LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2013), que la société civile immobilière X... (la SCI), dont le capital social est partagé par moitié entre M. X..., gérant, et sa fille Mme Y..., a acquis un immeuble loué à la société Gref, dont M. X... est le gérant et dont Mme Y... a été la gérante puis la salariée avant d'être déclarée inapte au travail ; que dans ce contexte, Mme Y... a assigné M. X... afin d'obtenir l'autorisation de se retirer de la SCI et la désignation d'un expert pour évaluer ses parts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la demande de retrait d'un associé pour justes motifs étant une demande en justice autonome de la demande de retrait faite aux associés, il incombe au juge de se placer à la date où il statue pour apprécier les motifs de ce retrait ; qu'en retenant que par lettre datée du 15 septembre 2009, Mme Y... avait demandé à son père de lui communiquer des documents comptables afin de lui céder ses parts et qu'elle n'avait nullement invoqué à cette date la dégradation de santé parmi les justes motifs de son retrait, quand ces justes motifs devaient être nécessairement appréciés au moment où la cour d'appel statue, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et partant a violé l'article 561 du code de procédure civile, ensemble l'article 1869 du code civil ;
2°/ que l'existence de justes motifs s'apprécie en la personne de l'associé et que le juste motif peut être déduit de la situation personnelle de l'associé ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de Mme Y..., que par lettre du 15 septembre 2009, « elle a ainsi manifesté sa volonté de se retirer immédiatement de la SCI X... alors que les griefs allégués n'ont donné lieu antérieurement à aucune réclamation de sa part » et qu'au regard de cette lettre, Mme Y... ne démontrait pas « en quoi l'altération de ses capacités physiques ou psychiques exigeraient qu'elle se retirât de la SCI » ; qu'en se fondant, pour dire les motifs de retrait non établis, sur la base de cette seule lettre, sans envisager la situation personnelle de Mme Y..., les juges du fond se sont déterminés sur la base de motifs inopérants et partant ont violé l'article 1869 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que si l'état de santé de Mme Y... s'était dégradé au point de lui interdire toute activité professionnelle, cette situation n'était pas invoquée dans la lettre du 15 septembre 2009 par laquelle celle-ci avait manifesté sa volonté de se retirer immédiatement de la SCI et retenu que Mme Y... ne démontrait pas que son état de santé et sa situation personnelle actuelle exigeraient qu'elle se retirât de la SCI, la cour d'appel a pu en déduire que la demande de retrait de la SCI de Mme Y... compromettrait directement la pérennité de la société Cabinet Gref locataire de la SCI et n'était pas fondée sur de justes motifs ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que faute de s'être prononcés sur le point de savoir si le juste motif ne résidait pas dans la circonstance que la mésentente entre Mme Y... et son père entraînait une rupture de l'affectio societatis ; et que faute de s'être prononcés sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1869 du code civil ;
2°/ que faute de s'être prononcés sur le point de savoir si le juste motif ne résidait pas dans le fait que, les parties ayant chacune 50 % des parts, la mésentente entre les parties entraînant inévitablement une impossibilité de gérer le bien et dès lors un blocage dans le fonctionnement de la société justifiant le retrait d'un associé, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale, au regard de l'article 1869 du code civil ;
3°/ que dans ses conclusions du 7 janvier 2013, Mme Y... faisait valoir que son père gérait la SCI X... en toute opacité et qu'aucune assemblée générale n'avait été tenue, cet élément était déterminant quant à l'issue du litige ; qu'en ne répondant pas à cette demande, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de réponse à conclusions et partant violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme Y..., qui avait assuré la comptabilité de la SCI et celle du Cabinet Gref, avait eu connaissance des documents de gestion et de comptabilité des deux sociétés et que sa déclaration annuelle des revenus tirés de la SCI contredisait le défaut d'information dont elle faisait état et retenu que si elle fondait sa demande sur la mésentente familiale, il n'était pas démontré que cela constituerait un obstacle au bon fonctionnement de la SCI, qui n'avait pas connu de situation de blocage, et que le retrait serait de nature à compromettre la pérennité de la société Cabinet Gref locataire de la SCI, la cour d'appel, répondant aux conclusions, qui a pu en déduire que Mme Y... ne rapportait pas la preuve de l'existence de justes motifs, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;EN CE QU'il a refusé d'accueillir