LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 08-44.646, V 08-44.647, W 08-44.648, X 08-44.649, Y 08-44.650, Z 08-44.651, A 08-44.652, B 08-44.653, C 08-44.654 et D 08-44.655 :
Sur le moyen unique, commun aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Rouen, 9 septembre 2008) que Mme X... et neuf autres salariés de la société Steel systèmes, aux droits de laquelle se trouve la société Gamma industries à la suite d'une fusion absorption, ont été licenciés pour motif économique le 19 décembre 2005 et le 27 janvier 2006 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour contester leur licenciement ;
Attendu que la société Gamma industries fait grief aux arrêts de dire ces licenciements sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un motif précis de licenciement l'énonciation des difficultés économiques de l'entreprise ayant conduit à sa cession, à la fermeture de son seul site et à la suppression de la totalité des postes de travail ; que la lettre de licenciement reproduite par l'arrêt attaqué énonçant de manière extrêmement détaillée les difficultés économiques auxquelles tant la société Steel systèmes que les sociétés Gamma industries et Denco technologies appartenant au même groupe étaient confrontées, la cour d'appel, qui a jugé que cette lettre de licenciement était insuffisamment motivée pour ne pas préciser les incidences de ces difficultés sur l'emploi du salarié, alors même qu'il n'était pas contesté que la totalité des postes de travail avait été supprimée à la suite de la fermeture du seul site de la société Steel systèmes, a violé les articles L. 1233-1 à L. 1233-4, L. 1233-15 et L. 1233-16 du code du travail ;
2°/ que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne pouvant intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé dans un emploi de même catégorie que celui qu'il occupe ou dans un emploi équivalent ou, à défaut, dans un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé, la mention dans la lettre de licenciement du refus du salarié d'accepter la proposition de reclassement qui lui a été faite implique nécessairement la suppression de son poste de travail ; qu'ayant reproduit la lettre de licenciement faisant mention du refus de l'offre de reclassement au sein du groupe, la cour d'appel qui a considéré que le motif de licenciement qui y était invoqué était insuffisamment précis faute de mention de l'incidence des difficultés économiques sur l'emploi du salarié a violé les articles L. 1233-1 à L. 1233-4, L. 1233-15 et L. 1233-16 du code du travail ;
3°/ que l'erreur de dénomination de la convention de reclassement personnalisé dans la lettre de notification du licenciement, improprement désignée sous le vocable de convention de conversion, est sans incidence sur le caractère réel et sérieux du motif économique de rupture, dès lors de surcroît que c'est bien le dispositif de convention de reclassement personnalisé qui a été proposé à l'adhésion du salarié ; qu'en retenant que la lettre de licenciement proposait au salarié d'adhérer à une convention de conversion dispositif abrogé et remplacé par la convention de reclassement personnalisé par la loi du 18 janvier 2005, pour condamner la société exposante à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans constater l'abstention de la société exposante à proposer au salarié d'adhérer à une convention de reclassement personnalisé, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-1 à L. 1233-4, L. 1233-15, L. 1233-16, L. 1235.65 et L. 1235-16 du code du travail ;
5°/ que dans ses conclusions d'appel, l'exposante avait invoqué la chute du chiffre d'affaires des sociétés Gamma industries et Denco technologies au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004, parallèlement à la chute de celui de la société Steel systèmes ainsi que la part des frais de personnel dans ce chiffre d'affaires pour chacune de ces sociétés malgré la réduction de leurs effectifs respectifs et avait renvoyé à des documents versés aux débats, notamment un tableau comparatif de l'évolution du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation des trois sociétés Steel systèmes, Gamma industries et Denco technologies ainsi qu'un état des effectifs de ces deux dernières sociétés ; que la cour d'appel, qui a énoncé qu'aucun document comptable n'était produit pour la société Denco technologies pour en déduire que la preuve des difficultés économiques au sein du secteur d'activité du groupe n'était pas rapportée, sans examiner ni ces conclusions, ni ces pièces, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que si les lettres de licenciement exposaient les difficultés économiques rencontrées par la société Steel systèmes, elles ne faisaient aucune référence à l'incidence de ces difficultés sur les emplois des salariés ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié ses décisions ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Gamma industries aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Gamma industries à payer aux dix défendeurs la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit, aux pourvois n° U 08-44.646, V 08-44.647, W 08-44.648, X 08-44.649, Y 08-44.650, Z 08-44.651, A 08-44.652, B 08-44.653, C 08-44.654 et D 08-44.655, par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour la société Gamma industries ;
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la Société GAMMA INDUSTRIES, aux droits de la Société STEEL SYSTEMES, à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement était ainsi libellée :
"Comme suite à la réunion avec les délégués du personnel de notre société en date du 21 novembre dernier, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique.
En date du 25 novembre 2005, dans le cadre des mesures de reclassement au sein du groupe de sociétés, nous vous avons proposé un poste de travail.
