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26/05/2010 | FRANCE | N°08-44995

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mai 2010, 08-44995


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 novembre 2009), que Mme X... a été engagée le 3 septembre 1984 en qualité d'éducatrice spécialisée par l'association Jeunesse et Grand parc ; qu'elle a été promue chef des services éducatifs en 1990 ; que l'association a fusionné avec d'autres associations pour créer l'Union Bordeaux Nord des associations de prévention spécialisée (l'Ubaps) à compter du 1er janvier 2001 ; qu'invoquant une modification unilatérale de ses fonctions Ã

  la suite de la fusion, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 novembre 2009), que Mme X... a été engagée le 3 septembre 1984 en qualité d'éducatrice spécialisée par l'association Jeunesse et Grand parc ; qu'elle a été promue chef des services éducatifs en 1990 ; que l'association a fusionné avec d'autres associations pour créer l'Union Bordeaux Nord des associations de prévention spécialisée (l'Ubaps) à compter du 1er janvier 2001 ; qu'invoquant une modification unilatérale de ses fonctions à la suite de la fusion, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 5 novembre 2001 et a saisi la juridiction prud'homale de demandes à caractère salarial et indemnitaire ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné l'Ubaps au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que la création d'un échelon intermédiaire entre le salarié et son supérieur hiérarchique n'entraîne pas en soi une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance que la salariée ne travaillait plus en contact direct avec le conseil d'administration mais avec le directeur dont le poste situé à un échelon intermédiaire entre celui de la salariée et les instances dirigeantes avait été créé, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'existence d'une modification des fonctions d'un salarié ne peut résulter que d'une comparaison entre celles exercées avant et celles exercées après la modification alléguée ; qu'en affirmant que le contenu des fonctions de la salariée aurait été modifié, sans indiquer de quelle (s) attribution (s) la salariée aurait été privée après l'intégration de l'association, qu'elle dirigeait en fait, dans une nouvelle structure au sein de laquelle la salariée devait conserver son titre de chef de service et sa rémunération, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°/ que le juge doit préciser les éléments de preuve sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en l'espèce, était seulement produit aux débats un courrier du 7 juin 2000 évoquant une proposition faite à la salariée d'occuper un poste de directeur adjoint si les instances de contrôle autorisaient la création de ce poste ; que la cour d'appel a constaté que le poste n'avait pas été créé ; qu'en retenant que l'employeur aurait «promis» ce poste à la salariée, sans à aucun moment préciser de quel élément de preuve elle tirait une telle affirmation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ la salariée faisait seulement grief à son employeur de ne pas lui avoir attribué un poste de directeur adjoint au sein de la nouvelle association ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas justifier des critères l'ayant conduit à décider de l'attribution à un autre salarié du poste de directeur, motifs tout à fait inopérants à caractériser la prétendue privation de la salariée de ses fonctions de directrice adjointe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
5°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant, d'une part, qu'«en réalité, la salariée assumait la direction de l'association» (arrêt page 4, paragraphes 10 et 11) et, d'autre part, que «la salariée ne pouvait se targuer du titre et du statut de directrice» (arrêt, page 5, avant-dernier paragraphe), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les manquements de l'employeur invoqués à l'appui de sa décision soient d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible la poursuite des relations contractuelles ; qu'en déduisant en l'espèce le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée de la seule circonstance que les manquements invoqués à l'encontre de l'employeur pour justifier sa décision seraient fondés, sans aucunement caractériser la condition de gravité suffisante indispensable pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur la seule circonstance de la création d'un échelon hiérarchique supplémentaire entre la salariée et la direction, a retenu, sans contradiction, que si Mme X... n'avait ni le titre ni le statut de directeur, elle assumait en réalité la direction de l'association Jeunesse et Grand parc, dont elle dirigeait l'équipe, et que ses nouvelles fonctions de chef de service d'une équipe éducative de base, sous l'autorité du directeur de l'Ubaps, créée après la fusion, la privaient des attributions de gestion qu'elle exerçait auparavant; qu'elle a pu déduire de ces seuls motifs que le contrat de travail de la salariée, dont les responsabilités avaient été diminuées, avait été modifié, de sorte que sa prise d'acte de la rupture était justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Union Bordeaux Nord des associations de prévention spécialisée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association Union Bordeaux Nord des associations de prévention spécialisée
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné l'UBAPS à payer à Madame X... au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse diverses sommes et ordonné le remboursement aux organismes concernés par l'UBAPS des indemnités chômage versées pour le compte de Madame X... dans la limite de trois mois ;
