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03/12/2014 | FRANCE | N°13-24397

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 décembre 2014, 13-24397


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., prétendant avoir travaillé pour le compte de M. Sylvestre Y... du 12 mai 2005 au 20 juillet 2007 sans contrat de travail écrit, en qualité d'aide à domicile et de garde de nuit, sans être payé et avoir fait l'objet d'un licenciement verbal, a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir une indemnisation pour licenciement abusif, un rappel de salaire et des indemnités de fin de contrat ; que par jugement du 29 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-

Pitre, retenant l'existence d'un contrat de travail et considé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., prétendant avoir travaillé pour le compte de M. Sylvestre Y... du 12 mai 2005 au 20 juillet 2007 sans contrat de travail écrit, en qualité d'aide à domicile et de garde de nuit, sans être payé et avoir fait l'objet d'un licenciement verbal, a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir une indemnisation pour licenciement abusif, un rappel de salaire et des indemnités de fin de contrat ; que par jugement du 29 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, retenant l'existence d'un contrat de travail et considérant que la rupture des relations contractuelles s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné M. Y... représenté par sa tutrice Mme Brune Y..., à payer à M. X... diverses sommes ; que M. X... a formé appel du jugement ; que par arrêt réputé contradictoire rendu le 17 juin 2013 en l'absence de comparution de M. Y... et de sa tutrice, la cour d'appel a infirmé le jugement et statuant à nouveau, a débouté M. X... de toutes ses demandes ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 562 du code de procédure civile ;
Attendu que les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son appel en l'absence d'un appel incident ;
Attendu que pour dire qu'il n'y a pas de contrat de travail et, en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes de M. X..., l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, que lorsque l'intimé ne comparait pas, la cour ne fait droit aux demandes de l'appelant, que si elle les estime régulières, recevables et bien fondées ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... avait demandé la confirmation du jugement en ce qu'il avait déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deux autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il n'y avait pas de contrat de travail et d'avoir en conséquence débouté Monsieur X... de l'ensemble des prétentions qu'il avait formulées sur ce fondement.
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, que lorsque l'intimé ne comparait pas, la cour ne fait droit aux demandes de l'appelant, que si elle les estime régulières, recevables et bien fondées. M. X... invoque à l'appui de ses demandes l'existence d'un contrat de travail, M. Sylvestre Y... étant selon lui débiteur de salaires pour le travail accompli. Le lien de subordination, élément essentiel du contrat de travail, est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Par ailleurs l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité. Il résulte des pièces versées aux débats les éléments suivants. Selon certificat médical du 18 mai 2005, du Docteur A... de Port-Louis, l'état de santé de M. Sylvestre Y..., grabataire, nécessitait d'urgence la présence d'une aide à domicile. Par ordonnance du 31 mars 2006, le juge des tutelles désignait M. Achille B... en qualité de mandataire spécial. Sur recours formé par Mme Brune Y..., fille de M. Sylvestre Y..., le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, par jugement du 7 juin 2007, confiait la tutelle à Mme Brune Y..., au motif que si la vacance de la tutelle avait été constatée par le juge des tutelles, c'était parce qu'aucun membre de sa famille n'était disponible pour s'occuper de lui et qu'en tout état de cause il y avait lieu de prendre acte de la volonté de sa fille de le prendre en charge, ce d'autant que les conditions de sa prise en charge en Guadeloupe semblaient problématiques du fait de la présence perturbatrice de M. X.... Par divers courriers, M. X... s'était plaint auprès du juge des tutelles de ne recevoir que 500 euros par mois pour l'entretien de M. Sylvestre Y..., de ne pas recevoir de rémunération et de ne pas être remboursé des sommes qu'il avançait. Dans l'un de ses courriers, M. X... précisait que lorsque le découvert autorisé de la banque était dépassé, il devait prendre