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19/05/2010 | FRANCE | N°09-40524

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2010, 09-40524


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Monceau générale assurances du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre M. X... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 2 décembre 2008), qu'envisageant de transférer le lieu de ses activités de Blois à Vendôme, la société Monceau générale assurance (MGA), qui appartenait au groupe Monceau assurances, a établi en mars 2004 un projet de licenciement collectif pouvant affecter les 43 salariés dont les contrats de travail devaient Ã

ªtre modifiés, ainsi qu'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'elle a ensuite lice...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Monceau générale assurances du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre M. X... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 2 décembre 2008), qu'envisageant de transférer le lieu de ses activités de Blois à Vendôme, la société Monceau générale assurance (MGA), qui appartenait au groupe Monceau assurances, a établi en mars 2004 un projet de licenciement collectif pouvant affecter les 43 salariés dont les contrats de travail devaient être modifiés, ainsi qu'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'elle a ensuite licencié le 20 octobre 2004, les salariés ayant refusé ce changement de leur lieu de travail ;
Attendu que la société MGA fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au remboursement d'indemnités de chômage, alors, selon le moyen :
1°/ que le motif économique s'apprécie au regard du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; que dans un groupe d'assurances, l'activité assurance dommages aux biens et l'activité assurance des personnes constituent deux secteurs d'activité distincts, dès l'instant qu'elles sont autonomes l'une par rapport à l'autre ; qu'en affirmant que l'assurance dommages et l'assurance vie ne constituaient pas des secteurs d'activité distincts, sans relever aucun élément concret établissant l'absence d'autonomie de chacune de ces branches par rapport à l'autre au sein du groupe Monceau assurances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er) du code du travail ;
2°/ que si, dans les lettres de licenciement, la société MGA avait fait référence à la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe pour justifier du plan de rationalisation mis en oeuvre dans le groupe, elle avait également précisé que le déménagement de son établissement de Blois à Vendôme, dans de nouveaux locaux, avait été décidé dans l' "intérêt global" du pôle "dommages" ; qu'en affirmant qu'il résultait des termes de la lettre de rupture, qui faisaient référence à la sauvegarde de la compétitivité du groupe, que le secteur d'activité du groupe se confondait avec le groupe lui-même, la cour d'appel a dénaturé les termes de ces lettres, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3°/ qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui mentionne un motif matériellement vérifiable qui peut être discuté et précisé devant les juges ; que la lettre de licenciement qui fait état d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et de son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié est suffisamment motivée ; qu'en ce cas, il appartient au juge d'apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité dans le cadre adéquat ; que, si l'entreprise appartient à un groupe, la nécessité de sauvegarder la compétitivité doit être appréciée au sein du cadre, dans le cadre du secteur d'activité auquel se rattache l'activité de l'entreprise ; qu'en relevant que la lettre de licenciement faisait référence à la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe, pour refuser d'apprécier ce motif au niveau de la seule branche dommages du groupe, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er), L. 1235-1 (ancien article L. 122-14-3, alinéa 1er) et L. 1232-6 (ancien article L. 122-14-2) du code du travail ;
4°/ que le motif économique doit, en principe, être apprécié à la date du licenciement ; que cependant, lorsque le licenciement procède d'une réorganisation dont la mise en oeuvre n'est pas immédiate, mais nécessite de longs délais et le déploiement d'une importante logistique, le motif du licenciement doit être apprécié, non à la date du licenciement, mais à la date à laquelle la réorganisation a été décidée ; qu'en l'espèce, la direction du groupe Monceau assurances avait décidé, en 2002, de réorganiser sa branche dommages dont la pérennité était menacée et, pour ce faire, de regrouper l'essentiel des actifs des différentes structures intervenant dans cette branche au sein d'une entité unique, la société MGA, et de transférer le centre d'activité de cette dernière, qui était situé à Blois dans des locaux vétustes et insalubres, dans de nouveaux locaux, qu'elle avait décidé de construire, sur un site mieux desservi par les réseaux de communication et de transport, à Vendôme ; que la société MGA n'avait pu raisonnablement proposer à ses salariés de changer de lieu de travail et tirer les conséquences de leur éventuel refus, dès 2002, dans la mesure où la construction du nouvel