Vu la requête, enregistrée le 2 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT, dont le siège est Immeuble Arenice 455, Promenade des Anglais à Nice cedex 3 (06299) ; la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'ordonnance du 15 juillet 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté, sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 24 avril 2002 par lequel le maire de la commune de Saint-Jean Cap Ferrat a transféré au profit de la SNC Villa Saint-Jean le permis de construire qui avait été délivré le 9 août 2001 à la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT ;
2°) suspende l'arrêté du 24 avril 2002 du maire de Saint-Jean Cap Ferrat ;
3°) condamne la SNC Villa Saint-Jean et la commune de Saint-Jean Cap Ferrat à lui verser chacune la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 7 février 2003 présentée pour la SNC Villa Saint-Jean ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT, de la SCP Garaud-Gaschignard, avocat de la SNC Villa Saint-Jean et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Saint-Jean Cap Ferrat,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale./ Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 522-3 du même code : "Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable, ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée, sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1" ; qu'aux termes de l'article L. 523-1 : "Les décisions rendues en application des articles L. 521-1, L. 521-3, L. 521-4 et L. 522-3 sont rendues en dernier ressort. Les décisions rendues en application de l'article L. 521-2 sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat dans les quinze jours de leur notification (...)" ;
Considérant que pour exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés dispose des deux procédures prévues respectivement aux articles L. 522-1 et L. 522-3 du même code ; que la procédure prévue à l'article L. 522-1 est caractérisée à la fois par une instruction contradictoire entre les parties, engagée par la communication de la demande au défendeur, et par une audience publique ; que la procédure prévue à l'article L. 522-3, qui ne peut être utilisée que s'il apparaît au vu de la demande que celle-ci encourt un rejet pour l'une des raisons énoncées par cet article, ne comporte ni cette communication ni cette audience ; que ces deux procédures sont distinctes ; qu'au demeurant, dans le cas où la demande est présentée sur le fondement de l'article L. 521-2, les voies de recours diffèrent selon que la procédure suivie est celle de l'article L. 522-1 ou celle de l'article L. 522-3 ; qu'il suit de là que lorsque, au vu de la demande dont il était saisi, le juge des référés a estimé qu'il y avait lieu, non de la rejeter en l'état pour l'une des raisons mentionnées à l'article L. 522-3, mais d'engager la procédure de l'article L. 522-1, il lui incombe de poursuivre cette procédure et, notamment, de tenir une audience publique ;
Considérant que, saisi par la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT d'une demande de suspension présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, après avoir, dans les conditions prévues à l'article L. 522-1, fixé la date d'une audience publique et communiqué la requête au défendeur, a, aussitôt après avoir reçu un mémoire en défense, annulé l'audience qu'il avait convoquée et, en se fondant sur l'article L. 522-3, rejeté la demande comme manifestement infondée ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée a été prise à la suite d'une procédure irrégulière et doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que, le 29 novembre 2000, une promesse de vente relative à un terrain a été consentie pour un an à la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT ; que par une stipulation de ce contrat, cette société donnait son accord pour que, s'il n'était pas donné suite à cette promesse, le permis de construire qu'elle aurait pu obtenir pour ce terrain soit transféré au propriétaire ; qu'un permis lui a été délivré le 9 août 2001 par le maire de Saint-Jean Cap Ferrat ; que toutefois la promesse, n'ayant pas été levée, le terrain fut vendu le 30 novembre 2001 à la SNC Villa Saint-Jean ; que la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT a contesté devant le juge civil, d'une part, les conditions dans lesquelles elle aurait été empêchée de lever la promesse de vente et, d'autre part, la validité de la vente du 30 novembre 2001 ; qu'elle a par ailleurs informé le maire, le 12 décembre 2001, qu'elle s'opposait au transfert du permis de construire du 9 août 2001 ; qu'à la suite de l'intervention de l'arrêté du 24 avril 2002 prononçant ce transfert, elle a saisi le tribunal administratif de Nice de conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté et demandé au juge des référés de ce tribunal d'en suspendre l'exécution ;
Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que le transfert du permis de construire a été prononcé bien que le bénéficiaire initial du permis ait fait connaître au maire qu'il revenait sur l'autorisation de principe contenue dans la promesse de vente du 29 novembre 2000 paraît, en l'état de l'instruction, - et à l'exclusion des autres moyens présentés -propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 24 avril 2002 ;
Considérant, d'autre part, que l'exécution de l'arrêté transférant le permis autorise le nouveau bénéficiaire à utiliser les droits attachés aux plans annexés à la demande de permis présentée par le premier bénéficiaire, lequel reste par ailleurs solidairement tenu au paiement de la taxe locale d'équipement ; qu'en outre des contentieux judiciaires pendants visent à déterminer les droits respectifs des deux sociétés à construire sur le terrain ; qu'ainsi l'exécution de l'arrêté est de nature à préjudicier aux intérêts de la société requérante dans des conditions constituant une situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;
Considérant, dès lors, qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 avril 2002 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamnée à payer à la commune de Saint-Jean Cap Ferrat et à la SNC Villa Saint-Jean la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant, par ailleurs qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Saint-Jean Cap Ferrat à verser à la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT la somme de 1 500 euros que celle-ci demande au titre des mêmes frais ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner la SNC Villa Saint-Jean à payer à la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT la somme qu'elle demande sur le même fondement ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en date du 15 juillet 2002 est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du maire de Saint-Jean Cap Ferrat en date du 24 avril 2002 est suspendue.
Article 3 : La commune de Saint-Jean Cap Ferrat est condamnée à verser la somme de 1 500 euros à la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT au titre des frais qu'elle a exposés. Le surplus des conclusions de cette société est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Jean Cap Ferrat et la SNC Villa Saint-Jean sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LES BELLES DEMEURES DU CAP FERRAT, à la commune de Saint-Jean Cap Ferrat, à la SNC Villa Saint-Jean et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.