dans ses économies pour faire face à la situation. Il se plaignait également que le mandataire le traitait de « clandestin ». Des bulletins de salaire étaient délivrés par l'UDAF pour la période du l novembre 2006 au 31 mai 2007. Le 20 juillet 2007, Mme Brune Y... prenait en charge son père à son domicile et déchargeait M. X... de toute prestation. Compte tenu de l'état de santé de M. Sylvestre Y..., déjà grabataire en mai 2005, comme cela a été constaté par certificat médical du Docteur A... de Port-Louis, et de son placement sous sauvegarde de justice dès le 15 novembre 2005, on peut sérieusement douter de la capacité de celui-ci à contracter un engagement en qualité d'employeur à l'égard de M. X.... Certes Mme Brune Y..., qui était domicilié à Villiers le Bel dans le Val d'Oise, a rédigé des attestations notamment en date du 12 février 2007, selon lesquelles elle attestait que M. X... assumait la charge de son père, mais il ne résulte d'aucune des pièces du dossier qu'en tant qu'employeur elle ait engagé M. X.... Ces attestations qui constatent une situation de fait, sont d'ailleurs bien postérieures au début de l'intervention de M. X... auprès de M. Sylvestre Y.... S'il est produit un document portant le cachet du Conseil Général et la date du 5 avril 2006, intitulé « déclaration d'une allocation personnalisée d'autonomie », sur lequel figure l'identité de M. X... en qualité de salarié, il n'apparaît nullement l'identité du déclarant, seule la mention « tutrice » figure à l'emplacement prévu pour la signature du document, étant rappelé que Mme Brune Y... n'a été nommé tutrice de son père que par jugement du 7 juin 2007, aucune signature n'apparaissant sur ce document. L'examen de l'ensemble des documents produits par M. X... ne fait nullement apparaître, qu'il était soumis à un lien de subordination quelconque à l'égard de M. Sylvestre Y..., ou de son mandataire spécial, ou de sa tutrice. Dans un courrier du 29 avril 2006 adressé à Mme Brune Y..., il conteste les accusations de celle-ci qui lui aurait reproché « de bouffer l'argent » de son père. Il prévenait qu'A partir du 12 mai 2006 il ne voulait plus s'occuper du " papi " s'il ne touchait pas de l'argent pour subvenir à ses besoins, précisant qu'il ne partirait pas de la maison du « papi » tant qu'il ne serait pas payé. Certes à la suite des revendications répétées de M. X..., l'UDAF a fini par établir des bulletins de paie justifiant le versement d'un salaire net de 303, 64 euros, alors qu'il résulte des courriers émanant de M. X... qu'il lui était versé 500 euros par mois par le mandataire spécial, puis par l'UDAF, ces bulletins de salaire ne peuvent à eux seuls caractériser l'existence d'un lien de subordination, ni d'un contrat de travail. Malgré ses revendications financières répétées dont il faisait part tant à Mme Brune Y... qu'au juge des tutelles, M. X... a poursuivi sa prestation auprès de M. Sylvestre Y... pendant plus de 2 ans, Mme Brune Y... y mettant fin dès qu'elle a été désignée tutrice. Si les prestations fournies par M. X... peuvent au mieux s'apparenter à la gestion d'affaires telle que prévue par l'article 1372 du Code civil, elles ne peuvent en aucun cas être considérées comme des prestations de travail salarié, M. X... ayant pris l'initiative de son intervention auprès de M. Sylvestre Y... et ayant agi à sa guise, sans aucune demande, ni instruction, ni contrôle de qui que ce soit. En conséquence en l'absence de contrat travail il ne peut être fait droit aux demandes de paiement d'arriérés de salaire et d'indemnités de licenciement formées par M. X....
ALORS QUE la cour ne peut aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel et en l'absence d'appel incident de l'intimé ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes avait dit que la rupture des relations s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué à Monsieur X... des sommes en conséquence ; que Monsieur X... a fait appel de ce jugement en demandant confirmation du jugement en ce qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et réformation sur le quantum alloué ; que les intimés n'ont pas interjeté appel de ce jugement ; qu'en conséquence, la cour d'appel, qui n'était pas saisie de la qualification des relations contractuelles ne pouvait infirmer ce chef du jugement et aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel ; qu'en déboutant néanmoins Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, elle a violé l'article 562 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il n'y avait pas de contrat de travail et d'avoir en conséquence débouté Monsieur X... de l'ensemble des prétentions qu'il avait formulées sur ce fondement.
