement n'avaient pas elles-mêmes été publiées ou diffusées ailleurs qu'auprès des clients abonnés au service d'analyse, qu'il était difficile d'apprécier, en l'espèce, la portée potentielle sur les décisions d'investissement d'un investisseur raisonnable de la publication de ces recommandations, que des informations seulement parcellaires étaient fournies sur la situation du marché de ces titres avant la diffusion des notes en cause et que, si le service concerné comptait parmi les bureaux d'analyse majeurs, aucun élément relatif à sa notoriété sur chacune des valeurs concernées ou à celle de chacun des analystes financiers auteurs des notes en cause n'avait été versé au dossier.

8. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 5 de la présente décision que les travaux et estimations de bureaux d'analyse et de recherche reconnus peuvent, dans certains cas, revêtir le caractère d'une information privilégiée, notamment s'ils sont destinés à une publication prochaine, attendue par le marché, et révèlent une recommandation, émise pour la première fois ou modifiant celles précédemment émises, concernant des instruments financiers de la part de ces institutions. Il résulte de l'instruction qu'en sa qualité d'analyste, M. A... a eu connaissance de recommandations, émises pour la première fois ou modifiant celles précédemment émises, précises et non encore rendues publiques, concernant 28 instruments financiers, dont il ne pouvait ignorer le moment de diffusion. Selon le classement établi par Thomson Reuters Extel, services d'information financières reconnu ainsi que l'a relevé la commission des sanctions, le bureau d'analyse et de recherche qui employait M. A... était l'un des tous premiers services de recherche européens, dont les publications sont normalement attendues par le marché et contribuent au processus de formation du cours des instruments financiers. L'instruction fait d'ailleurs ressortir que les cours des 28 instruments financiers en cause dans la présente affaire ont été sensiblement affectés par la publication des recommandations de ce bureau. Il résulte également de l'instruction que M. A... a utilisé ces informations avant leur diffusion pour réaliser, à des fins personnelles, des opérations portant sur ces 28 instruments financiers dont il a, au demeurant, retiré à chaque fois de substantielles plus-values. Il résulte de tout ce qui précède que les conditions auxquelles est subordonnée la qualification d'utilisation d'une information privilégiée doivent, en l'espèce, être regardées comme remplies. Par suite, le président de l'AMF est fondé à soutenir qu'en écartant ce grief, la commission des sanctions a commis une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la sanction :

9. Il résulte des précédents motifs que doit être ajouté aux deux autres griefs retenus par la commission des sanctions, concernant, d'une part, la méconnaissance des règles d'interdiction des transactions des analystes sur un instrument financier et, d'autre part, de déclaration des compte-titres ouvert à leur nom et la diffusion d'une fausse information en émettant un avis sur le titre Vallourec après avoir pris une position sur celui-ci sans communiquer au public le conflit d'intérêts existant, le grief d'utilisation d'une information privilégiée.

10. Il résulte de l'instruction qu'eu égard, d'une part, à la nature et à la gravité des manquements constatés, qui se sont déroulés sur une période de plus de deux années et ont été commis par analyste financier ayant près de dix ans d'expérience à l'époque des faits et, d'autre part, au montant des plus-values réalisées, supérieur, en ce qui concerne le manquement d'initiés et selon l'estimation de M. A... lui-même, à 100 000 euros, auquel s'ajoutent, en ce qui concerne le manquement de diffusion d'une fausse information, les 34 158 euros de plus-value réalisés sur le titre Vallourec, il y a lieu de porter, compte tenu des ressources dont dispose M. A..., la sanction pécuniaire qui lui a été infligée à 200 000 euros. Cette sanction s'ajoutera à l'interdiction déjà prononcée à son encontre d'exercer l'activité d'analyste financier pendant une durée de dix ans.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers de mentionner la présente décision sur son site internet dans des conditions propres à assurer l'anonymat de M. A....

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'AMF qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de M. A... est portée à 200 000 euros.

Article 2 : La décision du 29 mai 2017 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers du 29 mai 2017 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du président de l'Autorité des marchés financiers et les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Il est enjoint à l'Autorité des marchés financiers de mentionner la présente décision, sur son site internet, dans des conditions propres à assurer l'anonymat de M. A....

Article 5 : La présente décision sera notifiée au président de l'Autorité des marchés financiers et à M. A....

Copie en sera transmise au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412789
Date de la décision : 30/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - CONDITIONS PERMETTANT DE REGARDER UNE RECHERCHE EN INVESTISSEMENTS OU UNE ANALYSE FINANCIÈRE (ART - L - 544-1 DU CMF) COMME UNE INFORMATION PRIVILÉGIÉE.

