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24/06/2015 | FRANCE | N°368443

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 24 juin 2015, 368443


Vu la procédure suivante :

La société Financière Vespucci SCA a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 à 2005 dans les rôles de la Ville de Paris. Par un jugement n°0807420/1 du 20 juillet 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11PA04212 du 14 mars 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société AIG-FP Capital

Preservation Corp., venant aux droits de la société Financière Vespucci SCA, cont...

Vu la procédure suivante :

La société Financière Vespucci SCA a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 à 2005 dans les rôles de la Ville de Paris. Par un jugement n°0807420/1 du 20 juillet 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11PA04212 du 14 mars 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société AIG-FP Capital Preservation Corp., venant aux droits de la société Financière Vespucci SCA, contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mai 2013, 29 juillet 2013 et 23 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société AIG-FP Capital Preservation Corp. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bénabent, Jehannin, avocat de la société AIG-FP Capital Preservation Corp. ;

Vu la note en délibéré présentée par la société AIG-FP Capital Preservation Corp. ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Financière Vespucci SCA, qui avait pour objet statutaire la réalisation d'investissements sous la forme de souscription et d'achat de titres de créances émis par les émetteurs français et étrangers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2003 à 2005, à l'issue de laquelle l'administration l'a soumise à la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue par les dispositions de l'article 1647 E du code général des impôts, alors en vigueur ; que la société a contesté son assujettissement à cette taxe et a demandé la décharge des impositions et pénalités mises à sa charge ; que, par un jugement du 20 juillet 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par l'arrêt attaqué du 14 mars 2013, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement ;

Sur les moyens relatifs au principe de l'assujettissement à la taxe professionnelle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) " ; que permettent notamment de caractériser une activité professionnelle non salariée au sens de ces dispositions la régularité de l'activité et la mise et oeuvre de moyens matériels ou intellectuels ;

3. Considérant qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, d'une part, que le portefeuille de la société Financière Vespucci avait évolué en fonction d'une gestion active au cours des années d'imposition en litige et, d'autre part, que la société ne contestait pas que son activité de gestion de titres avait nécessité la présence de quatre salariés détachés par la banque AIG, la cour a jugé que, compte tenu de sa régularité et des moyens humains dont elle avait nécessité la mise en oeuvre, son activité devait être regardée comme une activité professionnelle au sens des dispositions précitées ; qu'en se fondant sur ces éléments pour en déduire que la société Financière Vespucci était passible de la taxe professionnelle, la cour n'a pas entaché son arrêt, qui est suffisamment motivé, d'une erreur de droit ;

4. Considérant que si la cour a relevé que la société Financière Vespucci devait, au surplus, être regardée comme ayant exercé son activité notamment pour le compte de la société AIG Matched Funding Corp. et de la banque AIG Londres, il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que ces motifs présentent un caractère surabondant ; que, par suite, les moyens d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation invoqués à leur encontre doivent être écartés comme inopérants ;

Sur les moyens relatifs à l'assujettissement à la cotisation minimum de taxe professionnelle :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, alors en vigueur : " I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, le chiffre d'affaires s'entend du montant hors taxes des recettes réalisées par le redevable dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante ; que font, dès lors, partie du chiffre d'affaires des sociétés ayant pour activité la gestion de valeurs mobilières les produits financiers qu'elles tirent de cette activité ; que c'est, par suite, sans erreur de droit que la cour a jugé, par une motivation suffisante, que l'administration avait pu, à bon droit, inclure les produits financiers de la société requérante dans le chiffre d'affaires à retenir pour apprécier si elle devait être soumise à la cotisation minimale de taxe professionnelle ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la société s'est prévalue, devant la cour, de la décision de rescrit publiée par la direction générale des impôts le 6 septembre 2005 aux termes de laquelle " il n'est pas tenu compte de la production stockée, des produits financiers sauf dans les cas où la réglementation particulière propre à certains secteurs d'activité le prévoit (...)" ; que, toutefois, l'interprétation donnée par l'administration dans cette décision a été publiée postérieurement à la date à laquelle le contribuable peut être réputé en avoir fait application, c'est-à-dire la date limite impartie pour souscrire la déclaration de ses bases d'imposition, soit en l'espèce les 1er mai 2002, 2003 et 2004 ; que la société ne pouvait, dès lors, utilement s'en prévaloir à l'encontre des impositions contestées ; que ce motif, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait et justifie le dispositif de l'arrêt attaqué, doit être substitué au motif, contesté par le pourvoi, par lequel la cour a jugé que la décision de rescrit en cause ne comportait pas d'interprétation de la loi différente de celle dont il a été fait application ;

7. Considérant, enfin, que la société ne pouvait se prévaloir, pour contester les impositions en litige, des énonciations contenues dans l'instruction 4-L-2-00 du 21 février 2000, laquelle est relative non à la taxe professionnelle mais à l'imposition forfaitaire annuelle ; que ce motif, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné retenu par la cour, tiré de ce que cette instruction serait postérieure aux années d'imposition en litige ;