immeuble, à Vendôme, ne devait être achevée qu'environ deux ans plus tard et que le déménagement ne pouvait intervenir qu'une fois les travaux terminés ; que ce n'est qu'à l'approche de la fin des travaux, quelques mois avant la date fixée pour le déménagement, que la société MGA avait proposé aux salariés de changer de lieu de travail et s'était vue contrainte de prononcer le licenciement des salariés refusant de rejoindre le nouveau site ; qu'ainsi, si le licenciement des salariés était intervenu en 2004, il résultait d'une réorganisation décidée deux ans plus tôt, de sorte que la nécessité de procéder à cette réorganisation devait être appréciée au regard de la situation économique de la branche dommages aux biens ou du groupe en 2002 ; que, par conséquent, en relevant qu'après une année 2002 "difficile" en raison de résultats déficitaires de plus de 16 millions d'euros, le groupe avait réalisé des bénéfices en 2003 et 2004 et que sa situation s'était améliorée en 2005, pour en conclure que la réorganisation à l'origine des licenciements avait été décidée, non pour sauvegarder la compétitivité du groupe, mais pour l'améliorer, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er) du code du travail ;
5°/ qu'une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité si elle est effectuée pour prévenir des difficultés économiques prévisibles, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques avérées ; que l'arrivée sur le marché de nouveaux acteurs et le mouvement de concentration des principaux leaders du marché sont de nature à compromettre la position concurrentielle d'un groupe, a fortiori lorsqu'il est de taille incomparablement plus petite que les autres acteurs intervenant sur le marché ; qu'en affirmant que le groupe Monceau assurances ne pouvait, pour expliquer la menace pesant sur sa compétitivité, se prévaloir d'un contexte concurrentiel plus difficile en raison de l'arrivée sur le marché de nouveaux concurrents, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er) du Code du travail ;
6°/ que constitue un motif économique de licenciement la réorganisation de l'entreprise mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques prévisibles et leurs incidences sur l'emploi ; que dès l'instant que des difficultés économiques sont prévisibles, la réorganisation décidée pour les prévenir est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et justifie les licenciements, même si finalement les difficultés économiques anticipées ne se réalisent pas pour des raisons étrangères à la réorganisation ; qu'en relevant encore, pour dire que la délocalisation du centre de production de la société MGA n'était pas effectuée pour sauvegarder la compétitivité du groupe, que les résultats du groupe en 2005 démontraient que les craintes sur la perte de compétitivité invoquées pour justifier cette délocalisation n'étaient pas fondées, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er) du code du travail ;

7°/ que la société MGA avait exposé devant les juges du fond que la seule alternative à la délocalisation dans l'immeuble de Vendôme était la rénovation de ses locaux vétustes et insalubres, dont elle ne pouvait assumer le coût et que le groupe aurait dû financer, en mobilisant ses capacités financières sans en tirer aucun avantage en termes de compétitivité ; qu'il en résultait que cette seule alternative, qui aurait mobilisé les capacités financières du groupe à un moment où il en avait besoin pour faire face à un contexte concurrentiel plus fort, aurait pesé sur la compétitivité du groupe ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de la société MGA, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
8°/ que la société MGA faisait valoir devant les juges du fond que, depuis son intégration dans le groupe, ce dernier avait dû lui apporter à plusieurs reprises son soutien financier pour couvrir ses risques, sans qu'elle parvienne à équilibrer ses comptes ; qu'elle exposait qu'en 2004, moins de trois ans après avoir été recapitalisée à hauteur de 15 millions d'euros et un an après avoir bénéficié du transfert des actifs des autres structures du groupe intervenant dans la branche dommages, ses résultats étaient à nouveaux déficitaires de 6,4 millions d'euros, ce qui avait contraint le groupe à lui apporter à nouveau son soutien financier ; que la société MGA soulignait que les sommes qui étaient consacrées à couvrir ses déficits grevaient largement les résultats du groupe et sa capacité à s'adapter aux évolutions du marché ; qu'elle indiquait également qu'elle était dans l'incapacité de financer seule les travaux de mise en conformité de ses locaux vétustes et insalubres qui dont le coût aurait, encore, pesé sur le groupe ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de motif au regard de l'article 455 du code de procédure civile ;
