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20/09/2017 | FRANCE | N°393271

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 20 septembre 2017, 393271


Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Monte Paschi Banque a notamment demandé au tribunal administratif de Marseille de lui accorder le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été cédés par la société SDP au titre des mois de juin et juillet 2007 à hauteur d'un montant total de 452 883 euros. Par un jugement n° 1106395 du 26 février 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13MA02020 du 9 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SA Mon

te Paschi Banque contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire comp...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Monte Paschi Banque a notamment demandé au tribunal administratif de Marseille de lui accorder le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été cédés par la société SDP au titre des mois de juin et juillet 2007 à hauteur d'un montant total de 452 883 euros. Par un jugement n° 1106395 du 26 février 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13MA02020 du 9 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SA Monte Paschi Banque contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre et 7 décembre 2015 et le 30 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SA Monte Paschi Banque demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la Société Monte Paschi Banque ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les 16 juillet et 1er août 2007, la société SDP a demandé, sur le fondement du IV de l'article 271 du code général des impôts et conformément aux modalités fixées à l'article 242-0 C de l'annexe II à ce code, le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de juin et juillet 2007. En l'absence de réponse de l'administration fiscale à cette demande, la SA Monte Paschi Banque, à qui cette créance avait été cédée par conventions des 12 juin et 1er août 2007 en application de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, a saisi le tribunal administratif de Marseille qui, par un jugement du 26 février 2013, a rejeté sa demande tendant au remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée. La SA Monte Paschi Banque se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juillet 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier : " Tout crédit qu'un établissement de crédit ou qu'une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement ou de cette société, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle./(...) ". Aux termes de l'article L. 313-24 de ce code : " Même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée. / Sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement ". Aux termes de l'article L. 313-27 du même code : " La cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité... ". Aux termes de l'article L. 313-28 : " L'établissement de crédit ou la société de financement peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, ... le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit ou de la société de financement ". En vertu de l'article 6 du décret du 31 juillet 1993 relatif aux saisies et cessions notifiées aux comptables publics et aux centres de chèques postaux ou de la Caisse nationale d'épargne, cette notification est faite au comptable assignataire. Aux termes de l'article L. 313-29 du même code : " Sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s'engager à le payer directement (...). / Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l'établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins que l'établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur. ".

3. Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables aux créances détenues sur des personnes morales de droit public, que la cession d'une créance professionnelle effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier, d'une part, transfère à l'établissement de crédit cessionnaire la propriété de la créance cédée et, d'autre part, est opposable aux tiers à compter de la date portée sur le bordereau visé à l'article L. 313-23 de ce code, sans autre formalité. La notification de la cession, laissée à la seule initiative de l'établissement de crédit, prévue par l'article L. 313-28 de ce code a pour effet de garantir le débiteur du caractère libératoire de son paiement. La souscription par le débiteur de la créance cédée, à la demande de l'établissement de crédit cessionnaire, de l'acte d'acceptation prévu à l'article L. 313-29 de ce code, a pour effet de créer à l'encontre de ce débiteur une obligation de paiement entre les mains du détenteur du bordereau, détachée de la créance initiale de l'entreprise et contre laquelle il ne peut faire valoir des exceptions tirées de ses rapports avec l'entreprise cédante. Lorsque la cession de créance intervient avant la présentation de la demande au tribunal, l'établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l'impôt afin d'obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d'acceptation de cette cession par le débiteur.

4. Il résulte de ce qui précède que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la SA Monte Paschi Banque n'était pas recevable à saisir le juge de l'impôt en sa qualité de cessionnaire de la créance sur le Trésor litigieuse, au motif que le juge ne peut être valablement saisi d'une contestation relative à l'existence ou au montant d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée que par l'assujetti bénéficiaire du droit à déduction. Elle a également commis une erreur de droit en jugeant que la SA Monte Paschi Banque n'était pas titulaire d'une créance sur le Trésor au motif que l'administration fiscale avait refusé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée demandé par la société SDP, alors que la contestation par l'administration fiscale du bien-fondé de la créance ne saurait avoir en elle-même d'incidence sur l'existence d'une telle créance, ni sur la qualité pour agir de son cessionnaire.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la SA Monte Paschi Banque est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 9 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera à la SA Monte Paschi Banque la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA Monte Paschi Banque et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 393271
Date de la décision : 20/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - DETTES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - QUESTIONS DIVERSES - CESSION DE CRÉANCE PROFESSIONNELLE (ART - L - 313-23 À L - 313-34 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER) [RJ1] - CESSION INTERVENUE AVANT LA PRÉSENTATION D'UNE DEMANDE DEVANT UN TRIBUNAL - PERSONNES AYANT QUALITÉ POUR AGIR DEVANT LE JUGE DE L'IMPÔT - CESSIONNAIRE - EXISTENCE - CÉDANT - EXISTENCE [RJ2].

18-05 Cession d'une créance professionnelle, en l'espèce un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier.... ,,Lorsque la cession de créance intervient avant l'introduction d'une demande tendant au remboursement de cette créance devant un tribunal, l'établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l'impôt afin d'obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d'acceptation de cette cession par le débiteur.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - DEMANDES ET OPPOSITIONS DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF - FORMES ET CONTENU DE LA DEMANDE - DEMANDE DE REMBOURSEMENT DE CRÉDIT DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - CRÉANCE CÉDÉE SUR LE FONDEMENT DES ART - L - 313-23 À L - 313-34 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER [RJ1] - CESSION INTERVENUE AVANT LA PRÉSENTATION D'UNE DEMANDE DEVANT UN TRIBUNAL - PERSONNES AYANT QUALITÉ POUR AGIR DEVANT LE JUGE DE L'IMPÔT - CESSIONNAIRE - EXISTENCE - CÉDANT - EXISTENCE [RJ2].

19-02-03-01 Cession d'une créance professionnelle, en l'espèce un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier.... ,,Lorsque la cession de créance intervient avant l'introduction d'une demande tendant au remboursement de cette créance devant un tribunal, l'établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l'impôt afin d'obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d'acceptation de cette cession par le débiteur.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - QUALITÉ POUR AGIR - DEMANDE DE REMBOURSEMENT D'UN CRÉDIT DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - CESSION DE CETTE CRÉANCE SUR LE FONDEMENT DES ART - L - 313-23 À L - 313-34 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER [RJ1] - CESSION INTERVENUE AVANT LA PRÉSENTATION D'UNE DEMANDE DEVANT UN TRIBUNAL - PERSONNES AYANT QUALITÉ POUR AGIR DEVANT LE JUGE DE L'IMPÔT - CESSIONNAIRE - EXISTENCE - CÉDANT - EXISTENCE [RJ2].

54-01-05 Cession d'une créance professionnelle, en l'espèce un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier.... ,,Lorsque la cession de créance intervient avant l'introduction d'une demande tendant au remboursement de cette créance devant un tribunal, l'établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l'impôt afin d'obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d'acceptation de cette cession par le débiteur.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 25 juin 2003, Caisse centrale de crédit mutuel du Nord de la France, n° 240679, p. 285., ,

[RJ2]

Rappr., en cas de cession de créance au cours de la procédure juridictionnelle, CE, 10 décembre 2012, Min. c/ Société Rhodia, n° 317074, T. pp. 632-694-898-929-934-935-942.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 sep. 2017, n° 393271
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393271.20170920
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