Sur les moyens relatifs au calcul de la valeur ajoutée :

8. Considérant qu'aux termes du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, auquel renvoyait l'article 1647 E précité du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : "1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...) / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre :/ D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. (..) 3. La production des établissements de crédit, des entreprises ayant pour activité exclusive la gestion des valeurs mobilières est égale à la différence entre : / D'une part, les produits d'exploitation bancaires et produits accessoires ;/ Et, d'autre part, les charges d'exploitation bancaires (...) " ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, qui est de tenir compte de la capacité contributive des entreprises en fonction de leur activité, les entreprises ayant pour activité exclusive la gestion de valeurs mobilières ne s'entendent, pour leur application, que des seules entreprises qui exercent cette activité pour leur propre compte ;

9. Considérant que, dès lors qu'il résulte des termes de l'arrêt attaqué que la cour a estimé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la société Financière Vespucci exerçait une activité de gestion de valeurs mobilières pour son propre compte, elle a pu en déduire, sans erreur de droit, que sa production devait être déterminée en application des dispositions précitées du 3 du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts qui, contrairement à ce que soutient la société requérante, ne s'appliquent pas exclusivement aux entreprises soumises aux normes comptables applicables aux établissements de crédit ; que la circonstance que la cour ait indiqué que la société Financière Vespucci devait, au surplus, être regardée comme ayant exercé son activité notamment pour le compte de la société AIG Matched Funding Corp. et de la banque AIG Londres est sans incidence sur le bien-fondé de son arrêt, dès lors que ce motif présente, comme il a été dit au point 4, un caractère surabondant ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AIG-FP Capital Preservation Corp. n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société AIG-FP Capital Preservation Corp est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société AIG-FP Capital Preservation Corp. et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 368443
Date de la décision : 24/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES) - DOCTRINE NON INVOCABLE À RAISON DE SA DATE - MOTIF SUBSTITUÉ EN CASSATION AU MOTIF RETENU PAR LES JUGES DU FOND - OBLIGATION DE COMMUNIQUER UN MOP (ART - 611-7 DU CJA) - ABSENCE.

19-01-01-03 Lorsque le juge de cassation oppose à un pourvoi, par substitution de motifs, le motif tiré de ce que la doctrine fiscale invoquée devant les juges du fond ne pouvait être invoquée en raison de sa date, il n'est pas tenu d'en informer préalablement les parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative (CJA), relatif à la communication des moyens d'ordre public (MOP).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - REQUÊTES AU CONSEIL D'ETAT - RECOURS EN CASSATION - POUVOIRS DU JUGE DE CASSATION - SUBSTITUTION DE MOTIFS EN CASSATION - MOTIF TIRÉ DE CE QUE LA DOCTRINE FISCALE N'EST PAS INVOCABLE À RAISON DE SA DATE - OBLIGATION DE COMMUNIQUER UN MOP (ART - 611-7 DU CJA) - ABSENCE.

19-02-045-01-03 Lorsque le juge de cassation oppose à un pourvoi, par substitution de motifs, le motif tiré de ce que la doctrine fiscale invoquée devant les juges du fond ne pouvait être invoquée en raison de sa date, il n'est pas tenu d'en informer préalablement les parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative (CJA), relatif à la communication des moyens d'ordre public (MOP).

PROCÉDURE - INSTRUCTION - CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE - COMMUNICATION DES MOYENS D'ORDRE PUBLIC - SUBSTITUTION DE MOTIFS EN CASSATION - MOTIF TIRÉ DE CE QUE LA DOCTRINE FISCALE N'EST PAS INVOCABLE À RAISON DE SA DATE - OBLIGATION DE COMMUNIQUER UN MOP (ART - 611-7 DU CJA) - ABSENCE.

54-04-03-02 Lorsque le juge de cassation oppose à un pourvoi, par substitution de motifs, le motif tiré de ce que la doctrine fiscale invoquée devant les juges du fond ne pouvait être invoquée en raison de sa date, il n'est pas tenu d'en informer préalablement les parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative (CJA), relatif à la communication des moyens d'ordre public (MOP).

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - POUVOIRS DU JUGE DE CASSATION - MOTIF TIRÉ DE CE QUE LA DOCTRINE FISCALE N'EST PAS INVOCABLE À RAISON DE SA DATE - OBLIGATION DE COMMUNIQUER UN MOP (ART - 611-7 DU CJA) - ABSENCE.

54-08-02-03-015 Lorsque le juge de cassation oppose à un pourvoi, par substitution de motifs, le motif tiré de ce que la doctrine fiscale invoquée devant les juges du fond ne pouvait être invoquée en raison de sa date, il n'est pas tenu d'en informer préalablement les parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative (CJA), relatif à la communication des moyens d'ordre public (MOP).


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2015, n° 368443
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BENABENT, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:368443.20150624
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