9°/ qu'en principe, la proposition d'une modification du contrat de travail, que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ; que, cependant, lorsque le salarié refuse de poursuivre son emploi aux mêmes conditions de travail et de rémunération, à moins de quarante kilomètres de l'établissement où il travaillait jusqu'alors, l'employeur qui ne dispose pas d'autre emploi plus proche de cet établissement, ne peut effectuer une proposition de reclassement plus sérieuse que la proposition de modification du contrat déjà refusée par le salarié ; qu'en ce cas, l'employeur qui a, en tant que de besoin, informé le salarié de la liste précise et détaillée des emplois disponibles dans le groupe et s'est encore opposé au refus du salarié d'accepter l'un de ces emplois, a ainsi satisfait loyalement à son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, la société MGA exposait qu'à la suite de la décision du groupe de fermer son établissement de Blois pour transférer son activité à Vendôme, à seulement trente-huit kilomètres, elle avait proposé à l'ensemble de ses salariés qui travaillaient à Blois, y compris à ceux qui lui avaient indiqué refuser toute mobilité géographique, de poursuivre l'exécution de leur travail, poste pour poste, à Vendôme en mettant à leur disposition des véhicules pour effectuer le trajet ; qu'elle avait ensuite informé ceux qui avaient refusé cette mutation de la liste détaillée et précise des emplois disponibles dans le groupe qui étaient tous plus situés plus loin de l'établissement de Blois que celui qu'il leur avait été proposé d'occuper à Vendôme ; qu'en décidant néanmoins que la société MGA n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement au motif qu'elle n'avait pas adressé aux salariés ayant refusé leur mutation à trente-huit kilomètres, des offres de reclassement personnalisées, sans tenir compte de ce que la proposition de modification du contrat de travail soumise aux intéressés constituait la meilleure offre de reclassement qui pût exister, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1233-4 (ancien article L. 321-1, alinéa 3) et L. 1222-1 (ancien article L. 120-4) du code du travail ;
10°/ que le motif hypothétique équivaut à l'absence de motif ; qu'en reprochant à la société MGA de ne pas avoir adressé de nouvelles offres de reclassement aux salariés qui avaient déjà refusé de poursuivre leur travail, poste pour poste, à seulement trente-huit kilomètres de l'établissement où ils travaillaient, et les offres de reclassement portant sur l'ensemble des postes disponibles dans le groupe, qui leur avaient été soumises par lettre du 7 juin 2004, au motif que de nouveaux postes s'étaient "forcément libérés" dans le groupe entre cette dernière proposition et le licenciement, au regard des postes proposés ultérieurement au titre de la priorité de réembauchage, la cour d'appel a statué par motif hypothétique et, partant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
11°/ que les recherches de reclassement doivent être effectuées dans le groupe, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en reprochant à la société MGA de ne pas avoir adressé de nouvelles offres de reclassement aux salariés qui avaient déjà refusé de poursuivre leur travail, poste pour poste, à seulement trente-huit kilomètres de l'établissement où ils travaillaient, et les offres de reclassement portant sur l'ensemble des postes disponibles dans le groupe, qui leur avaient été soumises par lettre du 7 juin 2004, sans rechercher si, compte tenu de la petite taille du groupe qui employait, au total, seulement 280 salariés, d'autres emplois compatibles avec les qualifications des intéressés s'étaient effectivement libérés avant leur licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de motif au regard de l'article L. 1233-4 (ancien article L. 321-1, alinéa 3) du code du travail ;
Mais attendu qu'une proposition de modification du contrat de travail n'ayant pas valeur d'offre de reclassement et ne dispensant pas l'employeur de son obligation de rechercher et de proposer, avant un licenciement pour motif économique, toutes les possibilités de reclassement adaptées aux aptitudes et aux compétences du salarié disponibles dans des sociétés du même groupe, entre lesquelles des permutations d'emplois sont possibles, la cour d'appel qui, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation et sans se prononcer par un motif hypothétique, a constaté que la société MGA ne justifiait pas avoir effectué une telle recherche, ni avoir adressé aux salariés des propositions personnalisées de reclassement, alors que des postes étaient disponibles à cette fin, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Monceau générale assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à MM. Y..., Z..., A..., B... et C... et Mmes D..., E..., F..., G..., H..., I..., J..., K..., L... et M... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

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Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Monceau générale assurances.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société MGA à verser à Monsieur Serge Y..., Monsieur Jean-François Z..., Madame Marie-Claire D..., Monsieur Yves A..., Mademoiselle Catherine E..., Madame Annie F..., Madame Jocelyne G..., Madame Annick H..., Madame Pierrette I..., Monsieur B..., Madame Sylvie J..., Madame Françoise K..., Madame Catherine L..., Madame Chantal M... et Monsieur Joël C... des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné à la société MGA le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à chacun de ces salariés dans la limite de six mois d'indemnités.
