Vu le recours, enregistré le 9 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1 à 3 de l'arrêt du 12 décembre 2000 par lesquels la cour administrative d'appel de Douai, réformant le jugement du 26 mars 1998 du tribunal administratif de Lille, a accordé à la SARL Ghesquière Equipement la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles l'intéressée a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1990 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Bereyziat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SARL Ghesquière Equipement,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Ghesquière Equipement, qui exerce une activité de représentation commerciale en matériels industriels, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre des années 1990 à 1993 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le service a estimé que les créances correspondant aux commissions dues à la société en contrepartie de ses diligences devaient être portées à l'actif de son bilan dès l'accomplissement des diligences en cause et non, comme le pratiquait la société, lors de l'encaissement de ces commissions ; qu'ainsi les résultats déclarés par la société au titre de chacun des exercices vérifiés ont été rehaussés de la totalité des créances afférentes aux commissions non encore comptabilisées mais que l'administration jugeait acquises à la date de clôture de ces exercices ; que, par voie de correction symétrique, les commissions encaissées au cours des exercices clos en 1991 et 1992, mais dont le montant devait être rattaché à l'un des exercices antérieurs non prescrits, ont été déduites des bénéfices imposables au titre des exercices 1991 et 1992 ; que, toutefois, l'administration fiscale a refusé de déduire du bénéfice imposable pour 1990, premier exercice non prescrit, les commissions perçues au cours de cette dernière année mais dont le fait générateur les rattachait à un exercice prescrit ; que, par voie de conséquence, la SARL Ghesquière Equipement a, d'une part, été assujettie à un supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1990, assorti de pénalités, d'autre part, fait l'objet de dégrèvements de cet impôt au titre des exercices 1991 et 1992 ; que, par un jugement du 26 mars 1998, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande en décharge dirigée par la société contre le supplément d'imposition ainsi établi ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre les articles 1 à 3 de l'arrêt du 12 décembre 2000 par lesquels la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit aux conclusions subsidiaires de l'appel interjeté par la SARL Ghesquière Equipement, a prononcé la réduction de ce supplément ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net imposable est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que la cour a jugé, par un motif non contesté de son arrêt, que l'administration fiscale pouvait légalement corriger, dans l'exercice de son droit de reprise et pour l'application de l'article 38-2 du code général des impôts, l'erreur comptable entachant le bilan clos par la SARL Ghesquière Equipement le 31 décembre 1990 et ayant consisté à omettre, dans le décompte des produits imposables de l'exercice, les commissions acquises par la société en contrepartie de prestations alors achevées mais dont le prix n'avait pas encore été encaissé ; que, par une appréciation des faits de l'espèce qui n'est pas contestée en cassation, la cour a en outre jugé constant que la société avait, au prix d'une erreur comptable non délibérée identique à celle dont la correction fondait le redressement litigieux, omis d'inscrire à l'actif des bilans de clôture des exercices antérieurs les créances qu'elle détenait sur ses clients et qui étaient devenues certaines dans leur principe et dans leur montant au cours de ces exercices mais dont l'encaissement était intervenu en 1990 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en se fondant sur ces motifs pour retrancher ces créances, par voie de correction symétrique, de la base d'imposition de la société contribuable au titre de l'exercice 1990 et prononcer, dans cette mesure, la réduction du supplément d'impôt sur les sociétés mis à la charge de l'intéressée, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que si le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient avoir fait valoir, devant la cour, que les exercices antérieurs à 1990 étaient couverts par la prescription édictée aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales, cette circonstance est, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sans incidence sur ce point ; qu'enfin le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ne peut utilement contester le motif surabondant de l'arrêt par lequel la cour a cru devoir fonder cette réduction sur les dispositions du livre des procédures fiscales ouvrant aux contribuables un droit de compensation ; que, par suite, le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ne peut qu'être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 100 euros au titre des frais exposés par la SARL Ghesquière Equipement devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat paiera à la SARL Ghesquière Equipement une somme de 2 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la SARL Ghesquière Equipement.