Vu la procédure suivante :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions des 13 et 18 septembre 2012 par lesquelles le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le bénéfice d'une aide financière mensuelle pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à l'hôtel. Par un jugement n° 1208267 du 8 janvier 2013, le tribunal administratif de Montreuil a annulé ces décisions et enjoint au département de la Seine-Saint-Denis de procéder à un nouvel examen des droits de Mme A...au titre de l'aide à domicile dans un délai de quinze jours.
Par un arrêt n° 13VE00861 du 6 mai 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le département de la Seine-Saint-Denis contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 9 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Seine-Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 6 mai 2014 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du département de la Seine-Saint-Denis ;
1. Considérant que Mme B...A..., mère isolée de trois enfants nés en 1998, 1999 et 2008, a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions des 13 et 18 septembre 2012 par lesquelles le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a refusé de prolonger au-delà du 31 août 2012 le versement de l'aide financière mensuelle dont elle bénéficiait pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à l'hôtel ; que ce tribunal a fait droit à la demande de Mme A...par un jugement du 8 janvier 2013, confirmé par un arrêt du 6 mai 2014 de la cour administrative d'appel de Versailles ; que le département de la Seine-Saint-Denis se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 " ; qu'aux termes de l'article L. 345-1 du même code : " Bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " (....) les prestations d'aide sociale à l'enfance mentionnées au présent chapitre sont accordées par décision du président du conseil général du département où la demande est présentée " ; qu'aux termes de l'article L. 222-2 du même code : " L'aide à domicile est attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou, à défaut, à la personne qui assume la charge effective de l'enfant, lorsque la santé de celui-ci, sa sécurité, son entretien ou son éducation l'exigent et, pour les prestations financières, lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 222-3 de ce code : " L'aide à domicile comporte (...) : (...) le versement d'aides financières, effectué sous forme soit de secours exceptionnels, soit d'allocations mensuelles, à titre définitif ou sous condition de remboursement, éventuellement délivrés en espèces " ; qu'aux termes de l'article L. 222-4 du même code : " Les secours et allocations mensuelles d'aide à domicile sont incessibles et insaisissables. Toutefois, à la demande du bénéficiaire, ils peuvent être versés à toute personne temporairement chargée de l'enfant (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 222-5 du code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil général : (...) 4° Les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 121-7 et L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles que sont en principe à la charge de l'Etat les mesures d'aide sociale relatives à l'hébergement des familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, à l'exception des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin, notamment parce qu'elles sont sans domicile, d'un soutien matériel et psychologique, dont la prise en charge incombe au département au titre de l'aide sociale à l'enfance en vertu de l'article L. 222-5 du même code ; que, toutefois, cette compétence de l'Etat n'exclut pas l'intervention supplétive du département lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l'exigent, par des aides financières versées en application de l'article L. 222-3 précité du code de l'action sociale et des familles ; que, dès lors, et sans préjudice de la faculté qui lui est ouverte de rechercher la responsabilité de l'Etat en cas de carence avérée et prolongée, un département ne peut légalement refuser à une famille avec enfants l'octroi ou le maintien d'une aide entrant dans le champ de ses compétences, que la situation des enfants rendrait nécessaire, au seul motif qu'il incombe en principe à l'Etat d'assurer leur hébergement ; que lorsque, comme dans le cas d'espèce soumis aux juges du fond, un département a pris en charge, en urgence, les frais d'hébergement à l'hôtel d'une famille avec enfants, il ne peut, alors même qu'il appartient en principe à l'Etat de pourvoir à l'hébergement de cette famille, décider de cesser le versement de son aide sans avoir examiné la situation particulière de cette famille et s'être assuré que, en l'absence de mise en place, par l'Etat, de mesures d'hébergement ou de toute autre solution, cette interruption ne placera pas de nouveau les enfants dans une situation susceptible de menacer leur santé, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation, au sens des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles ; qu'il en résulte que la cour a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit ni d'insuffisance de motivation, juger que le refus opposé à Mme A...était illégal dès lors qu'il était motivé par la seule compétence de principe de l'Etat en matière d'hébergement d'urgence, sans qu'ait été prise en considération la situation des trois enfants mineurs de l'intéressée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qu'il attaque ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du département de la Seine-Saint-Denis est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de la Seine-Saint-Denis et à Mme B...A....
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.