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28/01/2019 | FRANCE | N°406722

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 28 janvier 2019, 406722


Vu la procédure suivante :

La société Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF) a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des contributions supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle et de contribution sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2006 et 2007.

Par un jugement n° 1311929 du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 15VE02777 du 15 novembre 2016, la cour administra

tive d'appel de Versailles, saisie par la société MACIF, a réformé ce jugement et ...

Vu la procédure suivante :

La société Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF) a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des contributions supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle et de contribution sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2006 et 2007.

Par un jugement n° 1311929 du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 15VE02777 du 15 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles, saisie par la société MACIF, a réformé ce jugement et prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale auxquelles la société MACIF a été assujettie au titre de l'exercice 2006 pour un montant global de 1 837 452 euros.

Par un pourvoi et deux mémoires en réplique, enregistrés le 10 janvier 2017 et les 9 mai et 3 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la société MACIF.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité, la société MACIF a fait l'objet de rappels de taxe sur les conventions d'assurance assortis d'intérêts de retard au titre des exercices 1997 à 1999. Ces impositions et pénalités ont été mises en recouvrement en 2002 et la société MACIF les a déduites de son bénéfice imposable au titre de l'exercice clos la même année. En 2006, cette société a obtenu, par une décision du juge judiciaire, le dégrèvement de l'ensemble des impositions et intérêts de retard qu'elle avait ainsi acquittés. A la suite d'une nouvelle vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, l'administration fiscale a réintégré dans ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés, pour un montant de 2 206 000 euros, les intérêts moratoires qu'elle avait perçus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales lors de l'ordonnancement en 2006 du dégrèvement des rappels de taxe sur les conventions d'assurance et des intérêts de retard correspondants au titre des exercices 1997 à 1999. Par une réclamation du 27 décembre 2012, la société MACIF a contesté cette réintégration. Cette réclamation ayant été rejetée, la société MACIF a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés, de contribution additionnelle et de contribution sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2005 et 2006. Par un jugement du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande mais par un arrêt du 15 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a réformé ce jugement et prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale auxquelles la société MACIF a été assujettie au titre de l'exercice 2006, résultant de la réintégration dans son résultat imposable des intérêts moratoires mentionnés ci-dessus. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts dans sa version alors applicable : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice, à l'exception des taxes prévues aux articles 238 quater et 990 G (...) 2. Les transactions, amendes, confiscations, pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant (...) l'assiette et le recouvrement des impôts, contributions et taxes, ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt ".

3. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable de 2002, année du paiement des impositions et des pénalités par la société MACIF mentionnées au point 1 ci-dessus, jusqu'au 31 décembre 2005 : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ". Aux termes du même article dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2006 également applicable pour partie au litige : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ". Il résulte de ces dispositions que les intérêts moratoires assis sur des impositions dégrevées, qui ont pour seul objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes et dont ils ne sont ainsi que l'accessoire, doivent être soumis au même régime fiscal que ces dégrèvements.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que lorsque des impositions restituées à une entreprise sont incluses dans son résultat imposable, les intérêts moratoires qui lui sont versés en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales doivent également être soumis à l'impôt. Par suite, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant que les intérêts moratoires ne pouvaient donner lieu à taxation au motif qu'à la différence des impositions auxquelles ils se rapportent, ils n'avaient pas fait l'objet d'une déduction préalable des résultats.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il décharge la société MACIF des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2006 en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables des intérêts moratoires versées sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre moyen du pourvoi du ministre.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 15 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il prononce la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles la société MACIF a été assujettie au titre de l'exercice 2006 en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables des intérêts moratoires, pour un montant de 1 798 628 euros, versés par l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Article 2 : L'affaire est, dans cette mesure, renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société MACIF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société MACIF.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406722
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - DÉGRÈVEMENT - INTÉRÊTS MORATOIRES VERSÉS À L'OCCASION DE DÉGRÈVEMENTS (ART - L - 208 DU LPF) - 1) OBJET - PRISE EN COMPTE DE LA DURÉE PENDANT LAQUELLE LE CONTRIBUABLE A ÉTÉ PRIVÉ DES SOMMES CORRESPONDANT AUX IMPOSITIONS DÉGREVÉES - CONSÉQUENCE - INTÉRÊTS SOUMIS AU MÊME RÉGIME FISCAL QUE CES DÉGRÈVEMENTS [RJ1] - 2) APPLICATION - IMPOSITIONS RESTITUÉES INCLUSES DANS LE RÉSULTAT IMPOSABLE (4° DU 1 - DE L'ART - 39 DU CGI - DANS SA RÉDACTION ALORS APPLICABLE) - IMPOSITION DES INTÉRÊTS MORATOIRES - EXISTENCE.