AUX MOTIFS QUE : «Pour débouter Madame X... de ses réclamations, le premier juge a considéré que l'association dans laquelle elle travaillait avant la fusion comptait moins de dix salariés et qu'elle ne pouvait prétendre au statut de directrice.Après la fusion de ces associations, le premier juge a considéré que Madame X... n'a pas vu modifier ses attributions et qu'elle avait été pressentie pour occuper un poste de directrice adjointe.Il a analysé avec précision les correspondances échangées entre les parties et il a déduit que les fonctions de Madame X... n'avaient pas été modifiées, n'étant pas allégué une diminution de sa rémunération.Il a rejeté la demande de Madame X..., faute d'un comportement fautif de la part de l'employeur.Madame X..., titulaire du diplôme d'éducatrice spécialisée, est devenue par contrat en date du 1er décembre 1990, chef de service éducatif, et il ressort de sa fiche de poste qu'elle était directement sous la subordination du président du conseil d'administration et qu'en réalité, elle assumait la direction de l'association.La lecture des divers procès-verbaux de réunions du conseil d'administration sur les années 1990 à 2000 démontre que Madame X... dirigeait l'équipe de l'association Jeunesse et Grand Parc.Cette réalité est confirmée par plusieurs attestations de collègues ou de partenaires de l'association Jeunesse et Grand Parc.Courant 2000, des opérations de fusion intervenaient entre trois petites associations dont celle où travaillait Madame X... et, le 7 juin 2000, le président de l'association Jeunesse et Grand Parc a adressé un courrier à Madame X... lui proposant un poste de directeur adjoint.Par courrier du 16 juin 2000, elle formulait un certain nombre d'interrogations.Par la suite, des correspondances ont été échangées entre le nouveau président de l'UBAPS et Madame X... sur son statut exact, l'UBAPS rappelant qu'il y avait une instance de concertation et finalement, le 12 juillet 2001, il lui était adressé une nouvelle fiche de fonction de chef de service et elle avait la responsabilité d'une équipe éducative de base et elle faisait partie de l'équipe de direction de l'UBAPS sous la responsabilité du directeur.Par courrier du 31 juillet 2001, Madame X... rappelait à son employeur que compte tenu des atteintes portées à son statut, elle estimait que l'UBAPS devait se situer sur le terrain de la modification du contrat pour motif économique.Le 4 octobre 2001, il lui était rappelé qu'il n'y avait aucune modification de ses fonctions puisqu'elle demeurait chef de service.Il est constant qu'après l'avenant n° 265 de la convention collective, entré en vigueur au 1er septembre 2000, Madame X... ne pouvait revendiquer qu'une classification de chef de service, la structure étant inférieure à 10 salariés.A partir du 1er janvier 2001, date du transfert de son contrat de travail, Madame X... qui bénéficiait d'après son contrat d'origine et de sa fiche de fonction d'une délégation de pouvoir et qui par ailleurs était titulaire d'un diplôme supérieur de troisième cycle, se retrouvait dans une structure dont le nombre de salariés était supérieur à 10 ; elle en déduit qu'elle devait conserver un statut de directeur du premier groupe.La lecture des documents produits et notamment des certificats de travail de Madame X... démontrent que son contrat de travail a été transféré à l'UBAPS le 1er janvier 2001.Il n'est pas sérieusement contesté par l'UBAPS qu'elle n'a pas eu un poste de directrice puisque dans un premier temps elle devait être positionnée comme directrice adjointe puis dans un deuxième temps, en raison de contraintes budgétaires, ce poste n'ayant pu être créé elle a été classée comme chef de service.Il ressort de la lecture des procès-verbaux de conseil d'administration et des courriers échangés que l'UBAPS a eu à réorganiser la direction de l'association créée puisqu'elle se trouvait avec trois directeurs potentiels. Il apparait que Monsieur Z... a immédiatement été pressenti comme devant être le directeur de l'UBAPS et tant les écritures de l'intimée que les documents produits ne permettent pas de décider sur quel critère cette désignation a été faite, si ce n'est qu'il était le dirigeant d'une des associations fusionnées.Si Madame X... ne pouvait se targuer du titre et du statut de directrice, il n'en demeure pas moins alors qu'elle était chef de service déléguée à la tête d'une petite structure, ne dépendant que du conseil d'administration, elle a été placée sous l'autorité d'un directeur qui était auparavant son égal, après qu'on lui ait promis un poste de directeur adjoint qui n'a finalement pas pu se mettre en place.Si effectivement Madame X... conservait son titre de chef de service ainsi que sa rémunération, puisque sa prime de responsabilité était remplacée par une autre indemnité, il n'en demeure pas moins établi qu'il était porté atteinte au contenu de ses fonctions puisqu'elle était privée de tout ce rôle de gestion ‘en direct' avec le conseil d'administration. Dès lors, il était clair que la fusion de son association avec d'autres pour créer l'UBAPS était de nature à entraîner une modification de son contrat de travail.L'UBAPS soutenant que les compétences professionnelles de Madame X... n'étaient pas en cause, aurait dû, en réalité, si elle estimait que le poste de directeur devait revenir à une autre personne, proposer à Madame X... une modification de son contrat de travail et en cas de refus de cette dernière, procéder à un licenciement pour motif économique puisque manifestement, la nouvelle structure ne pouvait supporter plusieurs salariés chargés d'une délégation directe du conseil d'administration.Manifestement, l'UBAPS a, ainsi que le révèle la lecture des pièces du dossier, cherché à résoudre à l'amiable la difficulté que posait le statut de Madame X... et a entretenu une situation équivoque sur les fonctions exactes de Madame X... et en portant donc atteinte à son contrat de travail, a bien eu une attitude fautive qui justifie que Madame X... ait pris acte de la rupture de son contrat de travail.Le jugement sera réformé sur ce point».

