Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, tiré de la violation des articles 22 de l'ordonnance du 22 février 1945, modifiée, 1142 et suivants du Code civil, 23 du livre 1er du Code du travail, 1er livre II du même code, ensemble violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale ;
Attendu qu'il résulte, des constatations du jugement attaqué, que X..., ingénieur, depuis le 8 avril 1930, au service de la Compagnie Industrielle des Téléphones dite C.I.T., a été compris, en raison des notes "partiales" qui lui ont été attribuées, dans un licenciement collectif, pour compression de personnel, et congédié le 14 janvier 1948 avec dispense d'assurer son préavis, malgré le refus d'assentiment du comité d'entreprise, dont il était membre, et le refus d'autorisation de l'inspecteur du Travail ; qu'il a alors demandé, le 16 mars 1948, la condamnation de son employeur au payement d'une somme de 48.750 francs pour salaires et indemnités représentatives et sa réintégration, sous astreinte de 2.000 francs par jour de retard, au Conseil des Prud"hommes, qui, sur itératif défaut, a accueilli sa requête, réserve lui étant donnée de tous ses droits en vue d'une demande ultérieure en dommages-intérêts ; que, sur appel, le Tribunal civil de la Seine, tout en constatant que le licenciement de ce salarié était "irrégulier et abusif", a décidé qu'il ne pouvait y avoir lieu à réintégration, que le contrat de travail a continué à exister jusqu'au 16 mars 1948, date à laquelle ledit salarié a saisi le Conseil des Prud"hommes de sa demande, et qu'il a droit à ses salaires jusqu'à cette date et à des dommages-intérêts à raison du licenciement abusif dont il a été l'objet, qu'il était enfin donné acte à X... de la réserve de ses autres droits, et, notamment, de celui de demander des dommages-intérêts pour la rupture abusive de son contrat de travail ;
Attendu que, dans sa première branche, le pourvoi fait grief au jugement attaqué d'avoir refusé la réintégration d'un salarié, licencié irrégulièrement et abusivement, alors que le congé, qui a été ainsi donné, est nul, faute d'avoir obtenu les avis favorables imposés par l'article 22 de l'ordonnance susvisée, et que, dès lors, le contrat de travail subsistant, ce salarié avait droit à sa réintégration et non pas seulement à des dommages-intérêts ;
Mais attendu que l'obligation de réintégrer constitue une obligation de faire, dont l'inexécution ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages-intérêts, aux termes de l'article 1142 du Code civil ; D'où il suit que par ce motif de pur droit, substitué à ceux fournis par le jugement attaqué et qui justifient son dispositif, la première branche du moyen n'est pas fondée ;
PAR CES MOTIFS ; REJETTE la première branche du moyen ;
Mais sur la deuxième branche du moyen : Vu l'article 7 de la loi du 20 avril 1810 ;
Attendu que, pour décider que le contrat de travail n'a subsisté que jusqu'au 16 mars 1948, le jugement attaqué se fonde sur cet unique motif que c'est à cette date que le Conseil des Prud"hommes a été saisi par X... de la demande introduite contre son employeur pour qu'il soit statué sur les conséquences de son congédiement ;
Mais attendu que la juridiction prud"homale n'aurait pu mettre fin au contrat de travail, liant les parties, que si elle avait été saisie d'une demande en résolution judiciaire dudit contrat par application de l'article 1184 du Code civil, aux termes duquel la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties n'a pas satisfait à ses engagements ; Attendu, dès lors, que le contrat de travail subsistait, d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, le jugement attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS : CASSE, mais seulement du chef qui a décidé que le contrat de travail a pris fin au 16 mars 1948, date à laquelle le Conseil des Prud"hommes a été saisi par X... de sa demande, le jugement du Tribunal civil de la Seine.