19-01-03-06 1) Il résulte de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) dans ses rédactions successives applicables aux années 2002 à 2006, que les intérêts moratoires assis sur des impositions dégrevées, qui ont pour seul objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes et dont ils ne sont ainsi que l'accessoire, doivent être soumis au même régime fiscal que ces dégrèvements.... ...2) Lorsque des impositions restituées à une entreprise sont incluses dans son résultat imposable, les intérêts moratoires qui lui sont versés en application de l'article L. 208 du LPF doivent également être soumis à l'impôt. Par suite, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit en jugeant que les intérêts moratoires ne pouvaient donner lieu à taxation au motif qu'à la différence des impositions auxquelles ils se rapportent, ils n'avaient pas fait l'objet d'une déduction préalable des résultats.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - INTÉRÊTS MORATOIRES VERSÉS À L'OCCASION DE DÉGRÈVEMENTS (ART - L - 208 DU LPF) - 1) OBJET - PRISE EN COMPTE DE LA DURÉE PENDANT LAQUELLE LE CONTRIBUABLE A ÉTÉ PRIVÉ DES SOMMES CORRESPONDANT AUX IMPOSITIONS DÉGREVÉES - CONSÉQUENCE - INTÉRÊTS SOUMIS AU MÊME RÉGIME FISCAL QUE CES DÉGRÈVEMENTS [RJ1] - 2) APPLICATION - IMPOSITIONS RESTITUÉES INCLUSES DANS LE RÉSULTAT IMPOSABLE (4° DU 1 - DE L'ART - 39 DU CGI - DANS SA RÉDACTION ALORS APPLICABLE) - IMPOSITION DES INTÉRÊTS MORATOIRES - EXISTENCE.

19-01-06 1) Il résulte de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) dans ses rédactions successives applicables aux années 2002 à 2006, que les intérêts moratoires assis sur des impositions dégrevées, qui ont pour seul objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes et dont ils ne sont ainsi que l'accessoire, doivent être soumis au même régime fiscal que ces dégrèvements.... ...2) Lorsque des impositions restituées à une entreprise sont incluses dans son résultat imposable, les intérêts moratoires qui lui sont versés en application de l'article L. 208 du LPF doivent également être soumis à l'impôt. Par suite, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit en jugeant que les intérêts moratoires ne pouvaient donner lieu à taxation au motif qu'à la différence des impositions auxquelles ils se rapportent, ils n'avaient pas fait l'objet d'une déduction préalable des résultats.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - INCLUSION DES IMPOSITIONS RESTITUÉES DANS LE RÉSULTAT IMPOSABLE (4° DU 1 - DE L'ART - 39 DU CGI - DANS SA RÉDACTION ALORS APPLICABLE) - CONSÉQUENCE - INCLUSION DES INTÉRÊTS MORATOIRES ASSIS SUR LES SOMMES DÉGREVÉES.

19-04-01-04-03 Lorsque des impositions restituées à une entreprise sont incluses dans son résultat imposable, les intérêts moratoires qui lui sont versés en application de l'article L. 208 du LPF doivent également être soumis à l'impôt. Par suite, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit en jugeant que les intérêts moratoires ne pouvaient donner lieu à taxation au motif qu'à la différence des impositions auxquelles ils se rapportent, ils n'avaient pas fait l'objet d'une déduction préalable des résultats.


Références :

[RJ1]

Pour l'article L. 208 du LPF dans sa rédaction antérieure à 2006 alignant les intérêts moratoires sur l'intérêt légal, rappr., s'agissant de l'intérêt légal de l'article 1153 du code civil : CE, Section, 4 décembre 1992,,, n° 83205, p. 435 ;

CE, 11 juillet 2011,,, n° 328792, T. p. 888 ;

s'agissant des intérêts au taux majoré, CE, 21 novembre 2007,,, n° 279625, T. p. 803 ;

s'agissant des intérêts moratoires de l'article 209 du LPF, CE, 10 août 2005,,, n° 259741, p. 381. Pour l'article L. 208 du LPF dans sa rédaction applicable à compter de 2006 alignant les intérêts moratoires sur l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI, comp., sur ce point, CE, Assemblée, 12 avril 2002, Société anonyme financière Labeyrie, n° 239693, p. 137.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jan. 2019, n° 406722
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Caron
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:406722.20190128
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