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20/06/2018 | FRANCE | N°409189

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 20 juin 2018, 409189


Vu les procédures suivantes :

1° Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- d'annuler les décisions du président du conseil général des Bouches-du-Rhône du 8 octobre 2014 confirmant les décisions de la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône du 20 août 2014 de récupérer un indu de revenu de solidarité active de 13 794,78 euros et de mettre fin à ses droits au revenu de solidarité active et rejetant sa demande de remise gracieuse ;

- de la rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active ;

- d'enjoindre à l

a caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône de lui rembourser les sommes déjà r...

Vu les procédures suivantes :

1° Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- d'annuler les décisions du président du conseil général des Bouches-du-Rhône du 8 octobre 2014 confirmant les décisions de la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône du 20 août 2014 de récupérer un indu de revenu de solidarité active de 13 794,78 euros et de mettre fin à ses droits au revenu de solidarité active et rejetant sa demande de remise gracieuse ;

- de la rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active ;

- d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône de lui rembourser les sommes déjà recouvrées.

Par un jugement n° 1501318 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision mettant fin aux droits de Mme C...au revenu de solidarité active en tant qu'elle s'applique postérieurement au 7 août 2013, enjoint au département des Bouches-du-Rhône de fixer le montant de ses droits à compter de cette date, annulé la décision de récupérer un indu de 13 794,78 euros, enjoint à la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône et au département des Bouches-du-Rhône de rembourser à Mme C...les indus déjà recouvrés et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sous le n° 409189, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 26 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le département des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 3 et 4 de ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions de Mme C...dirigées contre les décisions de récupération d'indu ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Mme C...a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a confirmé la décision de la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône du 19 juin 2014 de récupérer un indu de revenu de solidarité active de 16 850,62 euros ;

- de la rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active ;

- d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône de lui rembourser les sommes déjà recouvrées.

Par un jugement n° 1501282 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la moitié de l'indu en cause, a annulé la décision réclamant à Mme C...le solde de l'indu, soit la somme de 8 425,31 euros, et a enjoint à la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône et au département des Bouches-du-Rhône de rembourser à Mme C...les indus déjà recouvrés.

Sous le n° 409193, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaires, enregistrés les 24 mars et 26 juin 2017, le département des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de MmeC... ;

3°) de mettre à la charge de Madame C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du département des Bouches-du-Rhône et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge du fond que MmeC..., bénéficiaire du revenu de solidarité active, a déclaré à la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône vivre séparée de M.A..., père de son fils, depuis le 1er octobre 2004. Toutefois, le 7 août 2013, M. A...a déclaré à cette caisse que leur séparation ne remontait qu'au 5 août 2013. Après un examen de la situation de MmeC..., la caisse a décidé, le 19 juin 2014, de récupérer à son encontre un indu de revenu de solidarité active dit " socle ", constaté au titre du montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, de 16 850,62 euros, portant sur la période de juin 2009 à octobre 2011, puis, le 20 août 2014, un indu de revenu de solidarité active de 13 794,78 euros, correspondant à une somme de 5 035,47 euros au titre du revenu de solidarité active dit " activité ", constaté au titre de la fraction de ses revenus professionnels mentionnée au 1° du même article, pour la période de novembre 2011 à juillet 2013, et à une somme de 8 759,31 euros au titre du revenu de solidarité active dit " socle majoré ", incluant la majoration prévue par l'article L. 262-9 du même code, pour la période d'août 2013 à juillet 2014. Le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par Mme C... contre la première de ces décisions par une décision implicite et celui qu'elle avait formé contre la seconde de ces décisions par une décision expresse du 8 octobre 2014. Par deux jugements du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille, d'une part, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la moitié du premier indu, a annulé la décision confirmant la récupération pour le solde et, d'autre part, a annulé la décision confirmant la récupération du second indu. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, le département des Bouches-du-Rhône doit être regardé comme demandant l'annulation de ces jugements en tant qu'ils annulent en tout ou partie les décisions confirmant la récupération des indus de revenu de solidarité active " socle " ou " socle majoré ".

2. D'une part, aux termes de l'article L. 262-16 du code de l'action sociale et des familles : " Le service du revenu de solidarité active est assuré, dans chaque département, par les caisses d'allocations familiales et, pour leurs ressortissants, par les caisses de mutualité sociale agricole ". Aux termes de l'article L. 262-40 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'exercice de leurs compétences, le président du conseil général, les représentants de l'Etat et les organismes chargés de l'instruction et du service du revenu de solidarité active demandent toutes les informations nécessaires à l'identification de la situation du foyer : / 1° Aux administrations publiques, et notamment aux administrations financières ; / 2° Aux collectivités territoriales ; / 3° Aux organismes de sécurité sociale, de retraite complémentaire et d'indemnisation du chômage ainsi qu'aux organismes publics ou privés concourant aux dispositifs d'insertion ou versant des rémunérations au titre de l'aide à l'emploi. / Les informations demandées, que ces administrations, collectivités et organismes sont tenus de communiquer, doivent être limitées aux données nécessaires à l'instruction du droit au revenu de solidarité active, à sa liquidation et à son contrôle ainsi qu'à la conduite des actions d'insertion. / Les informations recueillies peuvent être échangées, pour l'exercice de leurs compétences, entre le président du conseil général et les organismes chargés de l'instruction et du service du revenu de solidarité active et communiquées aux membres de l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 262-39. / (...) / Les organismes chargés de son versement réalisent les contrôles relatifs au revenu de solidarité active selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Le droit de communication permet d'obtenir, sans que s'y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires : / 1° Aux agents des organismes de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes (...) ". Aux termes de l'article L. 114-20 de ce code, dans sa rédaction applicable : " Sans préjudice des autres dispositions législatives applicables en matière d'échanges d'informations, le droit de communication défini à l'article L. 114-19 est exercé dans les conditions prévues et auprès des personnes mentionnées à la section 1 du chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales à l'exception des personnes mentionnées aux articles L. 82 C, L. 83 A, L. 83 B, L. 84, L. 84 A, L. 91, L. 95 et L. 96 B à L. 96 F ", l'article L. 83 du livre des procédures fiscales soumettant au droit de communication " les administrations de l'État, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative ". Enfin, aux termes de l'article L. 114-21 du code de la sécurité sociale : " L'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L. 114-19 est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande ".