Vous nous avez informés de votre refus par courrier en date du 30 novembre 2005.
Nous vous rappelons que vous avez jusqu'au 27 décembre 2005 inclus pour nous faire connaître votre décision d'adhérer à la convention de conversion qui vous a été proposée le 13 décembre 2005.
Nous vous rappelons également :
– qu'en cas d'adhésion, votre contrat de travail se trouvera alors rompu à cette date du fait d'un commun accord des parties aux conditions qui vous ont été exposées et qui figurent sur le document qui vous a été remis ;– qu'à défaut d'adhésion de votre part, la présente lettre constituera alors notification de votre licenciement, sa date de première présentation fixant le point de départ du préavis de 2 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
Nous vous précisons, par ailleurs, qu'en pareil cas, vous serez en tout état de cause dispensée, dès la date de votre refus d'adhésion, du temps de préavis restant à courir et percevrez, en conséquence, l'indemnité compensatrice correspondante.
En ce qui concerne les motifs du licenciement, il s'agit :
Durant l'exercice clos le 30 avril 2005, l'activité de la société a été marquée par une baisse très importante du chiffre d'affaires de – 46,73% par rapport à l'année précédente, et de – 71,41% par rapport à l'exercice clos le 30 avril 2003.
Compte tenu de cette baisse du chiffre d'affaires et malgré la diminution de l'effectif salarié moyen (39 en avril 2003, 37 en avril 2004 et 33 en avril 2005), le poste frais de personnel (salaires + charges) représente respectivement pour les années 2003, 2004 et 2005, 15,4% du chiffre d'affaires, 28,1% du chiffres d'affaires et 47,0% du chiffre d'affaires.
Cette baisse du chiffre d'affaires est liée à la baisse importante du niveau des commandes et à une crise incontestable qui frappe le secteur d'activité.
Elle s'explique avant tout par le fait qu'en notre qualité de fabriquant de faux planchers, nous évoluons dans un secteur qui est très sensible à l'évolution des coûts de fabrication.
Or, nos coûts de fabrication sont trop élevés aujourd'hui, sachant que nous devons faire face à la concurrence française et étrangère, qui produit désormais des faux planchers à des coûts très inférieurs aux nôtres.
Aussi, notre résultat d'exploitation est en chute libre depuis l'exercice clos le 30 avril 2003 entraînant avec lui l'effondrement de nos résultats nets, à savoir :
Exercice Effectif MoyenSalaire + chargesCoût moyenChiffre d'affairesSal + Charges/CARésultat d'exploitationBénéfice/ perte
04/2003 391379773 €35379 €8959247 €15,4 %960624 €649615 €
04/2004 371351467 €36526 €4808004 €28,1 %87791 €58321 €
04/2005 331203125 €36458 €2561223 €47 %- 568020 €- 364902 €
Une analyse comparative avec les références concurrentielles dans notre secteur d'activité à savoir les sociétés PLANCHERS COMEY, BANGUI, GAMMA INDUSTRIES, DENCO TECHNOLOGIES, et société étrangère, permet de souligner les différences suivantes :
Le chiffre d'affaires de la société GAMMA INDUSTRIES a chuté durant l'exercice clos le 31 décembre 2004 est de – 17,63% et celui de la société DENCO TECHNOLOGIES a chuté pour le même exercice de – 14,67%.
Comparativement, notre chiffre d'affaires a chuté durant l'exercice clos le 30 avril 2005 de – 46,73%.
Toutefois, alors que notre poste frais de personnel représente 47% de notre chiffre d'affaires durant l'exercice clos le 30 avril 2005, le poste frais de personnel de la Société GAMMA INDUSTRIES représente 28,5% du chiffre d'affaires durant l'exercice clos le 31 décembre 2004 et celui de la société DENCO TECHNOLOGIES, 23,8%.
Nous pouvons ainsi constater que nous rencontrons les plus grandes difficultés pour conserver notre carnet de commandes par rapport à la concurrence, et que l'incidence directe y attachée est l'augmentation de la part représentative de notre masse salariale par rapport à notre chiffre d'affaires.
Force est de constater que les motifs économiques ci-dessus sont incontestables et justifient par conséquent le licenciement.
Nous vous informons enfin que, conformément à l'article L.321-14 du code du travail, vous pourrez bénéficier d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail.
Pour ce faire, vous devrez nous faire part de votre désir d'user de cette priorité dans un délai de quatre mois à partir de cette date de rupture.
Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celle que vous viendriez à acquérir sous réserve que vous nous en ayez informé.
