LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 octobre 2011) et les pièces de procédure, que M. X... a fait l'objet d'une proposition de rectification de la part des services de l'administration fiscale, aux fins de taxation des droits d'enregistrement relatifs aux donations d'actions d'une société que ses parents lui avaient consenties ; que sa contestation ayant été rejetée par décision du 3 novembre 2008 qui lui a été notifiée par lettre recommandée reçue le 15 novembre 2008, il a, le 6 février 2009, fait assigner le directeur des services fiscaux de Haute-Savoie devant le tribunal ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré son action irrecevable, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit au procès équitable, dont doit bénéficier le contribuable auquel est infligée une sanction fiscale ayant le caractère d'une punition, implique que celui-ci dispose d'un droit de recours concret et effectif et, partant, que les règles de procédure soient d'une clarté et d'une précision suffisantes pour garantir l'efficacité du recours ; qu'au cas d'espèce, au jour où M. X... a reçu la notification de la décision de rejet de l'administration, comme au jour où il a formé son recours devant le tribunal, les règles de procédure applicables ne pouvaient être considérées comme claires et précises et, partant, comme garantissant le droit au recours ; qu'en effet, si la Cour de cassation retenait que le délai de deux mois prévu par l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales courait alternativement de la notification de la décision de rejet soit au contribuable, soit à son mandataire, le Conseil d'Etat considérait pour sa part que seule la notification au contribuable faisait courir le délai, cependant que l'administration fiscale considérait quant à elle dans sa doctrine que la notification au contribuable faisait courir le délai, mais que la décision devait néanmoins être adressée aussi à son mandataire - de sorte que le contribuable pouvait légitimement penser que son mandataire serait à même de faire le nécessaire pour former en son nom un recours en temps utile ; qu'étant constant que M. X... avait introduit sa réclamation auprès des services fiscaux par l'intermédiaire d'un avocat, et que l'instruction fiscale susvisée prévoyait que la décision de l'administration prise sur la réclamation serait non seulement notifiée au contribuable, mais encore adressée à son mandataire, en retenant pourtant qu'il importait peu que la décision de l'administration n'ait pas été portée à la connaissance de l'avocat de M. X... qui l'avait saisie dès lors qu'elle avait été notifiée au contribuable lui-même, de sorte que le délai de recours de deux mois prévu par l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales avait couru dès cette dernière date, quand l'absence de clarté et de précision suffisantes des règles applicables à la notification de la décision devant faire l'objet du recours contentieux, en laissant le contribuable dans la croyance que son mandataire serait averti en temps utile de la décision et serait ainsi en mesure de faire le nécessaire pour l'attaquer dans les délais utiles, était de nature à porter atteinte à son droit effectif au recours, la cour d'appel a violé l'article 6-5-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles R. 199-1 et L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
2°/ que l'administration fiscale est tenue d'un devoir de loyauté à l'égard du contribuable ; qu'à ce titre, elle ne saurait utilement se prévaloir d'une forclusion qui la place en contradiction avec sa propre doctrine ; qu'au cas d'espèce, M. X... faisait valoir que l'administration fiscale avait manqué à son devoir de loyauté à son égard, dès lors qu'en l'état d'une réclamation qui lui avait été adressée par la voix de son avocat, l'administration s'était bornée à lui notifier la décision sans en faire de même à l'égard de son conseil, en méconnaissance de l'instruction n° 130-4-05 du 28 novembre 2005, de sorte qu'elle ne pouvait valablement soulever la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point déterminant, avant de juger l'action irrecevable, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des articles R. 199-1 et L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble le devoir de loyauté qui pèse sur l'administration fiscale à l'égard du contribuable ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant énoncé qu'il résulte de l'article R. 199-1, alinéa 1, du code général des impôts que l'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation, et relevé qu'en l'espèce, la décision de rejet de l'administration fiscale avait été notifiée par lettre recommandée envoyée au domicile de M. X... qui a personnellement signé l'accusé de réception le 15 novembre 2008, la cour d'appel a exactement retenu que cette notification au domicile réel du contribuable avait fait courir le délai de deux mois précité, de sorte que le droit au procès équitable visé par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme n'avait pas été méconnu, le contribuable ayant eu personnellement connaissance de la décision de rejet ainsi que des modalités de recours précisément mentionnées dans le courrier de notification et ayant donc pu prendre toute mesure qu'il estimait utile à la sauvegarde de ses droits, notamment se rapprocher de son avocat aux fins d'envisager la suite à donner ;