AUX MOTIFS QUE : «La réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité est un motif économique pertinent. Lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, c'est au sein du secteur d'activité de celui-ci, auquel elle appartient, qu'il convient de se placer pour apprécier la nécessité de sauvegarder cette compétitivité. L'assurance IARD et l'assurance vie ne constituent pas des secteurs d'activité distincts. La société et le groupe ont un secteur d'activité unique, l'assurance ; en conséquence, le secteur d'activité du groupe se confond en l'espèce avec le groupe lui-même. C'est d'ailleurs bien ce qui résulte des termes de la lettre de rupture, comme le démontrent les phrases suivantes – le groupe – MONCEAU ASSURANCES" a entrepris un renforcement de son réseau et de son positionnement de proximité en vue de la rationalisation de ses coûts d'exploitation, afin de sauvegarder sa compétitivité et d'assurer par la même sa pérennité, - or le groupe qui se doit de sauvegarder sa compétitivité… La compétitivité peut être définie comme l'aptitude à faire des bénéfices et à augmenter, ou tout au moins à maintenir ses parts de marché en résistant à la concurrence. Si les résultats nets du groupe ont été bénéficiaires en 2001 (de 8.403.000 €) et déficitaires en 2002 ( de 16.534.000 €), les chiffres à prendre en considération, pour une réorganisation prenant en effet en 2004 et des licenciements du 20 octobre 2004, sont ceux de 2003 et de 2004. Or le groupe a réalisé un bénéfice : - de 34.628.000 € en 2003, - de 34.900.000 € en 2004. Ainsi, après une année 2002 difficile, il s'était spectaculairement redressé en 2003 et en 2004. Ainsi, après une année 2002 difficile, il s'était spectaculairement redressé en 2003 et en 2004. Les dirigeants ont d'ailleurs légitimement exprimé leur satisfaction, en faisant savoir dans la presse, le 23 juin 2005, que les résultats 2004 ont été "les plus veaux qui ont été jamais présenté à nos sociétaires", le chiffre d'affaires ayant "décollé de 6,20 %", Si la nécessité de sauvegarder la compétitivité peut être retenue lorsqu'il s'agit d'anticiper des difficultés futures mais certaines, le groupe ne peut arguer d'un contexte concurrentiel plus difficile en raison de l'arrivée sur le marché de nouveaux concurrents (des sociétés étrangères et des filiales d'établissements bancaires). En effet, le résultat 2005 a été bénéficiaires de 61.500.000 €, ce qui constitue une augmentation considérable par rapport aux 2 années précédentes. Une telle envolée ne peut être exclusivement due à la réorganisation décidée en 2004, si l'on se réfère au coût des nouveaux locaux de VENDÔME ; il est donc certain que, sans elle, le résultat aurait également augmenté, bien que dans des proportions moindres. Ainsi, en 2004, les craintes sur une perte de compétitivité en 2005, à supposer qu'elles aient existé, étaient infondées et ont été démenties par les faits. En conclusion, la réorganisation a été décidée, non pour sauvegarder la compétitivité mais pour l'améliorer, ce qui ne constitue pas un motif économique pertinent. En outre, la modification du contrat dont le refus constitue l'élément matériel du licenciement ne constitue pas une tentative de reclassement. Celui-ci devait être recherché, préalablement à la rupture, dans le groupe ; ces recherches devaient être précises, concrètes et personnalisées. La société devait donc interroger les autres sociétés du groupe, puis opérer une sélection pour proposer aux appelants le ou les postes correspondant le mieux à leurs compétences et à leur profil. Or elle ne prouve pas avoir fait le nécessaire à cet effet. En effet, si elle produit la lettre adressée aux appelants le 7 juin 2004, par laquelle elle les invite "à prendre connaissance de la liste des postes disponibles, éventuellement susceptibles de vous convenir, au sein des sociétés de MONCEAU ASSURANCES (voir annexe I), la copie de ces lettres ne comporte aucune annexe, en sorte qu l'on ne sait pas si une liste a été réellement proposée. En tout état de cause, cette liste aurait été la même, et il ne se serait pas agi d'offres précises, concrètes et personnalisées. Au surplus, étant rappelé que les licenciements sont du 20 octobre 2004, aucune nouvelle proposition n'a été adressée pendant plus de 4mmois, alors qu'il est certain que de nouveaux postes se sont libérés pendant cette période ; en effet, la société invoque deux séries de lettres des 28 janvier et 17 mai 2005 (alors que les offres de reclassement doivent être antérieures au licenciement) par lesquelles elle propose une liste des postes à pourvoir (contrairement à la lettre du 7 juin 2004, une liste de postes est bien jointe à ces courriers), certains d'entre eux s'étant forcément libérés avant le licenciement. Elle n'a donc pas complètement rempli son obligation de reclassement. Pour ces deux motifs, les licenciements sont infondés.