1. ALORS QUE la création d'un échelon intermédiaire entre le salarié et son supérieur hiérarchique n'entraîne pas en soi une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance que la salariée ne travaillait plus en contact direct avec le conseil d'administration mais avec le directeur dont le poste situé à un échelon intermédiaire entre celui de la salariée et les instances dirigeantes avait été créé, la Cour d'appel a violé les articles L.1221-1 et L.1231-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
2. ALORS QUE l'existence d'une modification des fonctions d'un salarié ne peut résulter que d'une comparaison entre celles exercées avant et celles exercées après la modification alléguée ; qu'en affirmant que le contenu des fonctions de la salariée aurait été modifié, sans indiquer de quelle (s) attribution (s) la salariée aurait été privée après l'intégration de l'association, qu'elle dirigeait en fait, dans une nouvelle structure au sein de laquelle la salariée devait conserver son titre de chef de service et sa rémunération, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1221-1 et L.1231-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
3. ALORS QUE le juge doit préciser les éléments de preuve sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en l'espèce, était seulement produit aux débats un courrier du 7 juin 2000 évoquant une proposition faite à la salariée d'occuper un poste de directeur adjoint si les instances de contrôle autorisaient la création de ce poste ; que la Cour d'appel a constaté que le poste n'avait pas été créé ; qu'en retenant que l'employeur aurait «promis» ce poste à la salariée, sans à aucun moment préciser de quel élément de preuve elle tirait une telle affirmation, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4. ALORS QUE la salariée faisait seulement grief à son employeur de ne pas lui avoir attribué un poste de directeur adjoint au sein de la nouvelle association ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas justifier des critères l'ayant conduit à décider de l'attribution à un autre salarié du poste de directeur, motifs tout à fait inopérants à caractériser la prétendue privation de la salariée de ses fonctions de directrice adjointe, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
5. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ;qu'en affirmant, d'une part, qu'«en réalité, la salariée assumait la direction de l'association» (arrêt page 4, paragraphes 10 et 11) et, d'autre part, que « la salariée ne pouvait se targuer du titre et du statut de directrice» (arrêt, page 5, avant-dernier paragraphe), la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile ;

6. ALORS QUE la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les manquements de l'employeur invoqués à l'appui de sa décision soient d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible la poursuite des relations contractuelles ; qu'en déduisant en l'espèce le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée de la seule circonstance que les manquements invoqués à l'encontre de l'employeur pour justifier sa décision seraient fondés, sans aucunement caractériser la condition de gravité suffisante indispensable pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1221-1 et L.1231-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44995
Date de la décision : 26/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Bordeaux, 16 septembre 2008, 07/06006

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mai. 2010, pourvoi n°08-44995


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44995
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