Et attendu, d'autre part, que la critique faite par la seconde branche est inopérante, dès lors qu'un éventuel manquement à la loyauté n'aurait pas eu pour effet de rendre recevable la demande de M. X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief a l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'action de M. X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article R 199-1 alinéa 1 du code général des impôts, "l'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l"administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation ... " ; qu'en l'occurrence la décision de rejet de l'administration fiscale a été notifiée par lettre recommandée envoyée au domicile de l'appelant qui a personnellement signé l'accusé de réception le 25/11/2008 ; que cette notification au domicile réel du contribuable, qui n'avait pas élu domicile chez son conseil, a fait courir le délai de deux mois de l'article R 199-1 alinéa 1 précité ; que l'administration n'a commis aucune faute en n'usant pas de la simple faculté que lui ouvrait l'instruction administrative- du 28/11/2005 d'adresser au conseil du contribuable une copie de sa décision pour information ; que le droit au procès équitable visé par l'article 6.1 de la convention européenne des droits de l'homme n'a pas non plus été méconnu puisque le contribuable a eu personnellement connaissance de la décision de rejet ainsi que des modalités de recours précisément mentionnées dans le courrier de notification et qu'il pouvait donc, dès lors, prendre toute mesure qu'il estimait utile à la sauvegarde de ses droits, notamment se rapprocher de son avocat aux fins d'envisager la suite à donner ; qu'il ne peut imputer qu'à lui-même les conséquences de sa propre négligence ; que M. X... n'ayant déféré la décision des services fiscaux au tribunal que par assignation du 06/02/2009, soit postérieurement au 15/01/2009, date d'expiration du délai de fixé par l'article R 199-1 alinéa 1 du code général des impôts, son action est irrecevable comme prescrite » (arrêt, p. 3) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article R. 1 99-1 alinéa 1 du Code Général des Impôts dispose que "L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de 6 mois prévu à l'article R. 1 98-1 0." ; qu'en l'espèce, la décision de rejet de l'administration fiscale faisant suite à la réclamation formée par Monsieur David X... lui a été envoyée à son domicile, par lettre recommandée avec accusé de réception signé par lui le 15 novembre 2008 ; que Monsieur David X... disposait ainsi d'un délai de deux mois à compter de cette date soit jusqu'au 15 janvier 2009 pour saisir le tribunal compétent ; que le fait que l'administration n'ait pas usé de la faculté, qui lui est ouverte par les instructions administratives, d'adresser au conseil du contribuable pour information une copie de la décision de rejet n'empêche pas que le délai de saisine du tribunal commence à courir dès la réception par le contribuable de la décision de l'administration, ce en application des dispositions de l'article R. 199-1 alinéa 1 du Code Général des Impôts précitées au (jugement, p. 3) ;
1°) ALORS QUE le droit au procès équitable, dont doit bénéficier le contribuable auquel est infligée une sanction fiscale ayant le caractère d'une punition, implique que celui-ci dispose d'un droit de recours concret et effectif et, partant, que les règles de procédure soient d'une clarté et d'une précision suffisantes pour garantir l'efficacité du recours ; qu'au cas d'espèce, au jour ou M. X... a reçu la notification de la décision de rejet de l'administration, comme au jour où il a formé son recours devant le tribunal, les règles de procédure applicables ne pouvaient être considérées comme claires et précises et, partant, comme garantissant le droit au recours ; qu'en effet, si la Cour de cassation retenait que le délai de deux mois prévu par l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales courait alternativement de la notification de la décision de rejet soit au contribuable, soit à son mandataire, le Conseil d'Etat considérait pour sa part que seule la notification au contribuable faisait courir le délai, cependant que l'administration fiscale considérait quant à elle dans sa doctrine que la notification au contribuable faisait courir le délai, mais que la décision devait néanmoins être adressée aussi à son mandataire - de sorte que le contribuable pouvait légitimement penser que son mandataire serait à même de faire le nécessaire pour former en son nom un recours en temps utile- ; qu'étant constant que M. X... avait introduit sa réclamation auprès des services fiscaux par l'intermédiaire d'un avocat, et que l'instruction fiscale susvisée prévoyait que la décision de l'administration prise sur la réclamation serait non seulement notifiée au contribuable, mais encore adressée à son mandataire, en retenant pourtant qu'il importait peu que la décision de l'administration n'ait pas été portée à la connaissance de l'avocat de M. X... qui l'avait saisie dès lors qu'elle avait été notifiée au contribuable lui-même, de sorte que le délai de recours de deux mois prévu par l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales avait couru dès cette dernière date, quand l'absence de clarté et de précision suffisantes des règles applicables à la notification de la décision devant faire l'objet du recours contentieux, en laissant le contribuable dans la croyance que son mandataire serait averti en temps utile de la décision et serait ainsi en mesure de faire le nécessaire pour l'attaquer dans les délais utiles, était de nature à porter atteinte à son droit effectif au recours, la cour d'appel a violé l'article 6 5 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles R. 199- 1 et L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
2°) ALORS QUE l'administration fiscale est tenue d'un devoir de loyauté à l'égard du contribuable ; qu'à ce titre, elle ne saurait utilement se prévaloir d'une forclusion qui la place en contradiction avec sa propre doctrine ; qu'au cas d'espèce, M. X... faisait valoir que l'administration fiscale avait manqué à son devoir de loyauté à son égard, dès lors qu'en l'état d'une réclamation qui lui avait été adressée par la voix de son avocat, l'administration s'était bornée à lui notifier la décision sans en faire de même à l'égard de son conseil, en méconnaissance de l'instruction n° 130-4-05 du 28 novembre 2005, de sorte qu'elle ne pouvait valablement soulever la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 199- 1 du livre des procédures fiscales (conclusions d'appel de M. X... signifiées le 23 août 2011, p. 9 à 11 et p. 13 à 15) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point déterminant, avant de juger l'action irrecevable, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des articles R. 199-1 et L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble le devoir de loyauté qui pèse sur l'administration fiscale à l'égard du contribuable.