LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 20 juin 1994 en qualité d'employé commercial par la société Samse ; que le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence prévoyant une contrepartie financière ; qu'un avenant du 3 mars 2003 a minoré l'indemnité de non-concurrence en cas de licenciement pour faute ; que le salarié a démissionné par lettre du 12 octobre 2005 et a perçu la contrepartie financière jusqu'en avril 2006 ; qu'il s'est mis au service d'une entreprise concurrente le 1er février 2006 ; qu'invoquant la violation de la clause de non-concurrence, l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en remboursement de l'indemnité de non-concurrence ;
Attendu que pour l'en débouter, l'arrêt retient que la clause de non-concurrence est nulle compte-tenu de la minoration de la contrepartie financière en cas de licenciement pour faute et que l'indemnité de non-concurrence perçue par le salarié, qui a nécessairement subi un préjudice en respectant cette clause, lui reste acquise à titre de dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause de non-concurrence n'était pas nulle mais devait être réputée non écrite en ses seules dispositions minorant la contrepartie en cas de faute, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Samse.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif d'AVOIR constaté la nullité de la clause de non-concurrence compte tenu du caractère dérisoire de la contrepartie financière en cas de licenciement pour faute grave ou lourde, et dit que la somme désormais indue perçue au titre de l'indemnisation de la clause de non-concurrence nulle lui resterait acquise à titre de dommages et intérêts,
AUX MOTIFS QUE pour être licite, une clause de non concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'employeur, être limitée dans le temps, être limitée dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié, comporter pour l'employeur l'obligation de verser au salarié une contrepartie financière dont le montant ne doit pas être dérisoire ; qu'en l'espèce, l'interdiction de concurrence imposée à Monsieur Christian X... était limitée à un an "dans un rayon de 50 km autour des agences dans les quelles le salarié aura travaillé dans les deux dernières années" et prévoyait le paiement d'une contrepartie financière exprimée comme suit : " 3 premiers mois 1/10 ancienne rémunération, puis 3 mois 2/10, puis 3 mois 3/10, enfin 3 mois 4/10. moitié de cette indemnisation si licenciement pour faute grave, 1/4 si licenciement pour faute lourde " ; que la mention d'un paiement mensuel fait nécessairement référence à l'ancienne rémunération mensuelle et l'employeur s'est ainsi engagé de manière claire et non équivoque, en dehors d'un licenciement pour faute grave ou lourde, à indemniser le salarié du fait de l'obligation de non concurrence à hauteur de 10 % du salaire mensuel pendant 3 mois, de 20 % pour les trois mois suivants, de 30 % du 6ème au 9ème mois et 40 % pour les trois derniers mois ; que ce montant est cependant diminué : de moitié en cas de licenciement pour faute grave soit une indemnité mensuelle de 5 %, puis 10 %, 15 % et 20 % du salaire mensuel antérieur, et de 3/4 en cas de licenciement pour faute lourde soit une indemnité mensuelle de 2,5 %, puis 5 %, 7,5 % et 10 % du salaire mensuel antérieur ; qu'alors que la contrepartie financière est une condition de validité, quelle que soit la cause de la rupture du contrat de travail, le montant total prévu en cas de licenciement pour faute grave en contrepartie de l'obligation de non concurrence pendant un an s'élève à 150 % du salaire mensuel soit 1,5 mois de salaire ; que ce montant total est limité à 75 % soit 3/4 d'un salaire mensuel en cas de faute lourde ; que le caractère dérisoire de ces sommes équivaut à une absence de contrepartie financière et remet en cause la validité de cette clause sans qu'il y ait lieu de vérifier les autres conditions de sa validité ; que si la nullité de la clause supprime la cause du paiement opéré par la Société SAMSE au titre de la contrepartie financière, il convient de relever que le respect d'une clause de non concurrence même illicite, cause nécessairement un préjudice au salarié qui doit être indemnisé à ce titre ; que bien qu'il ne soit pas justifié du montant versé en novembre 2005, Monsieur Christian X... ne conteste pas avoir perçu la somme totale 1.709,77 € pour la période de novembre 2005 à avril 2006 ; qu'il n'est pas contesté qu'il a respecté cette obligation jusqu'au 1er février 2006 soit pendant près de quatre mois ; qu'il y a donc lieu de considérer que la somme désormais indue, perçue au titre de l'indemnisation de la clause de non concurrence nulle, lui restera acquise à titre de dommages et intérêts, le montant ainsi perçu correspondant au préjudice subi ;
ALORS QUE la clause de non concurrence qui ne prévoit pas de contrepartie financière ou une contrepartie dérisoire dans le cas d'un licenciement pour faute grave ou lourde n'est illicite que dans l'hypothèse où le salarié a fait l'objet d'un tel licenciement et a donc effectivement été privé d'une contrepartie réelle ; qu'elle est en revanche valable lorsque le salarié a démissionné et qu'il est donc bénéficiaire d'une contrepartie non dérisoire ; qu'en déclarant nulle la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail de Monsieur X... au prétexte du caractère dérisoire de la contrepartie financière prévue en cas de licenciement pour faute grave ou lourde, quand le salarié avait démissionné et qu'il avait donc vocation, en cas de respect de la clause, à une contrepartie financière réelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail et le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.