1. ALORS QUE le motif économique s'apprécie au regard du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; que dans un groupe d'assurances, l'activité assurance dommages aux biens et l'activité assurance des personnes constituent deux secteurs d'activité distincts, dès l'instant qu'elles sont autonomes l'une par rapport à l'autre ; qu'en affirmant que l'assurance dommages et l'assurance vie ne constituaient pas des secteurs d'activité distincts, sans relever aucun élément concret établissant l'absence d'autonomie de chacune de ces branches par rapport à l'autre au sein du groupe MONCEAU ASSURANCES, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er) du Code du travail ;
2. ALORS QUE si, dans les lettres de licenciement, la société MGA avait fait référence à la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe pour justifier du plan de rationalisation mis en oeuvre dans le groupe, elle avait également précisé que le déménagement de son établissement de BLOIS à VENDÔME, dans de nouveaux locaux, avait été décidé dans l' « intérêt global » du pôle « dommages » ; qu'en affirmant qu'il résultait des termes de la lettre de rupture, qui faisaient référence à la sauvegarde de la compétitivité du groupe, que le secteur d'activité du groupe se confondait avec le groupe lui-même, la cour d'appel a dénaturé les termes de ces lettres, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3. ALORS QU' est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui mentionne un motif matériellement vérifiable qui peut être discuté et précisé devant les juges ; que la lettre de licenciement qui fait état d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et de son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié est suffisamment motivée ; qu'en ce cas, il appartient au juge d'apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité dans le cadre adéquat ; que, si l'entreprise appartient à un groupe, la nécessité de sauvegarder la compétitivité doit être appréciée au sein du cadre, dans le cadre du secteur d'activité auquel se rattache l'activité de l'entreprise ; qu'en relevant que la lettre de licenciement faisait référence à la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe, pour refuser d'apprécier ce motif au niveau de la seule branche dommages du groupe, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er), L. 1235-1 (ancien article L. 122-14-3, alinéa 1er) et L. 1232-6 (ancien article L. 122-14-2) du Code du travail ;
4. ALORS QUE le motif économique doit, en principe, être apprécié à la date du licenciement ; que cependant, lorsque le licenciement procède d'une réorganisation dont la mise en oeuvre n'est pas immédiate, mais nécessite de longs délais et le déploiement d'une importante logistique, le motif du licenciement doit être apprécié, non à la date du licenciement, mais à la date à laquelle la réorganisation a été décidée ; qu'en l'espèce, la direction du groupe MONCEAU ASSURANCES avait décidé, en 2002, de réorganiser sa branche dommages dont la pérennité était menacée et, pour ce faire, de regrouper l'essentiel des actifs des différentes structures intervenant dans cette branche au sein d'une entité unique, la société MGA, et de transférer le centre d'activité de cette dernière, qui était situé à BLOIS dans des locaux vétustes et insalubres, dans de nouveaux locaux, qu'elle avait décidé de construire, sur un site mieux desservi par les réseaux de communication et de transport, à VENDÔME ; que la société MGA n'avait pu raisonnablement proposer à ses salariés de changer de lieu de travail et tirer les conséquences de leur éventuel refus, dès 2002, dans la mesure où la construction du nouvel immeuble, à VENDÔME, ne devait être achevée qu'environ deux ans plus tard et que le déménagement ne pouvait intervenir qu'une fois les travaux terminés ; que ce n'est qu'à l'approche de la fin des travaux, quelques mois avant la date fixée pour le déménagement, que la société MGA avait proposé aux salariés de changer de lieu de travail et s'était