Le nombre d'heures auquel s'élève votre droit à DIF est de 40 heures, à utiliser dans les conditions définies par les articles L.933-1 et suivants du code du travail et par l'accord national du 20 juillet 2004 relatif à la formation professionnelle. Vous avez dans ce cadre la possibilité de demander à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation."
que cette lettre qui faisait référence à la cause économique du licenciement mais non à son incidence sur l'emploi du salarié, ne satisfaisait pas aux exigences des articles L 321-1 et L 122-14-3 du Code du travail ; que par ailleurs, il était proposé au salarié d'adhérer à une convention de conversion, dispositif abrogé par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, instituant le PARE remplacé lui-même par la convention de reclassement personnalisé prévue par la loi du 18 janvier 2005 ; qu'en outre, la lettre de licenciement détaillait les difficultés financières de la Société STEEL SYSTEMES devenue GAMMA INDUSTRIES alors que les difficultés s'appréciaient au niveau du secteur d'activité du groupe, notamment de la société DENCO et qu'aucun document comptable concernant cette société n'était produit ; que l'existence de difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe n'était donc pas établie ; que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; qu'il convenait d'allouer au salarié une somme de 38.000 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS D'UNE PART QUE constitue un motif précis de licenciement l'énonciation des difficultés économiques de l'entreprise ayant conduit à sa cession, à la fermeture de son seul site et à la suppression de la totalité des postes de travail ; que la lettre de licenciement reproduite par l'arrêt attaqué énonçant de manière extrêmement détaillée les difficultés économiques auxquelles tant la Société STEEL SYSTEMES que les Sociétés GAMMA INDUSTRIES et DENCO TECHNOLOGIES appartenant au même groupe étaient confrontées, la Cour d'Appel qui a jugé que cette lettre de licenciement était insuffisamment motivée pour ne pas préciser les incidences de ces difficultés sur l'emploi du salarié, alors même qu'il n'était pas contesté que la totalité des postes de travail avait été supprimée à la suite de la fermeture du seul site de la Société STEEL SYSTEMES, a violé les articles L 122-14-2 et L 321-1 du Code du Travail (L 1233-1 à L 1233-4, L 1233-15 et L 1233-16 de la nouvelle codification) ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le licenciement pour motif économique d'un salarié ne pouvant intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé dans un emploi de même catégorie que celui qu'il occupe ou dans un emploi équivalent ou, à défaut, dans un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé, la mention dans la lettre de licenciement du refus du salarié d'accepter la proposition de reclassement qui lui a été faite implique nécessairement la suppression de son poste de travail ; qu'ayant reproduit la lettre de licenciement faisant mention du refus de l'offre de reclassement au sein du groupe, la Cour d'Appel qui a considéré que le motif de licenciement qui y était invoqué était insuffisamment précis faute de mention de l'incidence des difficultés économiques sur l'emploi du salarié a violé les articles L 122-14-2 et L 321-1 du Code du Travail (L 1233-1 à L 1233-4, L 1233-15 et L 1233-16 de la nouvelle codification) ;
ALORS EN OUTRE QUE l'erreur de dénomination de la convention de reclassement personnalisé dans la lettre de notification du licenciement, improprement désignée sous le vocable de convention de conversion, est sans incidence sur le caractère réel et sérieux du motif économique de rupture, dès lors de surcroît que c'est bien le dispositif de convention de reclassement personnalisé qui a été proposé à l'adhésion du salarié ; qu'en retenant que la lettre de licenciement proposait au salarié d'adhérer à une convention de conversion dispositif abrogé et remplacé par la convention de reclassement personnalisé par la loi du 18 janvier 2005, pour condamner la Société exposante à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans constater l'abstention de la Société exposante à proposer au salarié d'adhérer à une convention de reclassement personnalisé, la Cour d'Appel qui a statué par un motif inopérant a privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-14-2, L 321-1 et L 321.4-2 du Code du Travail (L 1233-1 à L 1233-4, L 1233-15, L 1233-16, L 1235.65 et L 1235-16 de la nouvelle codification) ;
ALORS ENFIN QUE dans ses conclusions d'appel, l'exposante avait invoqué la chute du chiffre d'affaires des Sociétés GAMMA INDUSTRIES et DENCO TECHNOLOGIES au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004, parallèlement à la chute de celui de la Société STEEL SYSTEMES ainsi que la part des frais de personnel dans ce chiffre d'affaires pour chacune de ces Sociétés malgré la réduction de leurs effectifs respectifs et avait renvoyé à des documents versés aux débats, notamment un tableau comparatif de l'évolution du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation des trois Sociétés STEEL SYSTEMES, GAMMA INDUSTRIES et DENCO TECHNOLOGIES ainsi qu'un état des effectifs de ces deux dernières Sociétés ; que la Cour d'Appel qui a énoncé qu'aucun document comptable n'était produit pour la Société DENCO TECHNOLOGIES pour en déduire que la preuve des difficultés économiques au sein du secteur d'activité du groupe n'était pas rapportée, sans examiner ni ces conclusions, ni ces pièces, a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.