Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 février 1993 et 22 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Daniel Z..., demeurant ..., Jean-Pierre Z..., demeurant ..., Mme Claude Z..., épouse A..., demeurant ..., Mme Catherine Z..., épouse Y..., demeurant ..., Mme Brigitte Z..., épouse B..., demeurant ..., 1000 02, Mutuelleville, à Tunis (Tunisie) et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule :
1°) le jugement en date du 10 juillet 1992, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté, d'une part, leur requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 1989 par lequel le ministre de la culture et de la communication a accordé à M. C... une licence temporaire d'entrepreneur de spectacles de deuxième catégorie, d'autre part, leur requête tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 1991 par laquelle le même ministre a refusé l'autorisation de désaffecter et de démolir la salle de spectacles Bataclan, enfin, leur requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 1991 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a inscrit sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques la façade et la toiture de l'ancien caféconcert Le Bataclan, ainsi que la façade et la toiture du retour sur le passage Saint-Pierre Amelot à Paris ;
2°) l'arrêté du ministre de la culture du 19 juillet 1989 accordant à M. C... une licence temporaire d'entrepreneur de spectacles de deuxième catégorie, la décision du 15 mai 1991 par laquelle le ministre de la culture a refusé l'autorisation de désaffecter et de démolir la salle de spectacles du "Bataclan" et l'arrêté du 11 mars 1991 d'inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques pris par le préfet de la région Ile-de-France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 ensemble les textes qui l'ont modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 ;
Vu le décret n° 45-2357 du 13 octobre 1945 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat des CONSORTS Z... et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Elie C...,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 19 juillet 1989 du ministre de la culture :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, dans sa rédaction alors applicable : "Les règles relatives à la délivrance et au retrait de la licence d'exploitation d'entreprise de spectacles sont les suivantes ... c) La licence est personnelle et incessible. Nul n'est admis à diriger, soit directement, soit par personne interposée, une entreprise de spectacles s'il n'est personnellement muni de la licence ... f) Pour la licence définitive, le candidat doit présenter des titres professionnels qui seront précisés dans le règlement d'administration publique prévu ci-après et s'il désire diriger une entreprise de spectacles de la deuxième catégorie (théâtres fixes), il doit être titulaire du bail de la salle ou possesseur d'une promesse de bail ; g) Une licence temporaire peut être délivrée pour une durée de deux ans renouvelable par un nouvel arrêté ...à un candidat ne remplissant ni la condition de nationalité prévue à l'article 4 ..., ni les conditions professionnelles prévues à l'alinéa précédent ou ne répondant pas à l'une ou l'autre de ces exigences. A compter de la fin de la deuxième année, l'intéressé peut demander une licence définitive sans remplir la condition de nationalité susrappelée ..." ; qu'il résulte des dispositions précitées que si, pour la délivrance d'une licence temporaire de deux ans, les conditions de nationalité et les conditions professionnelles exigées pour la délivrance d'une licence définitive ne sont pas requises pour la personne désirant diriger une entreprise de spectacles de la deuxième catégorie, l'obligation d'être titulaire d'un bail ne peut davantage s'appliquer aux demandes de licence temporaire ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Paris a estimé qu'une licence temporaire d'entrepreneur de spectacles de deuxième catégorie avait pu légalement être délivrée par le ministre de la culture à M. C..., Président-directeur-général de la société d'exploitation desthéâtres Bataclan, par arrêté du 19 juillet 1989, alors même que le bail de la salle n'aurait pas été renouvelé au profit de M. C... en 1987 ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des pièces du dossier qu'eu égard aux caractéristiques de la salle de spectacle du Bataclan et à l'activité théâtrale du Bataclan au cours des saisons précédant la décision litigieuse, l'entreprise de spectacle exploitée par la société des théâtres du Bataclan doit être regardée comme pouvant être classée dans la catégorie des théâtres fixes ; que par suite, le ministre n'a pas fait une fausse application des dispositions susvisées en classant l'entreprise de spectacles pour laquelle M. C... sollicitait la licence temporaire susmentionnée, dans la salle du Bataclan, en 2ème catégorie (théâtres fixes) au sens de l'article 1er, 2°, de l'ordonnance du 13 octobre 1945 ; que les requérants ne sont par suite pas fondés à soutenir que ce classement serait erroné et entacherait la légalité de la licence délivrée par l'arrêté ministériel attaqué à M. C... ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 11 mars 1991 :
Considérant qu'aux termes du 4ème alinéa de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1913 modifiée : "Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par arrêté du préfet de région, sur un inventaire supplémentaire" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la façade et la toiture de l'ancien café-concert "Le Bataclan" situés boulevard Voltaire et passage Amelot à Paris 11ème, constituent le dernier témoignage de l'oeuvre de l'architecte Charles X..., spécialiste de l'architecture du spectacle sous Napoléon III ; qu'en dépit des modifications intervenues depuis son édification en 1864 et notamment des transformations réalisées au début des années 50, le bâtiment continue, par ses volumes et ses caractéristiques, de témoigner de son ancienne destination ; qu'ainsi il présente un intérêt d'art et d'histoire suffisant pour en justifier l'inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, en application des dispositions précitées ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la décision d'inscription serait contraire à l'intérêt général, dès lors que l'état de l'immeuble et la fragilité de la société exploitante mettraient en péril la pérénnité de la salle de spectacle, contrairement au projet immobilier présenté par les requérants, est inopérant ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant que la décision portant inscription d'un immeuble sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques n'a pas pour effet de porter par elle-même atteinte au droit de propriété ; que par suite, les requérants ne sont pas fondés à invoquer la violation des dispositions du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 15 mai 1991 :
Considérant, en premier lieu, que le classement en deuxième catégorie de l'entreprise de spectacles du Bataclan n'étant, comme il a été dit ci-dessus, pas illégal, les requérants ne sont pas fondés à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision ministérielle du 15 mai 1991 refusant l'autorisation de désaffecter la salle et de la démolir ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette salle continue de présenter ainsi qu'il a été dit ci-dessus un intérêt artistique et architectural suffisant ; que c'est par suite sans méconnaître l'article 2, deuxième , de l'ordonnance précitée du 13 octobre 1945 que le ministre, par la décision attaquée, a pu leur refuser l'autorisation de désaffecter la salle et de démolir l'immeuble ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts Z... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 1989 du ministre de la culture, de la décision du 15 mai 1991 du ministre de la culture et de l'arrêté du 11 mars 1991 du préfet de la région Ile-de-France ;
Article 1er : La requête des consorts Z... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel Z..., Jean-Pierre Z..., à Mmes Claude Z..., épouse A..., Catherine Z... épouse Y... et Brigitte Z..., épouse B..., à M. Elie C... et au ministre de la culture et de la communication.