AUX MOTIFS énoncés au premier moyen ALORS QUE le juge doit faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, en l'absence de défendeurs, la cour d'appel a relevé d'office la question tirée de l'absence d'un lien de subordination ; qu'en déboutant Monsieur X... en se fondant sur l'absence de lien de subordination sans l'inviter à conclure sur cette question qu'elle avait relevée d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
ET ALORS ENCORE QUE le juge doit faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, Monsieur X... avait fondé ses demandes exclusivement sur le contrat de travail ; que la cour d'appel, retenant l'absence de contrat de travail, ne s'est pas déclarée incompétente, mais l'a débouté de ses demandes ; que si en l'absence de contrat de travail, elle estimait que le conseil de prud'hommes était incompétent, elle était néanmoins juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estimait compétente, de sorte qu'en vertu de l'article 79 du code de procédure civile, il lui appartenait en ce cas de statuer au fond, ce qu'elle ne pouvait faire sans ouvrir les débats et inviter Monsieur X... à conclure ou à tout le moins à présenter ses observations sur un autre fondement que le contrat de travail ; qu'en déboutant Monsieur X... au fond sans l'inviter à conclure, elle a violé l'article 16 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(encore plus subsidiaire)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il n'y avait pas de contrat de travail et d'avoir en conséquence débouté Monsieur X... de l'ensemble des prétentions qu'il avait formulées sur ce fondement.
AUX MOTIFS énoncés au premier moyen ALORS QU'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui en invoque le caractère fictif d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'UDAF a établi des bulletins de paie justifiant le versement d'un salaire ; qu'elle a également constaté la production d'un document émanant du Conseil Général sur lequel Monsieur X... figurait comme salarié ; qu'en ne déduisant pas de ces faits l'existence d'un contrat de travail apparent, elle a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.
ET ALORS ENCORE QU'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui en invoque le caractère fictif d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, l'apparence d'un contrat de travail découlait de la production de sept bulletins de paie et d'un document émanant du Conseil Général sur lequel Monsieur X... figurait comme salarié ; qu'en rejetant cependant sa demande au motif que l'examen de l'ensemble des documents produits par Monsieur X... ne faisait nullement apparaître qu'il était soumis à un lien de subordination, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.
ET ALORS AUSSI QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que la cour d'appel a exclu l'existence d'un contrat de travail au motif d'une part que Monsieur Y... étant déjà grabataire en mai 2005, on pouvait douter de sa capacité à contracter un engagement en qualité d'employeur et d'autre part qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que Madame Y..., en tant qu'employeur, ait engagé Monsieur X... ; qu'en statuant ainsi sans se référer aux conditions de fait dans lesquelles l'activité de Monsieur X... était exercée, elle a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 12 du code de procédure civile.
ALORS ENFIN QUE les juges ne sauraient dénaturer les pièces qui leur sont soumises ; que Monsieur X... présentait une attestation de Madame Y... datant de 2007, par laquelle elle lui donnait « tous pouvoirs - dans tous prises de décisions médicaux et administratifs concernant Monsieur Y... Sylvestre » ; que dans une autre attestation du 5 décembre 2005, la même Madame Y... certifiait que Monsieur X... assumait la charge de son père ; que la cour d'appel, pour dire que Monsieur X... n'apportait pas la preuve d'un contrat de travail, a affirmé qu'il a pris l'initiative de son intervention et agi sans aucune demande ni instruction de qui que ce soit ; qu'en statuant ainsi, elle a dénaturé le sens clair et précis de l'attestation et violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-24397
Date de la décision : 03/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Basse-Terre, 17 juin 2013, 11/01748

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 17 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 déc. 2014, pourvoi n°13-24397


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.24397
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