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14/10/2015 | FRANCE | N°375592

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 14 octobre 2015, 375592


Vu la procédure suivante :

M. A...-C... B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'enjoindre à l'Etat, d'une part, de lui restituer les sommes qu'il avait versées, à concurrence de 54 680,58 euros, en exécution de divers actes valant poursuite qui lui avaient été décernés par l'administration fiscale postérieurement au jugement de clôture des opérations de liquidation judiciaire de son entreprise, d'autre part, d'assortir cette restitution du paiement des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 0902045 du 19 avril 2012, le tribunal administratif de Lille a re

jeté ses demandes.

Par un arrêt n° 12DA00972 du 10 décembre 2013, la ...

Vu la procédure suivante :

M. A...-C... B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'enjoindre à l'Etat, d'une part, de lui restituer les sommes qu'il avait versées, à concurrence de 54 680,58 euros, en exécution de divers actes valant poursuite qui lui avaient été décernés par l'administration fiscale postérieurement au jugement de clôture des opérations de liquidation judiciaire de son entreprise, d'autre part, d'assortir cette restitution du paiement des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 0902045 du 19 avril 2012, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 12DA00972 du 10 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel de M. B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire rectificatif et un mémoire en réplique enregistrés les 19 février, 15 mai, 16 mai et 14 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 12DA00972 du 10 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Douai ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce, notamment son article L. 622-32 ;

- la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. A...-luc B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...-C... B...a été notamment assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et à des rappels de taxe professionnelle, de taxe d'habitation et de taxes foncières, assortis de majorations, dont le recouvrement a été pris en charge par le trésorier du Touquet ; que ces créances fiscales ont été admises au passif de la liquidation de l'entreprise individuelle de l'intéressé ; que M. B...a fait l'objet, dans le cadre de cette dernière procédure, d'une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de dix ans, par un jugement du 23 décembre 1992 ; que la procédure de liquidation a été clôturée pour insuffisance d'actif le 27 février 2002 ; que M. B...a versé à la caisse du trésorier du Touquet, entre cette dernière date et le 4 juillet 2008, la somme totale de 54 680,58 euros en acomptes du paiement des impositions en cause ; qu'il en a demandé le remboursement à l'administration fiscale, au motif que ces impositions n'étaient pas exigibles, par une contestation introduite le 1er octobre 2008 et portée, sur le fondement de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, devant le juge de l'impôt, auquel il a demandé, en dernier lieu, d'assortir ce remboursement des intérêts prévus à l'article L. 208 du même livre ou, à défaut, des intérêts au taux légal ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la somme de 48 896,23 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2008, a été restituée par le Trésor public à M. B...au cours de la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de statuer sur les conclusions du pourvoi, en tant qu'elles tendent au remboursement de cette somme et au paiement de ces intérêts ; que le pourvoi conserve, toutefois, un objet en tant qu'il concerne le remboursement de la somme complémentaire de 5 784,35 € et le paiement de la différence entre les intérêts déjà versés à M. B... et ceux qui résulteraient de l'application, à chacun des acomptes, des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 déjà mentionné ou, à titre subsidiaire, des intérêts au taux légal courant à compter de leurs dates de versement ;

Sur le pourvoi :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des III et IV de l'article L. 622-32 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, il appartenait au comptable public chargé de recouvrer une créance fiscale admise au passif d'un débiteur placé en liquidation judiciaire et ayant fait l'objet d'une interdiction de diriger ou contrôler une entreprise commerciale de saisir, postérieurement à la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, le président du tribunal de commerce compétent afin que celui-ci constate qu'étaient réunies les conditions auxquelles cet article subordonnait la réouverture d'un droit de poursuite individuelle ; qu'à défaut, la créance en cause subsistait, sans pour autant être exigible ;

4. Considérant qu'il ressort de l'ensemble des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions présentées devant elle, la cour a estimé que les versements faisant l'objet de la contestation de M. B...procédaient d'un apurement spontané de sa dette fiscale par l'intéressé ; qu'en jugeant ainsi, sans rechercher, d'une part, si la dette fiscale ainsi acquittée était encore exigible, et, d'autre part, si le comptable public pouvait légalement mettre en oeuvre les actes de poursuite dont, ainsi qu'elle l'a relevé, il avait fait état auprès de la société avant qu'elle ne procède aux paiements en cause, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que M. B...est fondé pour ce motif à en demander l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Sur les conclusions de M. B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à M.B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi relatives au remboursement de la somme de 48 896,23 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2008.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 10 décembre 2013 est annulé, en tant qu'il statue sur la demande de remboursement de sommes et au paiement d'intérêts supérieurs à ceux qui sont mentionnés à l'article 1er.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation prononcée à l'article 2, à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...-C... B...et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 375592
Date de la décision : 14/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - CRÉANCES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - RECOUVREMENT - PROCÉDURE - CRÉANCE FISCALE ADMISE AU PASSIF D'UN DÉBITEUR PLACÉ EN LIQUIDATION JUDICIAIRE ET AYANT FAIT L'OBJET D'UNE INTERDICTION DE DIRIGER OU CONTRÔLER UNE ENTREPRISE COMMERCIALE - RÉOUVERTURE DU DROIT DE POURSUITE INDIVIDUELLE APRÈS LA CLÔTURE DE LA LIQUIDATION - OBLIGATION DU COMPTABLE PUBLIC DE SOLLICITER L'AUTORISATION DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE - EXISTENCE [RJ1].

18-03-02-01 En vertu des dispositions combinées des III et IV de l'article L. 622-32 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'article 169 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, il appartient au comptable public chargé de recouvrer une créance fiscale admise au passif d'un débiteur placé en liquidation judiciaire et ayant fait l'objet d'une interdiction de diriger ou contrôler une entreprise commerciale de saisir, postérieurement à la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, le président du tribunal de commerce compétent afin que celui-ci constate qu'étaient réunies les conditions auxquelles cet article subordonnait la réouverture d'un droit de poursuite individuelle. A défaut, la créance en cause subsistait, sans pour autant être exigible.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - CRÉANCE FISCALE ADMISE AU PASSIF D'UN DÉBITEUR PLACÉ EN LIQUIDATION JUDICIAIRE ET AYANT FAIT L'OBJET D'UNE INTERDICTION DE DIRIGER OU CONTRÔLER UNE ENTREPRISE COMMERCIALE - RÉOUVERTURE DU DROIT DE POURSUITE INDIVIDUELLE APRÈS LA CLÔTURE DE LA LIQUIDATION - OBLIGATION DU COMPTABLE PUBLIC DE SOLLICITER L'AUTORISATION DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE - EXISTENCE [RJ1].

19-01-05-01 En vertu des dispositions combinées des III et IV de l'article L. 622-32 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'article 169 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, il appartient au comptable public chargé de recouvrer une créance fiscale admise au passif d'un débiteur placé en liquidation judiciaire et ayant fait l'objet d'une interdiction de diriger ou contrôler une entreprise commerciale de saisir, postérieurement à la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, le président du tribunal de commerce compétent afin que celui-ci constate qu'étaient réunies les conditions auxquelles cet article subordonnait la réouverture d'un droit de poursuite individuelle. A défaut, la créance en cause subsistait, sans pour autant être exigible.


Références :

[RJ1]

Cf. Cass. com., 24 mars 2004, Société Holfinac et autres, n° 00-18.532, Bull. civ. IV n° 59, p. 61.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2015, n° 375592
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Villette
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375592.20151014
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