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08/12/2000 | FRANCE | N°198372

France | France, Conseil d'État, 5 / 7 ssr, 08 décembre 2000, 198372


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet 1998 et 1er décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 4 juin 1998 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens lui a infligé la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pendant deux mois et demi ;
2°) de condamner le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens à lui verser la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 1

0 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convent...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet 1998 et 1er décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 4 juin 1998 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens lui a infligé la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pendant deux mois et demi ;
2°) de condamner le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens à lui verser la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Falque-Pierrotin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Y... et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ( ...)" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 537 du code de la santé publique alors en vigueur : "Le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est composé de : ( ...) Le chef du service central de la pharmacie ou un inspecteur de la pharmacie représentant le ministre de la santé publique et de la population" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la plainte contre M. Y... a été introduite devant l'Ordre des pharmaciens par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Normandie, fonctionnaire placé sous l'autorité du ministre chargé de la santé, d'autre part, que le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens siégeant en matière disciplinaire lors de sa séance du 4 juin 1998 pour examiner en appel l'affaire introduite sur cette plainte comprenait notamment Mme X..., pharmacien-inspecteur général représentant le ministre ; qu'ainsi, et alors même que Mme X... ne siégeait qu'avec voix consultative, M. Y... est fondé à soutenir qu'il a été porté atteinte à l'équité du procès en méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est, par suite, fondé à demander l'annulation de la décision du 4 juin 1998 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens lui a infligé une peine de deux mois et demi d'interdiction d'exercer la profession de pharmacien ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens qui, n'ayant pas été partie en appel et n'ayant été appelé en la cause que pour produire des observations, n'est pas partie à la présente instance, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 4 juin 1998 du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Article 3 : Les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques Y..., au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 5 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 198372
Date de la décision : 08/12/2000
Sens de l'arrêt : Annulation renvoi
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT A UN PROCES EQUITABLE (ART - 6) - VIOLATION - CAExistence - Saisine de l'Ordre des pharmaciens par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales alors que siège en formation disciplinaire un représentant du ministre.

26-055-01-06-02, 55-04-01-01 Lorsqu'une plainte introduite devant l'ordre des pharmaciens par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales, qui est un fonctionnaire placé sous l'autorité du ministre chargé de la santé, est jugée par le conseil national de l'ordre des pharmaciens statuant en matière disciplinaire dans une formation incluant, avec voix consultative, un pharmacien-inspecteur général représentant le ministre, il est porté atteinte à l'équité du procès et les stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnues.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCEDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - CAJugement par l'ordre des pharmaciens d'une plainte du directeur régional des affaires sanitaires et sociales dans une formation disciplinaire comprenant un représentant du ministre - Droit au procès équitable (article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) - Méconnaissance - Existence.


Références :

Code de la santé publique L537
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2000, n° 198372
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Falque-Pierrotin
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:198372.20001208
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