la demande en retrait fondée sur de justes motifs, formée par Madame Y..., conformément à l'article 1869 du code civil ; AUX MOTIFS QUE « Considérant que l'article 1849 du code Civil énonce que " Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice (...) " ; que les statuts de la SCI X... prévoient que " les cessions des parts, quelle que soit la qualité du ou des cessionnaires, sont soumises à l'agrément préalable à l'unanimité des associés " et que " en cas de refus d'agrément, chacun des coassociés du cédant dispose d'une faculté de rachat (....) " ; que se heurtant au refus opposé par son père à sa demande de retrait, Mme Christelle X..., épouse Y... a donc engagé une action à cette fin ; qu'elle fonde sa demande sur la mésentente familiale existant, la disparition de l'affectio societatis qui en est résultée, l'opacité de la gestion de son père, son refus systématique de lui communiquer les comptes sociaux, 1'absence de tenue d'une assemblée générale annuelle, le non respect des statuts, en expliquant que la perte de confiance ajoute à la légitimité de son retrait ; que c'est par une lettre datée du 15 septembre 2009 que Mme Christelle X..., épouse Y..., invoquant la dégradation des relations entre les deux associés et l'opacité qu'aurait entretenue son père dans la gestion de la société, a informé celui-ci de sa volonté de céder ses parts, lui demandant en vue de leur évaluation, de lui communiquer un certain nombre de documents comptables ; que par cette correspondance l'intimée a ainsi manifesté sa volonté de se retirer immédiatement de la SCI X... alors que les griefs allégués n'ont donné lieu antérieurement à aucune réclamation de sa part bien que M. Daniel X... ait exercé les fonctions de gérant depuis la création de la société le 13 mars 2002 ; qu'en revanche par la production aux débats d'une demande en date du 3 novembre 2004, de deux extraits K BIS et la remise d'un chèque à cette fin, l'apposition de sa signature sur deux déclarations de TVA au titre du quatrième trimestre 2006 et premier trimestre 2007, d'une procuration sur un compte de la SCI ouvert dans les livres du Crédit Lyonnais, M. Daniel X... démontre que l'intimée qui a assuré la comptabilité de ladite SCI mais aussi celle du Cabinet Gref, a eu ainsi connaissance des documents de gestion et de comptabilité relatifs à ces deux sociétés ; qu'il fait également remarquer à juste titre que la déclaration annuelle de ses revenus tirés de la SC1, contredit le défaut d'information dont Mme Christelle X..., épouse Y... fait désormais état ; que par ailleurs s'il est incontestable que l'état de santé de l'intimée s'est dégradé au point de lui interdire toute activité professionnelle, cette situation qu'elle met désormais en avant à l'appui de sa demande n'est cependant nullement invoquée dans sa lettre précitée du 15 septembre 2009 ; qu'au demeurant, elle ne démontre pas en quoi l'altération de ses capacités physiques ou psychiques exigeraient qu'elle se retirât de la SCI ; dans ces conditions et alors que sa décision compromet directement la pérennité la société Cabinet Gref, locataire de la SC1, qu'il s'avère que Mine Christelle X..., épouse Y... ne rapporte pas la preuve de l'existence de justes motifs à l'appui de sa demande ; qu'il convient en conséquence de la débouter de ses prétentions et d'infirmer le jugement déféré » (arrêt p. 2 et 3). ALORS QUE, premièrement, la demande de retrait d'un associé pour justes motifs étant une demande en justice autonome de la demande de retrait faite aux associés, il incombe au juge de se placer à la date où il statue pour apprécier les motifs de ce retrait ; qu'en retenant que par lettre datée du 15 septembre 2009, Mme Y... avait demandé à son père de lui communiquer des documents comptables afin de lui céder ses parts et qu'elle n'avait nullement invoqué à cette date la dégradation de santé parmi les justes motifs de son retrait, quand ces justes motifs devaient être nécessairement appréciés au moment où la cour d'appel statue, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et partant a violé l'article 561 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1869 du Code civil ALORS QUE, deuxièmement, l'existence de justes motifs s'apprécie en la personne de l'associé et que le juste motif peut être déduit de la situation personnelle de l'associé ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de Mme Y..., que par lettre du 15 septembre 2009, « l'intimée a ainsi manifesté sa volonté de se retirer immédiatement de la SCI X... alors que les griefs allégués n'ont donné lieu antérieurement à aucune réclamation de sa part ¿ » et qu'au regard de cette lettre, Mme Y... ne démontrait pas « en quoi l'altération de ses capacités physiques ou psychiques exigeraient qu'elle se retirât de la SCI » (arrêt p. 3, al. 5 et 6) ; qu'en se fondant, pour dire les motifs de retrait non établis, sur la base de cette seule lettre, sans envisager la situation personnelle de Mme Y..., les juges du fond se sont déterminés sur la base de motifs inopérants et partant ont violé l'article 1869 du Code civil
