Vu l'arrêt en date du 3 juin 2003 par lequel la Cour de céans a, avant de statuer sur les demandes de M. et Mme Y... tendant à la condamnation du centre hospitalier de Lille à leur verser une provision de 58 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident ophtalmologique subi par leur fils le 11 mars 1997 et de celles de la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque, ordonné une expertise pour déterminer le préjudice subi par l'enfant et notamment de dire si l'amblyopie, l'hypermétropie, l'astigmatisme, le ptôsis et l'obligation de porter des lunettes ont un lien de cause à effet avec l'accident dont il s'agit ;
Vu le rapport d'expertise déposé au greffe de la Cour le 24 février 2005 ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2005, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque, qui conclut à la condamnation du centre hospitalier de Lille à lui verser la somme de 745,99 euros au titre du remboursement des débours exposés au profit de la victime ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 juin 2005, présenté pour M et Mme , agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur Pierre-Emmanuel ; ils concluent à la condamnation du centre hospitalier régional de Lille à leur verser une indemnité de
11 000 euros au titre de la réparation des préjudices subis et la somme de 762,25 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent qu'au vu de la nouvelle expertise l'imputabilité des lésions de l'enfant à la brûlure subie le 11 mars 1997 ne fait pas de doute ; qu'il y a lieu de réévaluer l'indemnité sollicitée au titre des troubles dans les conditions de l'enfant à la somme de 5 600 euros, notamment en raison de l'astigmatisme et du ptôsis dont il est atteint ; que le préjudice esthétique justifie une allocation de 3 000 euros ; que les souffrances physiques endurées seront évaluées à la somme de 1 500 euros ; que les souffrances psychologiques subies justifient une indemnisation de 1 000 euros ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 juin 2005, présenté pour le centre hospitalier régional universitaire de Lille, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ; il soutient que l'astigmatisme dont est atteint le jeune Pierre-Emmanuel et son suivi ophtalmique sont sans lien de causalité avec la brûlure ; que les troubles dans ses conditions d'existence ne sauraient être évalués à la somme de 5 600 euros ; que l'expert ne mentionne pas l'existence d'une sècheresse ; qu'il conviendra, en revanche, de prendre en compte le préjudice esthétique de l'enfant résultant de son ptôsis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2005, à laquelle siégeaient
M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;
- les observations de Me X... pour M. et Mme et le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur l'appel principal de M et Mme :
Considérant que l'enfant Pierre-Emmanuel , alors âgé d'un mois, a été victime, au centre hospitalier régional de Lille, le 11 mars 1997, d'une brûlure cornéenne, particulièrement sévère à l'oeil gauche, par instillation d'un produit chimique destiné à la stérilisation du petit matériel optique à la place du collyre préparatoire à l'examen du fond de l'oeil ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur Y, qu'une brûlure cornéo-conjectivale entraîne une fermeture des paupières ; qu'ainsi, le ptôsis dont est atteint l'oeil gauche de l'enfant doit être imputé à l'accident ophtalmologique dont il s'agit ; que l'amblyopie dont souffre l'enfant, qui ne peut être, en l'espèce, d'ordre congénital, doit être regardée également comme étant la conséquence de la brûlure cornéenne subie, qui a enlevé à la victime, déjà sujet à des facteurs biométriques supérieurs à ceux de l'autre oeil, toute chance d'amélioration de son acuité visuelle aujourd'hui limitée à 3/10ème à l'oeil gauche alors que l'oeil droit bénéficie d'une acuité visuelle de 9/10ème ; qu'en l'absence de toute précision sur les causes et les formes d'aggravation possibles de l'état de santé de la victime, les séquelles précitées dont reste atteinte celle-ci doivent être considérées comme étant consolidées au 30 juin 1999, ainsi que l'indique l'expert ; que la victime subit depuis l'accident des troubles dans ses conditions d'existence, liés au ptôsis et à la perte de chance de ne pas subir la baisse de l'acuité visuelle de son oeil gauche ; qu' il y a lieu de fixer le montant de la réparation de ce préjudice, comprenant en outre les contraintes quotidiennes que le port de lunette obligatoire peut créer chez un jeune enfant, à la somme de 5 600 euros (36 733,59 francs) demandée par les époux ; que le jugement doit être réformé en ce sens ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte ni de l'expertise déposée devant la Cour, ni de celles produites en première instance, que l'hypermétropie, qui chez un jeune enfant ne constitue pas un stigmate de l'amblyopie, et l'astigmatisme très léger du jeune Pierre-Emmanuel ont été provoqués par l'instillation du produit en cause ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu l'indemnisation des préjudices résultant de ces handicaps ;
Considérant, enfin, que les souffrances psychologiques que subirait l'enfant lors des consultations en ophtalmologie, rendues nécessaires à la suite de l'accident dont il s'agit, ne sont pas établies ; que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du pretium doloris et du préjudice esthétique de la victime, qui ne saurait inclure celui qui résulterait de l'obligation de porter des lunettes, en fixant le montant de leur réparation à la somme de 2 439,18 euros (16 000 francs) ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas recevable à contester le jugement attaqué qui lui a donné entière satisfaction en condamnant le centre hospitalier de Lille à lui verser la somme de 745,99 euros (4 893, 35 francs) ;
Sur les conclusions du centre hospitalier de Lille :
Considérant que les conclusions du centre hospitalier de Lille à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque doivent être regardées comme un appel provoqué par l'appel principal de M et Mme ; que le présent arrêt aggravant la situation de l'établissement hospitalier, l'appel de ce dernier est recevable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise de M. Z, que la surveillance ophtalmologique bi-annuelle du jeune est justifiée jusqu'à l'âge de sept ans ; que, dès lors, la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque n'était pas fondée à faire état de frais de consultations postérieures à cet âge ; que, par suite, le centre hospitalier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamné à verser à l'organisme de sécurité sociale une indemnité correspondant à des frais futurs éventuels ; qu'il y a lieu de limiter le remboursement des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque à la somme de 340,98 euros (2 236,69 francs) ; que le jugement doit être réformé en ce sens ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 460 euros par ordonnance du président de la Cour en date du 7 mars 2005 doivent être mis à la charge du centre hospitalier de Lille ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de condamner le centre hospitalier de Lille, qui n'est pas, dans la présente instance vis à vis de l'Etat, la partie perdante, à verser à celui-ci la somme de 762,25 euros demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'indemnité de 2 439,18 euros que le centre hospitalier de Lille a été condamné à verser à M et Mme par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 9 décembre 1999 est portée à la somme de 8 039,18 euros.
Article 2 : L'indemnité de 745,99 euros que le centre hospitalier de Lille a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque par l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 9 décembre 1999 est ramenée à la somme de 340,98 euros.
Article 3 : les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 460 euros par ordonnance du président de la Cour en date du 7 mars 2005 sont mis à la charge du centre hospitalier de Lille.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque sont rejetés.
Article 5 : le jugement du Tribunal administratif de Lille susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt .
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y... , à la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque, au centre hospitalier de Lille et au MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES.
Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.
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N°00DA00256