Vu la procédure suivante :
M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner, d'une part, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), venant aux droits du centre hospitalier Paul-Ardier d'Issoire, d'autre part, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des préjudices ayant résulté pour eux de l'intervention subie par Mme A...au centre hospitalier d'Issoire le 25 janvier 2007. Par un jugement n° 1200561 du 15 octobre 2013, le tribunal administratif a, en premier lieu, condamné la SHAM et l'ONIAM à verser chacun la somme de 31 200 euros à MmeA..., en deuxième lieu, condamné la SHAM à verser la somme de 7 500 euros à M. A...et, en troisième lieu, condamné la SHAM et le centre hospitalier d'Issoire à verser au régime social des indépendants (RSI) d'Auvergne les sommes de 84 387,17 euros et 1 015 euros.
Par un arrêt n° 13LY03483 du 30 avril 2015, la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur l'appel de la SHAM et du centre hospitalier d'Issoire, a ramené à 2 500 euros la somme que la SHAM a été condamnée à verser à M. A...et a porté à 60 245,76 euros et 1 037 euros les sommes que la SHAM et le centre hospitalier d'Issoire ont été condamnés à verser au RSI d'Auvergne, en ajoutant à ces sommes les sommes de 377,60 euros et 2 557,70 euros.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaires, enregistré les 6 juillet et 6 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier d'Issoire et la SHAM demandent au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il met à leur charge les sommes mentionnées ci-dessus.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la SHAM et du centre hospitalier d'Issoire, à Me Corlay, avocat de M. et Mme A...et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM.
1. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a subi le 23 janvier 2007 au centre hospitalier Paul-Ardier d'Issoire une anesthésie locale dont elle a conservé des séquelles sensitives et motrices à la jambe gauche ; que par un jugement du 15 octobre 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que le centre hospitalier n'avait pas informé Mme A...du risque opératoire qui s'était réalisé et lui avait ainsi fait perdre une chance d'éviter le dommage qui en est résulté ; que le tribunal a, en conséquence, mis à la charge de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du centre hospitalier, une somme destinée à réparer à hauteur de 50 % le dommage corporel subi par Mme A...et a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 du code la santé publique, mis le solde de la réparation à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ; que le tribunal a, par ailleurs, mis à la charge du centre hospitalier et de son assureur la réparation du préjudice moral subi par M. A...et les a condamnés à rembourser, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, diverses sommes au régime social des indépendants d'Auvergne, auquel Mme A...était affiliée ; que, par un arrêt du 30 avril 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a maintenu le principe de la réparation par le centre hospitalier du préjudice de Mme A...résultant de la perte de chance de subir le dommage ainsi que le principe de l'indemnisation par l'ONIAM de la part du dommage non réparée par le centre hospitalier, et a modifié certains des montants arrêtés par le tribunal ; que le centre hospitalier d'Issoire et la SHAM se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il met diverses sommes à leur charge ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...). / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / ... " ; qu'en application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence ; qu'il suit de là que la circonstance qu'un risque de décès ou d'invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient ; que, toutefois, en cas d'accident, le juge qui constate que le patient n'avait pas été informé du risque grave qui s'est réalisé doit notamment tenir compte, le cas échéant, du caractère exceptionnel de ce risque, ainsi que de l'information relative à des risques de gravité comparable qui a pu être dispensée à l'intéressé, pour déterminer la perte de chance qu'il a subie d'éviter l'accident en refusant l'accomplissement de l'acte ;
3. Considérant que, pour juger qu'un défaut d'information imputable au centre hospitalier d'Issoire avait fait perdre à Mme A...une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé, la cour administrative d'appel a retenu qu'il résultait de l'instruction, en particulier du rapport déposé le 30 juillet 2008 par l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Auvergne, que des paralysies transitoires pouvaient survenir à la suite d'anesthésies locales telles que celle pratiquée en l'espèce dans 0,1 % des cas et des paralysies définitives dans 0,02 à 0,03 % des cas ; que la cour en a déduit qu'alors même qu'ils ne se réalisaient qu'exceptionnellement, ces risques connus constituaient des risques graves normalement prévisibles au sens des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique et auraient dû, par suite, être portés à la connaissance de la patiente ; qu'il résulte de ce qui a été indiqué au point 2 qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en se déterminant par ce motif ; qu'elle n'a pas davantage entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ou d'une dénaturation des faits de l'espèce ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi du centre hospitalier d'Issoire et de la SHAM ne peut qu'être rejeté ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Issoire et de la SHAM, solidairement, la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 2 300 euros à verser à l'ONIAM au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du centre hospitalier d'Issoire et de la SHAM est rejeté.
Article 2 : Le centre hospitalier d'Issoire et la SHAM verseront solidairement la somme de 3 000 euros à M. et Mme A...et la somme de 2 300 euros à l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier d'Issoire, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à M. et MmeA..., au régime social des indépendants d'Auvergne et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.