4. Il résulte de ces dispositions que les caisses d'allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole, chargées du service du revenu de solidarité active, réalisent les contrôles relatifs à cette prestation d'aide sociale selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale, au nombre desquels figurent le droit de communication instauré par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale au bénéfice des organismes de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations qu'ils servent, ainsi que les garanties procédurales s'attachant, en vertu de l'article L. 114-21 du même code, à l'exercice de ce droit par un organisme de sécurité sociale. Lorsqu'une caisse peut obtenir une même information auprès d'une même administration ou d'un même organisme tant sur le fondement de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles, prévoyant des échanges d'informations avec les administrations publiques, les collectivités territoriales et les organismes sociaux, qu'au titre du droit de communication prévu par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, elle n'est tenue de mettre en oeuvre les garanties prévues par l'article L. 114-21 du même code que si elle a entendu se placer dans le cadre du droit de communication.

5. En premier lieu, le tribunal administratif de Marseille a relevé que le département des Bouches-du-Rhône, d'une part, produisait au soutien de ses décisions des bulletins de paie de M. A..., des documents d'assurance, des documents provenant de la maison départementale des personnes handicapées des Bouches-du-Rhône, du bailleur de M. A... et MmeC..., ainsi que des documents provenant des services des impôts et de l'assurance maladie et, d'autre part, n'expliquait pas l'origine de ces documents et ne contestait pas l'affirmation de la requérante selon laquelle ils avaient été obtenus par l'exercice du droit de communication, ce dont il a déduit qu'une partie au moins des documents opposés à la requérante devait être regardée comme obtenue grâce à l'exercice de ce droit. En statuant ainsi, le tribunal ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts.

6. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le tribunal, dont les jugements sont suffisamment motivés sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de la mise en oeuvre du droit de communication par le département que les dispositions de l'article L. 114-21 du code de la sécurité sociale étaient applicables à la procédure ayant conduit aux décisions de récupération des indus de revenu de solidarité active en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que le département des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à demander l'annulation des jugements qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme C...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 2 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois du département des Bouches-du-Rhône sont rejetés.

Article 2 : Le département des Bouches-du-Rhône versera à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de MmeC..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône et à Mme B...C..., épouseD....

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409189
Date de la décision : 20/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04-02-06 AIDE SOCIALE. DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE. REVENU MINIMUM D'INSERTION (RMI). - RSA - CONTRÔLES PAR LES CAF ET LES CAISSES DE MSA DE LA SINCÉRITÉ ET L'EXACTITUDE DES DÉCLARATIONS OU L'AUTHENTICITÉ DES PIÈCES PRODUITES - MODALITÉS - 1) PRINCIPE - RÈGLES APPLICABLES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ SOCIALE, Y COMPRIS LE DROIT DE COMMUNICATION, ET GARANTIES QUI Y SONT ATTACHÉES - 2) CAS DANS LEQUEL LES INFORMATIONS RECHERCHÉES PEUVENT ÊTRE OBTENUES AUPRÈS D'UNE ADMINISTRATION PUBLIQUE OU D'UN ORGANISME DE SÉCURITÉ SOCIALE TANT SUR LE FONDEMENT DU CASF QUE DU DROIT DE COMMUNICATION PRÉVU PAR LE CSS - RÈGLES ET GARANTIES APPLICABLES - RÈGLES DANS LE CADRE DESQUELLES LA CAISSE A ENTENDU SE PLACER.

04-02-06 1) Il résulte des articles L. 262-16 du code de l'action sociale et des familles (CASF) et L. 114-9 du code de la sécurité sociale (CSS) que les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de mutualité sociale agricole (MSA), chargées du service du revenu de solidarité active (RSA), réalisent les contrôles relatifs à cette prestation d'aide sociale selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale, au nombre desquels figurent le droit de communication instauré par l'article L. 114-19 du CSS au bénéfice des organismes de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations qu'ils servent, ainsi que les garanties procédurales s'attachant, en vertu de l'article L. 114-21 du même code, à l'exercice de ce droit par un organisme de sécurité sociale.... ,,2) Lorsqu'une caisse peut obtenir une même information auprès d'une même administration ou d'un même organisme tant sur le fondement de l'article L. 262-40 du CASF, prévoyant des échanges d'informations avec les administrations publiques, les collectivités territoriales et les organismes sociaux, qu'au titre du droit de communication prévu par l'article L. 114-19 du CSS, elle n'est tenue de mettre en oeuvre les garanties prévues par l'article L. 114-21 du même code que si elle a entendu se placer dans le cadre du droit de communication.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2018, n° 409189
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409189.20180620
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