vue contrainte de prononcer le licenciement des salariés refusant de rejoindre le nouveau site ; qu'ainsi, si le licenciement des salariés était intervenu en 2004, il résultait d'une réorganisation décidée deux ans plus tôt, de sorte que la nécessité de procéder à cette réorganisation devait être appréciée au regard de la situation économique de la branche dommages aux biens ou du groupe en 2002 ; que, par conséquent, en relevant qu'après une année 2002 « difficile » en raison de résultats déficitaires de plus de 16 millions d'euros, le groupe avait réalisé des bénéfices en 2003 et 2004 et que sa situation s'était améliorée en 2005, pour en conclure que la réorganisation à l'origine des licenciements avait été décidée, non pour sauvegarder la compétitivité du groupe, mais pour l'améliorer, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er) du Code du travail ;
5. ALORS QU' une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité si elle est effectuée pour prévenir des difficultés économiques prévisibles, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques avérées ; que l'arrivée sur le marché de nouveaux acteurs et le mouvement de concentration des principaux leaders du marché sont de nature à compromettre la position concurrentielle d'un groupe, a fortiori lorsqu'il est de taille incomparablement plus petite que les autres acteurs intervenant sur le marché ; qu'en affirmant que le groupe MONCEAU ASSURANCES ne pouvait, pour expliquer la menace pesant sur sa compétitivité, se prévaloir d'un contexte concurrentiel plus difficile en raison de l'arrivée sur le marché de nouveaux concurrents, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er) du Code du travail ;
6. ALORS QUE constitue un motif économique de licenciement la réorganisation de l'entreprise mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques prévisibles et leurs incidences sur l'emploi ; que dès l'instant que des difficultés économiques sont prévisibles, la réorganisation décidée pour les prévenir est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et justifie les licenciements, même si finalement les difficultés économiques anticipées ne se réalisent pas pour des raisons étrangères à la réorganisation ; qu'en relevant encore, pour dire que la délocalisation du centre de production de la société MGA n'était pas effectuée pour sauvegarder la compétitivité du groupe, que les résultats du groupe en 2005 démontraient que les craintes sur la perte de compétitivité invoquées pour justifier cette délocalisation n'étaient pas fondées, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 1233-3 (ancien article L. 321-1, alinéa 1er) du Code du travail ;
7. ALORS QUE la société MGA avait exposé devant les juges du fond que la seule alternative à la délocalisation dans l'immeuble de VENDÔME était la rénovation de ses locaux vétustes et insalubres, dont elle ne pouvait assumer le coût et que le groupe aurait dû financer, en mobilisant ses capacités financières sans en tirer aucun avantage en termes de compétitivité ; qu'il en résultait que cette seule alternative, qui aurait mobilisé les capacités financières du groupe à un moment où il en avait besoin pour faire face à un contexte concurrentiel plus fort, aurait pesé sur la compétitivité du groupe ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de la société MGA, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
8. ALORS QUE la société MGA faisait valoir devant les juges du fond que, depuis son intégration dans le groupe, ce dernier avait dû lui apporter à plusieurs reprises son soutien financier pour couvrir ses risques, sans qu'elle parvienne à équilibrer ses comptes ; qu'elle exposait qu'en 2004, moins de trois ans après avoir été recapitalisée à hauteur de 15 millions d'euros et un an après avoir bénéficié du transfert des actifs des autres structures du groupe intervenant dans la branche dommages, ses résultats étaient à nouveaux déficitaires de 6,4 millions d'euros, ce qui avait contraint le groupe à lui apporter à nouveau son soutien financier ; que la société MGA soulignait que les sommes qui étaient consacrées à couvrir ses déficits grevaient largement les résultats du groupe et sa capacité à s'adapter aux évolutions du marché ; qu'elle indiquait également qu'elle était dans l'incapacité de financer seule les travaux de mise en conformité de ses locaux vétustes et insalubres qui dont le coût aurait, encore, pesé sur le groupe ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de motif au regard de l'article 455 du Code de procédure civile ;
