Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Fathy X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la lettre du 5 novembre 2003 que lui a adressé la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel faite à Strasbourg le 28 janvier 1981 et publiée par le décret n° 85-1203 du 15 novembre 1985 ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Laurence Herry, Auditeur,
- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés :
Considérant que M. X, gérant de la société en cours de formation Infobail, a adressé le 9 avril 2003 à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (C.N.I.L.) une déclaration de traitement de données personnelles mis en oeuvre dans le cadre d'un site internet ayant pour finalité la collecte et la diffusion d'informations relatives à des locataires potentiels mauvais payeurs et la constitution d'un fichier de locataires auteurs d'impayés locatifs ; qu'il demande l'annulation de la lettre du 5 novembre 2003 par laquelle le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés l'a informé, dès lors que le dossier déposé était complet en la forme, de la délivrance du récépissé prévu à l'article 15 de loi du 6 janvier 1978 tout en lui indiquant que certaines caractéristiques du traitement envisagé étaient contraires aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et étaient de nature, dans le cas où le traitement ferait l'objet d'une mise en oeuvre effective sans que les modifications évoquées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés aient été apportées, à exposer l'intéressé à des sanctions pénales ; que cette lettre, dans laquelle la commission indique qu'elle envisage de faire application des dispositions du 4° de l'article 21 de la loi du 6 janvier 1978 qui lui permet d'adresser aux intéressés des avertissements et de dénoncer au parquet les infractions dont elle a connaissance, constitue, contrairement à ce que soutient en défense la commission, une mise en demeure susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que M. X, en sa qualité de gérant de la société Infobail en cours de formation, justifie, alors même que cette société ne serait pas encore immatriculée au registre du commerce, d'un intérêt à contester cette décision ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés doivent être écartées ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel signée à Strasbourg le 28 janvier 1981, dont la ratification a été autorisée par la loi du 19 octobre 1982, publiée au Journal officiel le 20 novembre 1985 : Les données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement automatisé sont :... c) adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées ; qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 : Aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil de la personnalité de l'intéressé ; que l'article 26 de cette loi dispose : Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des raisons légitimes, à ce que les informations nominatives la concernant fassent l'objet d'un traitement ; que l'article 29 prescrit que : Toute personne ordonnant ou effectuant un traitement d'informations nominatives s'engage de ce fait, vis-à-vis des personnes concernées, à prendre toutes précautions utiles afin de préserver la sécurité des informations et notamment d'empêcher qu'elles ne soient déformées, endommagées ou communiquées à des tiers non autorisés ; qu'aux termes de l'article 30 de cette même loi : Sauf dispositions législatives contraires, les juridictions et autorités publiques agissant dans le cadre de leurs attributions légales ainsi que, sur avis conforme de la commission nationale, les personnes morales gérant un service public peuvent seules procéder au traitement automatisé des informations nominatives concernant les infractions, condamnations ou mesures de sûreté ;
Considérant que l'article 21 de la loi de 6 janvier 1978 dispose enfin que : Pour exercer sa mission de contrôle, la commission :... 4° adresse aux intéressés des avertissements et dénonce au parquet les infractions dont elle a connaissance, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale de l'informatique et des libertés a, dans une lettre du 15 juillet 2003, notamment attiré l'attention de M. X sur le fait qu'il était nécessaire que l'inscription dans le fichier qu'il envisageait de créer devait être précédée d'un préavis portant mise en demeure du débiteur et fixant un délai à l'issue duquel l'inscription serait définitive, que les personnes concernées devaient être préalablement informées des destinataires des informations traitées et de la finalité de la transmission par l'insertion d'une clause claire et explicite dans le bail d'habitation ; que seuls les incidents de paiement caractérisés, non contestés et dépassant un certain seuil, devaient faire l'objet d'une inscription, que la durée de conservation des données ne devait pas être excessive et que les personnes concernées devaient être informées de l'identité des bailleurs ayant procédé à son inscription et de ceux ayant interrogé la base ; que M. X a modifié son projet en conséquence ; que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, par la décision attaquée du 5 novembre 2003, a également demandé au requérant de ne pas mettre en ligne sur le réseau internet d'informations relatives aux condamnations, civiles ou pénales, dès lors que la diffusion de telles informations serait contraire à l'article 30 de la loi du 6 janvier 1978, dont la violation est pénalement sanctionnée, et lui a signalé que la diffusion des informations relatives aux impayés locatifs à des propriétaires immobiliers qui n'ont pas la qualité de professionnels de l'immobilier n'est pas de nature à assurer le respect du principe de sectorisation, c'est-à-dire de limitation de l'accès au secteur d'activité concerné, et à empêcher le détournement de la finalité du fichier ; que M. X conteste ces deux observations en tant qu'elles résulteraient d'une interprétation trop restrictive des stipulations conventionnelles et des dispositions légales rappelées ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte des textes précités qu'il appartenait à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de vérifier dans quelle mesure les données que le gestionnaire du fichier se proposait de collecter étaient pertinentes, en adéquation avec la finalité du traitement et proportionnées à cette finalité, et de rappeler le cas échéant les risques de nature pénale auxquels l'auteur de la déclaration s'exposerait s'il mettait en oeuvre son projet en l'état ;
Considérant que la Commission nationale de l'informatique et des libertés n'a pas méconnu les dispositions précitées en estimant que l'article 30 de la loi du 6 janvier 1978, dont le champ inclut les informations nominatives concernant les condamnations civiles ou pénales, faisait obstacle à la diffusion par voie électronique d'informations nominatives relatives à des jugements ayant prononcé la condamnation d'un débiteur au paiement d'une créance locative ;
Considérant, enfin, qu'en relevant que la diffusion des informations relatives aux impayés locatifs à des propriétaires immobiliers qui n'ont pas la qualité de professionnels de l'immobilier n'était pas de nature à assurer le respect du principe de sectorisation des fichiers et à empêcher le détournement de sa finalité, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a entendu réserver la collecte, l'accès et l'utilisation des données contenues dans le fichier infobail à des personnes morales présentant des garanties de professionnalisme telles que les propriétaires institutionnels, les agences immobilières et les administrateurs de biens ; qu'eu égard aux risques de discrimination et d'atteinte à la vie privée que comporte la diffusion, par l'intermédiaire du réseau internet, de fichiers automatisés recensant les personnes à risques, une telle préconisation n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Fathy X et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.