13-01-02 Il résulte des articles L. 544-1, L. 621-7 et R. 621-30-1 du code monétaire et financier (CMF) et des articles 313-25 et 313-27 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) que la recherche en investissements ou analyse financière consiste en des travaux de recherche, ou d'autres informations, recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, explicitement ou implicitement, concernant un ou plusieurs instruments financiers ou les émetteurs d'instruments financiers, y compris les opinions émises sur le cours ou la valeur présente ou future de ces instruments, destinés aux canaux de distribution ou au public. Ces travaux, eu égard à leur objet et leurs effets, doivent respecter le règlement général de l'AMF. ...Ainsi que le souligne le considérant 31 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003, alors en vigueur, ils ne constituent pas, en principe, une information privilégiée, dès lors qu'ils sont élaborés à partir de données publiques. Il en résulte que la seule circonstance qu'une opération est effectuée sur la base de tels travaux ou estimations ne doit pas être réputée constituer une utilisation d'informations privilégiées....Il en va toutefois différemment si ces travaux ou estimations peuvent être regardés comme recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement et émanent d'analystes ou institutions reconnus, dont les publications sont normalement attendues par le marché et contribuent au processus de formation des cours des instruments financiers. L'utilisation de tels travaux ou estimations par une personne qui a connaissance du moment auquel leur publication va intervenir doit, dès lors que les autres conditions énoncées à l'article 621-1 du règlement général de l'AMF sont remplies, être regardée comme portant sur des informations privilégiées, au sens de ce même article.

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - COMMISSION DES SANCTIONS - POSSIBILITÉ D'OPÉRER UN CUMUL DE QUALIFICATIONS EN RAISON DES MÊMES OPÉRATIONS - EXISTENCE [RJ1].

13-01-02-01 Commission spécialisée du collège de l'Autorité des marchés financiers (AMF) reprochant à un analyste financier d'avoir manqué à ses obligations professionnelles en contrevenant aux règles d'interdiction des transactions des analystes sur un instrument financier et de déclaration de tout compte-titres ouvert à leur nom, d'avoir manqué à l'obligation d'abstention d'utiliser une information privilégiée en utilisant de nombreuses informations ayant ce caractère relatives à des recommandations d'investissement émises par le bureau d'analyse auxquelles il avait accès, et d'avoir diffusé une fausse information en émettant un avis sur un titre après avoir pris une position sur celui-ci sans communiquer au public le conflit d'intérêts existant. Commission des sanctions de l'AMF prononçant une sanction en retenant comme étant caractérisés les premier et troisième griefs, mais en estimant que tel n'était pas le cas de celui tiré de la méconnaissance de l'obligation de s'abstenir d'utiliser une information privilégiée. Président de l'AMF formant, devant le Conseil d'Etat, un recours tendant à la réformation de cette sanction, en soutenant que c'est à tort que la commission des sanctions n'a pas retenu le deuxième grief....Il résulte des motifs de la décision du Conseil d'Etat que doit être ajouté aux deux autres griefs retenus par la commission des sanctions, concernant, d'une part, la méconnaissance des règles d'interdiction des transactions des analystes sur un instrument financier et, d'autre part, de déclaration des compte-titres ouvert à leur nom et la diffusion d'une fausse information en émettant un avis sur un titre après avoir pris une position sur celui-ci sans communiquer au public le conflit d'intérêts existant, le grief d'utilisation d'une information privilégiée. Réformation de la sanction.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE - RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - COMMISSION DES SANCTIONS DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (AMF) - POSSIBILITÉ D'OPÉRER UN CUMUL DE QUALIFICATIONS EN RAISON DES MÊMES OPÉRATIONS - EXISTENCE [RJ1].

59-02-02 Commission spécialisée du collège de l'Autorité des marchés financiers (AMF) reprochant à un analyste financier d'avoir manqué à ses obligations professionnelles en contrevenant aux règles d'interdiction des transactions des analystes sur un instrument financier et de déclaration de tout compte-titres ouvert à leur nom, d'avoir manqué à l'obligation d'abstention d'utiliser une information privilégiée en utilisant de nombreuses informations ayant ce caractère relatives à des recommandations d'investissement émises par le bureau d'analyse auxquelles il avait accès, et d'avoir diffusé une fausse information en émettant un avis sur un titre après avoir pris une position sur celui-ci sans communiquer au public le conflit d'intérêts existant. Commission des sanctions de l'AMF prononçant une sanction en retenant comme étant caractérisés les premier et troisième griefs, mais en estimant que tel n'était pas le cas de celui tiré de la méconnaissance de l'obligation de s'abstenir d'utiliser une information privilégiée. Président de l'AMF formant, devant le Conseil d'Etat, un recours tendant à la réformation de cette sanction, en soutenant que c'est à tort que la commission des sanctions n'a pas retenu le deuxième grief....Il résulte des motifs de la décision du Conseil d'Etat que doit être ajouté aux deux autres griefs retenus par la commission des sanctions, concernant, d'une part, la méconnaissance des règles d'interdiction des transactions des analystes sur un instrument financier et, d'autre part, de déclaration des compte-titres ouvert à leur nom et la diffusion d'une fausse information en émettant un avis sur un titre après avoir pris une position sur celui-ci sans communiquer au public le conflit d'intérêts existant, le grief d'utilisation d'une information privilégiée. Réformation de la sanction.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant du cumul idéal d'infractions en matière pénale, Cass. crim., 26 mars 1974, n° 73-90.584, Bull. crim., n° 129 ;

Cass. crim., 21 avril 1976, n° 75-91.956, Bull. crim., n° 122 ;

Cass. crim., 16 mai 1984, n° 84-90.052, Bull. crim., n° 182..


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2019, n° 412789
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP OHL, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:412789.20190130
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