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;EN CE QU'il a refusé d'accueillir la demande en retrait fondée sur de justes motifs, formée par Madame Y..., conformément à l'article 1869 du code civil ; AUX MOTIFS QUE « Considérant que l'article 1849 du code Civil énonce que " Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ge retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice (¿) " ; que les statuts de la SCI Bladin prévoient que " les cessions des parts, quelle que soit la qualité du ou des cessionnaires, sont soumises à l'agrément préalable à l'unanimité des associés " et que " en cas de refus d'agrément, chacun des coassociés du cédant dispose d'une faculté de rachat (....) " ; que se heurtant au refus opposé par son père à sa demande retrait, Mme Christelle X..., épouse Rive ira Pereira a donc engagé une action à cette fin ; qu'elle fonde sa demande sur la mésentente familiale existant, la disparition de l'affectio societatis qui en est résultée, l'opacité de la gestion de son père, son refus systématique de lui communiquer les comptes sociaux, 1'absence de tenue d'une assemblée générale annuelle, le non respect des statuts, en expliquant que la perte de confiance ajoute à la légitimité de son retrait ; que c'est par une lettre datée du 15 septembre 2009 que Mme Christelle X..., épouse Y..., invoquant la dégradation des relations entre les deux associés et l'opacité qu'aurait entretenue son père dans la gestion de la société, a informé celui-ci de sa volonté de céder ses parts, lui demandant en vue de leur évaluation, de lui communiquer un certain nombre de documents comptables ; que par cette correspondance l'intimée a ainsi manifesté sa volonté de se retirer immédiatement de la SCI X... alors que les griefs allégués n'ont donné lieu antérieurement à aucune réclamation de sa part bien que M. Daniel X... ait exercé les fonctions de gérant depuis la création de la société le 13 mars 2002 ; qu'en revanche par la production aux débats d'une demande en date dû 3 novembre 2004, de deux extraits K BIS et la remise d'un chèque à cette fin, l'apposition de sa signature sur deux déclarations de TVA au titre du quatrième trimestre 2006 et premier trimestre 2007, d'une procuration sur un compte de la SCI ouvert dans les livres du Crédit Lyonnais, M. Daniel X... démontre que l'intimée qui a assuré la comptabilité de ladite SCI mais aussi celle du Cabinet Gref, a eu ainsi connaissance des documents de gestion et de comptabilité relatifs à ces deux sociétés ; qu'il fait également remarquer à juste titre que la déclaration annuelle de ses revenus tirés de la SC1, contredit le défaut d'information dont Mme Christelle X..., épouse Y... fait désormais état ; que par ailleurs s'il est incontestable que l'état de santé de l'intimée s'est dégradé au point de lui interdire toute activité professionnelle, cette situation qu'elle met désormais en avant à l'appui de sa demande n'est cependant nullement invoquée dans sa lettre précitée du 15 septembre 2009 ; qu'au demeurant, elle ne démontre pas en quoi l'altération de ses capacités physiques ou psychiques exigeraient qu'elle se retirât de la SCI ; dans ces conditions et alors que sa décision compromet directement la pérennité la société Cabinet Gref, locataire de la SC1, qu'il s'avère que Mine Christelle X..., épouse Y... ne rapporte pas la preuve de l'existence de justes motifs à l'appui de sa demande ; qu'il convient en conséquence de la débouter de ses prétentions et d'infirmer le jugement déféré ». ALORS QUE, premièrement, faute de s'être prononcés sur le point de savoir si le juste motif ne résidait pas dans la circonstance que la mésentente entre Mme Y... et son père entrainait une rupture de l'affectio societatis ; et que faute de s'être prononcés sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1869 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, faute de s'être prononcés sur le point de savoir si le juste motif ne résidait pas dans le fait que, les parties ayant chacune 50 % des parts, la mésentente entre les parties entrainant inévitablement un une impossibilité de gérer le bien et dès lors un blocage dans le fonctionnement de la société justifiant le retrait d'un associé, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale, au regard de l'article 1869 du code civil ; ALORS QUE, troisièmement, dans ses conclusions du 7 janvier 2013, Mme Y... faisait valoir que son père gérait la SCI X... en toute opacité et qu'aucune assemblée générale n'avait été tenue, cet élément était déterminant quant à l'issue du litige ; qu'en ne répondant pas à cette demande, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de réponse à conclusions et partant violé l'article 455 du Code de procédure civile.