9. ALORS QU' en principe, la proposition d'une modification du contrat de travail, que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ; que, cependant, lorsque le salarié refuse de poursuivre son emploi aux mêmes conditions de travail et de rémunération, à moins de quarante kilomètres de l'établissement où il travaillait jusqu'alors, l'employeur qui ne dispose pas d'autre emploi plus proche de cet établissement, ne peut effectuer une proposition de reclassement plus sérieuse que la proposition de modification du contrat déjà refusée par le salarié ; qu'en ce cas, l'employeur qui a, en tant que de besoin, informé le salarié de la liste précise et détaillée des emplois disponibles dans le groupe et s'est encore opposé au refus du salarié d'accepter l'un de ces emplois, a ainsi satisfait loyalement à son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, la société MGA exposait qu'à la suite de la décision du groupe de fermer son établissement de BLOIS pour transférer son activité à VENDÔME, à seulement trente-huit kilomètres, elle avait proposé à l'ensemble de ses salariés qui travaillaient à BLOIS, y compris à ceux qui lui avaient indiqué refuser toute mobilité géographique, de poursuivre l'exécution de leur travail, poste pour poste, à VENDÔME en mettant à leur disposition des véhicules pour effectuer le trajet ; qu'elle avait ensuite informé ceux qui avaient refusé cette mutation de la liste détaillée et précise des emplois disponibles dans le groupe qui étaient tous plus situés plus loin de l'établissement de BLOIS que celui qu'il leur avait été proposé d'occuper à VENDÔME ; qu'en décidant néanmoins que la société MGA n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement au motif qu'elle n'avait pas adressé aux salariés ayant refusé leur mutation à trente-huit kilomètres, des offres de reclassement personnalisées, sans tenir compte de ce que la proposition de modification du contrat de travail soumise aux intéressés constituait la meilleure offre de reclassement qui pût exister, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1233-4 (ancien article L. 321-1, alinéa 3) et L. 1222-1 (ancien article L. 120-4) du Code du travail ;
10. ALORS QUE le motif hypothétique équivaut à l'absence de motif ; qu'en reprochant à la société MGA de ne pas avoir adressé de nouvelles offres de reclassement aux salariés qui avaient déjà refusé de poursuivre leur travail, poste pour poste, à seulement trente-huit kilomètres de l'établissement où ils travaillaient, et les offres de reclassement portant sur l'ensemble des postes disponibles dans le groupe, qui leur avaient été soumises par lettre du 7 juin 2004, au motif que de nouveaux postes s'étaient « forcément libérés » dans le groupe entre cette dernière proposition et le licenciement, au regard des postes proposés ultérieurement au titre de la priorité de réembauchage, la cour d'appel a statué par motif hypothétique et, partant, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
11. ALORS, ENFIN, QUE les recherches de reclassement doivent être effectuées dans le groupe, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en reprochant à la société MGA de ne pas avoir adressé de nouvelles offres de reclassement aux salariés qui avaient déjà refusé de poursuivre leur travail, poste pour poste, à seulement trente-huit kilomètres de l'établissement où ils travaillaient, et les offres de reclassement portant sur l'ensemble des postes disponibles dans le groupe, qui leur avaient été soumises par lettre du 7 juin 2004, sans rechercher si, compte tenu de la petite taille du groupe qui employait, au total, seulement 280 salariés, d'autres emplois compatibles avec les qualifications des intéressés s'étaient effectivement libérés avant leur licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de motif au regard de l'article L. 1233-4 (ancien article L. 321-1, alinéa 3) du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40524
Date de la décision : 19/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 02 décembre 2008, Cour d'appel d'Orléans, 2 décembre 2008, 08/3215

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 02 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2010, pourvoi n°09-40524


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.40524
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