LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. Michel X..., domicilié ...,
contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2006 par la cour d'appel de Versailles, dans le litige l'opposant au Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est 19 boulevard des Italiens, 75002 Paris,
défenderesse à la cassation ;
M. X... s'est pourvu en cassation contre un arrêt de la cour d'appel de Paris (18e chambre, section D) en date du 17 septembre 2002 ;
Cet arrêt a été cassé partiellement le 8 mars 2005 par la chambre sociale de la Cour de cassation ;
La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Versailles qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 11 octobre 2006 dans le même sens que la cour d'appel de Paris par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;
Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, M. le premier président a, par ordonnance du 30 mai 2007, renvoyé la cause et les parties devant l'assemblée plénière ;
Le demandeur invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Laugier et Caston, avocat de M. X... ;
Un mémoire en défense et des observations complémentaires ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat du Crédit lyonnais ;
Un mémoire en réplique a été déposé par la SCP Laugier et Caston ;
Le rapport écrit de Mme Bellamy, conseiller, et l'avis écrit de M. Allix, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 23 novembre 2007 où étaient présents : M. Lamanda, premier président, MM. Cotte, Weber, Mmes Favre, Collomp, MM. Bargue, Gillet, présidents, Mme Bellamy, conseiller rapporteur, MM. Joly, Peyrat, Lesueur de Givry, Mmes Garnier, Mazars, MM. Palisse, Pluyette, Gueudet, Mme Perony, M. Gérard, Mme Bardy, conseillers, M. Allix, avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de Mme Bellamy, conseiller, assistée de Mme Zylberberg, auditeur au service de documentation et d'études, les observations de la SCP Laugier et Caston, de la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, l'avis de M. Allix, avocat général, auquel les parties invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 26, 26-2, 27-2 et 28 de la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000 ;
Attendu qu'une indemnité conventionnelle de licenciement est versée au salarié en cas de licenciement pour motif non disciplinaire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, (Soc. 8 mars 2005, n° 02-46.618 et 01-44.752), qu'employé par la société Crédit lyonnais, M. X... a fait l'objet d'une mise à la retraite qualifiée, par arrêt du 17 septembre 2002, de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il a demandé à bénéficier de cette indemnité conventionnelle ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande, l'arrêt retient qu'il résulte de la combinaison des articles 26 et 26-2 de la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000 que les rédacteurs et signataires de cette convention n'ont entendu, en cas de licenciement pour motif non disciplinaire, accorder le bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article 26-2 qu'aux salariés licenciés pour insuffisance professionnelle ou incapacité physique et relève qu'il n'est ni allégué, ni établi, que la véritable cause de la rupture est une insuffisance professionnelle de M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était irrévocablement jugé que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui lui ouvrait droit au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, laquelle n'est exclue qu'en cas de licenciement pour motif disciplinaire ou en raison d'une condamnation pour crime ou délit touchant à l'honneur ou à la probité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Crédit lyonnais et la condamne à payer 2 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du trente novembre deux mille sept.
Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour M. X... ;
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE l'article 26.2 de la convention collective de la banque du 10 janvier 2000 énonce que tout salarié licencié en application de l'article 26 comptant au moins un an d'ancienneté bénéficie d'une indemnité de licenciement, puis précise les modalités de cette indemnité ; qu'aux termes de l'article 26 : "avant d'engager la procédure de licenciement, l'employeur doit avoir considéré toutes les solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l'insuffisance résulte d'une mauvaise adaptation de l'intéressé à ses fonctions ; le licenciement pour motif non disciplinaire est fondé sur un motif objectif et établi d'insuffisance professionnelle ; sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, l'état de santé d'un salarié ne peut en tant que tel constituer la cause justifiant le licenciement" ; qu'il résulte clairement de la combinaison de ces articles de la convention collective que les rédacteurs et signataires de la convention collective n'ont entendu, en cas de licenciement pour motif non disciplinaire, accorder le bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 26-2 qu'aux salariés licenciés pour insuffisance professionnelle ou incapacité physique ; que le juge ne saurait étendre l'application de ces dispositions au-delà de la convention collective en reconnaissant un droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement à des salariés licenciés pour des causes autres que celles limitativement énumérées ; qu'antérieurement à l'arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2002, invoqué par le salarié, il a été jugé par la haute juridiction, qu'il résulte des articles 58 et 48 de la convention collective nationale de travail de personnel des banques du 20 août 1952 à laquelle s'est substituée la convention du 10 janvier 2000, que l'indemnité de licenciement prévue par ces textes n'était versée qu'en cas de licenciement pour insuffisance physique, intellectuelle ou professionnelle ou pour suppression d'emploi ; que les articles 26 et 26-2 de la convention collective du 10 janvier 2000, sauf le motif de suppression d'emploi qui relève désormais des dispositions concernant le licenciement pour motif économique, reprenant, sous une rédaction quelque peu différente, les dispositions des articles 58 et 48 de la convention collective antérieure, les partenaires sociaux n'ont manifestement pas voulu étendre le bénéfice de l'indemnité aux licenciements prononcés pour des causes autres que prévues par les dispositions conventionnelles ; que n'étant ni allégué, ni établi que la véritable cause de la rupture était une insuffisance professionnelle de M. X..., ce dernier sera en conséquence débouté de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
1°) ALORS QUE le salarié d'un établissement bancaire, ayant fait l'objet d'un licenciement réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse, a droit au bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement devant être servie en cas de rupture pour motif non disciplinaire ; qu'en décidant que M. X... ne pouvait prétendre à l'indemnité conventionnelle prévue à l'article 26 au motif que les rédacteurs et signataires de la convention collective n'avaient entendu, en cas de licenciement pour motif non disciplinaire, accorder le bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 26-2 qu'aux salariés licenciés pour insuffisance professionnelle ou incapacité physique, que le juge ne saurait étendre l'application de ces dispositions au delà des prévisions de la convention collective et qu'il n'était ni allégué, ni établi que la véritable cause de la rupture était une insuffisance professionnelle de M. X..., l'arrêt attaqué a violé les articles 26 et 26-2 de la Convention collective nationale de la Banque ;
2°) ALORS QUE le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et définitivement jugé comme tel, ne peut faire l'objet d'une quelconque restitution en vue d'une recherche du véritable motif de licenciement ; qu'aussi bien, l'arrêt attaqué, en déboutant M. X... de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement, en retenant qu'il n'alléguait, ni ne prouvait que la cause de la rupture était liée à une insuffisance professionnelle, quand l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 septembre 2002 avait jugé que le licenciement de l'intéressé était sans cause réelle et sérieuse, a méconnu la chose jugée par cet arrêt et a violé l'article 1351 du code civil ;
3°) ALORS QUE tout salarié d'un établissement bancaire, relevant de la Convention collective des banques, a droit, en cas de licenciement non disciplinaire, au versement d'une indemnité conventionnelle de licenciement telle que prévue par l'article 26-2 de ladite convention collective ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, en limitant le versement de cette indemnité au seul cas où le licenciement serait prononcé pour un motif non disciplinaire d'insuffisance professionnelle et en retenant que tel n'était pas le cas du licenciement de M. X..., a violé par fausse application les articles 26 et 26-2 de la Convention collective nationale de la Banque ;