LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'arrêt du 23 juin 2009 rendu par la chambre commerciale, financière et économique ;
Vu les articles 93 paragraphes 1 à 4 et 98, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 3288/94 du Conseil du 22 décembre 1994 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Chronopost, titulaire de marques française et communautaire "Webshipping", respectivement déposées le 27 avril et le 28 octobre 2000, afin de désigner divers services ayant notamment trait à la logistique et à la transmission d'informations, a assigné la société DHL international, aux droits de laquelle est à présent la société DHL Express France (la société DHL), en contrefaçon de ces marques, pour avoir fait usage des termes web shipping et webshipping afin de désigner un service de gestion de courriers express, accessibles notamment sur Internet ; que le tribunal des marques communautaires a retenu la contrefaçon, fait interdiction de poursuivre les faits incriminés, et assorti cette interdiction d'une astreinte ; que par arrêt du 23 juin 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi principal, sursis à statuer sur le pourvoi incident et interrogé à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne ;
Attendu que par arrêt du 12 avril 2011 (C-235/09), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit :
1°/ que l'article 98, paragraphe 1, du règlement n°40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire doit être interprété en ce sens que la portée de l'interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon d'une marque communautaire prononcée par un tribunal des marques communautaires, dont la compétence est fondée sur les articles 93, paragraphes 1 à 4, et 94, paragraphe 1, de ce règlement, s'étend, en principe, à l'ensemble du territoire de l'Union européenne ;
2°/ que l'article 98, paragraphe 1, seconde phrase, doit être interprété en ce sens qu'une mesure coercitive, telle une astreinte, ordonnée par un tribunal des marques communautaires en application de son droit national en vue de garantir le respect d'une interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon qu'il a prononcée, produit effet dans les Etats membres autres que celui dont relève ce tribunal, auxquels s'étend la portée territoriale d'une telle interdiction, dans les conditions prévues au chapitre III du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en ce qui concerne la reconnaissance et l'exécution des décisions de justice ; que lorsque le droit national de l'un de ces autres Etats membres ne contient aucune mesure coercitive analogue à celle prononcée par ledit tribunal, l'objectif auquel tend cette dernière devra être poursuivi par le tribunal compétent de cet Etat membre en recourant aux dispositions pertinentes du droit interne de ce dernier de nature à garantir de manière équivalente le respect de ladite interdiction ;
Attendu que pour limiter la demande d'interdiction d'usage, sous astreinte, de la marque communautaire Webshipping au seul territoire français, la cour d'appel retient que le prononcé d'une mesure d'interdiction sous astreinte, à l'échelle communautaire, suppose que le tribunal des marques communautaires ait communication des lois nationales prévoyant une mesure comparable et que l'existence d'un risque de confusion entre les signes en présence n'a été appréciée qu'au regard de la perception que pouvaient en avoir les consommateurs français ou parlant français ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte pas que l'existence d'un risque de confusion était limitée au seul territoire français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a interdit, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai d'un mois, à compter de sa signification, sur le seul territoire français, la poursuite des actes d'usage des dénominations Webshipping et Web shipping, l'arrêt rendu le 9 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société DHL Express France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Chronopost la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi incident par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour la société Chronopost.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR refusé d'étendre à l'ensemble du territoire de la Communauté européenne l'interdiction sous astreinte de la poursuite par la société DHL EXPRESS FRANCE des actes de contrefaçon de la marque communautaire WEBSHIPPING dont est titulaire la société CHRONOPOST ;
AUX MOTIFS QUE "l'article 98 du Règlement CE du 20 décembre 1993 énonce que lorsqu'un tribunal des marques communautaires constate que le défendeur a contrefait une marque communautaire il rend, sauf "s'il y a des raisons particulières de ne pas le faire, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon" ; que ce même article ajoute qu'il "prend également conformément à la loi nationale, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction" ; qu'il suit dès lors que le prononcé d'une mesure d'interdiction sous astreinte à l'échelle communautaire suppose que le tribunal des marques communautaires ait communication des lois nationales prévoyant une mesure comparable ; qu'en outre s'agissant en l'espèce de la contrefaçon par imitation d'une marque verbale, l'existence d'un risque de confusion entre les signes en présence n'a été appréciée qu'au regard de la perception que peuvent en avoir les consommateurs français ou parlant français ; que dès lors l'interdiction prononcée ne saurait s'étendre à l'ensemble de l'espace communautaire" (arrêt attaqué p. 9) ;
ALORS QUE, la marque communautaire doit, en raison de son caractère unitaire, faire l'objet d'une protection uniforme sur tout le territoire de la Communauté et que l'interdiction de la poursuite des actes de contrefaçon d'une marque communautaire, que l'article 98 du Règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993 confère au tribunal des marques communautaires le pouvoir d'ordonner, doit avoir effet sur ce même territoire, le même texte conférant au tribunal des marques communautaires le pouvoir de prendre, conformément à sa loi nationale, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction ; qu'en décidant que l'interdiction sous astreinte de la poursuite des actes de contrefaçon de la marque communautaire WEBSHIPPING ne pouvait s'étendre à l'ensemble de l'espace communautaire, la cour d'appel a violé les articles 1er et 98 du Règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 19 93 sur la marque communautaire.