LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société civile immobilière Kerdada (la SCI) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Bérand, M. X..., ès qualités de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société Bérand, et M. Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Bérand ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que la SCI n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que des travaux supplémentaires n'avaient été ni commandés ni acceptés après exécution, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Kerdada aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Kerdada à payer à la société D..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nord Déflocage, la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la SCI Kerdada ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Kerdada.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI KERDADA à payer à Me D..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL NORD DEFLOCAGE, la somme de 66. 920'03 ¿ en règlement du solde des travaux effectués par ladite entreprise, d'avoir en conséquence condamnée la SCI KERDADA a payer des dommages intérêts pour résistance abusive à hauteur de 5. 000 E ;
AUX MOTIFS PROPRES Qu'il ressort des productions que I'entrepreneur a établi un devis « 02. MB 150. 02/ 03 » le 14 septembre 2001 pour un montant de travaux de 125. 587, 03 E, et des devis complémentaires « 02. MB 150. 04 » le 17 avril 2002 d'un montant de 3. 493, 52 E et « 02. MB 150. 05 » le 23 avril 2002 d'un montant de 815, 67 ¿ ; que bien qu'adressés à la SCI KERDADA, comme il ressort des productions, ces devis ne sont pas signés d'elle ; qu'à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont toutefois retenu que, pour l'ensemble des travaux exécutés qui figurent sur ces devis, c'est la société KERDADA qui était engagée envers l'entrepreneur, étant observé :
- que, par une lettre de 21 mars 2002, cette société a, sous la signature de son gérant, écrit à I'entrepreneur en lui demandant de terminer les travaux d'aménagement de bureau au plus tard le 8 avril 2002 en lui indiquant qu'en cas de dépassement de ce délai, il serait redevable d'une pénalité de 229 ¿ par jour de retard envers elle et en le priant de lui faire parvenir les différentes factures des travaux déjà exécutés, ainsi que les bons de commande pour les fenêtres et la grande porte, ce dont il se déduit qu'elle avait alors reçu le devis principal, d'un montant de 125. 587, 03 ¿, et qu'elle l'avait accepté ;
- qu'après réception des factures litigieuses, d'un montant total de 156. 964, 45 ¿ TTC, la société KERDADA a indiqué à son locataire, suivant lettre du 10 septembre 2002, qu'elle avait payé ces factures à hauteur de 91. 469, 40 ¿ HT, en priant celui-ci, par référence au bail les liant, de régler à I'entrepreneur la somme de 44. 128, 30 ¿ HT, soit 52. 777, 45 ¿ TTC, au titre des travaux exécutés ;
- qu'il suit avec certitude de ces éléments que la société KERDADA a été le cocontractant de I'entrepreneur pour l'ensemble des travaux exécutés faisant l'objet des devis et des factures qui lui ont été adressées et qu'elle a pour partie payées, la circonstance que les devis sur la base desquels I'entrepreneur a facturé les travaux exécutés n'ont pas été signés de cette société et la circonstance que ces travaux ont fait l'objet d'une réception signée du seul locataire étant sur ce point inopérantes. ;
- que le montant total non discuté des travaux exécutés s'élève, suivant les factures produites, à la somme de 156. 964, 45 ¿ TTC ; que la société KERDADA ne justifie pas avoir payé les factures litigieuses au-delà de la somme en principal de 90. 044, 42 ¿ TTC, dont le paiement n'est pas contesté par le liquidateur judiciaire de I'entrepreneur ;
ET QUE la société KERDADA ne pouvait ignorer devoir les sommes réclamées par I'entrepreneur et qu'en soutenant qu'elle n'avait pas traité avec celui-ci elle a résisté de mauvaise foi à la demande en paiement dirigée contre elle par le liquidateur judiciaire de cet entrepreneur ès qualités ; qu'ainsi à bon droit les premiers juges l'ont condamnée à payer, en sus des intérêts moratoires, des dommages-intérêts au titre du préjudice, indépendant du retard dans le paiement, souffert par l'entrepreneur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la SCI KERDADA nie l'existence de tout lien contractuel avec la SARL NORD DEFLOCAGE ; que pour établir ce lien, Me D...verse aux débats différents documents dont trois devis, un courrier que lui a adressé la SCI KERDADA le 21 mars 2002 ainsi qu'un autre, adressé par la SCI à la SA BERAND NORD, le 10 septembre 2002 ; que dans son courrier adressé à la SARL NORD DEFLOCAGE le 21 mars 2002, la SCI KERDADA écrit : « nous vous prions de bien vouloir terminer les travaux d'aménagement des bureaux pour lesquels vous avez été mandaté par la SCI KERDADA au plus tard le 8 avril 2002. En cas de dépassement de cette date, vous serez redevable d'une pénalité au profit de la SCI KERDADA. De même, nous vous demandons de nous faire parvenir les différentes factures pour les travaux déjà effectués ainsi que les bons de commande pour les fenêtres et la grande porte » ; que les devis produits mentionnent tous comme destinataire la SCI KERDADA ; que le premier (daté du 24 septembre 2001) ne porte aucune indication sur l'identité de celui devant l'accepter ; qu'au pied des deux autres devis, postérieurs à la lettre décrite plus haut, est dactylographiée en italique la mention suivant : « bon pour accord)) cachet commercial et signature du maître d'oeuvre, Monsieur Z..., complétée sur le devis du 23 avril 2002, qui précise que le maître d'oeuvre est « Monsieur Z...de BERAND NORD » ; qu'il n'est pas contesté que ce dernier devis a été accepté, comme il semble résulter de la télécopie du 5 mai 2002 produite, dont toutefois, la mauvaise qualité interdit de déchiffrer les mentions manuscrites précédant le cachet de la SA BERAND NORD y apposé ; que dans son courrier adressé le 10 septembre 2002 à la SA BERAND NORD, la SCI KERDADA écrit : « Veuillez procéder immédiatement au paiement directement du restant dû à la SARL NORD DEFLOCAGE selon les termes du bail du 2 octobre 2001 » ; qu'enfin, dans le but d'étayer ses demandes formulées à l'encontre de la SA BERAND NORD, la SCI KERDADA produit aux débats une attestation de M. A...(pièce 15), selon laquelle la société BERAND NORD et M. B...(le gérant de la SCI) étaient d'accord pour confier les travaux à la SARL NORD DEFLOCAGE représentée par M. C..., M. Z..., responsable d'exploitation du site, devant se charger du suivi des travaux avec M. C...; que ces différents documents établissent que la SARL NORD DEFLOCAGE n'avait d'obligations contractuelles qu'à l'égard de la SCI KERDADA (puisque c'est à cette société que devaient être réglées les pénalités de retard et adressées les factures) et que la SA BERAND NORD, comme indiqué aux deux derniers devis, n'intervenait qu'en qualité de maître d'oeuvre ; que par ailleurs, en application de l'article 1165 du Code civil, qui dispose que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, sans pouvoir nuire aux tiers, les stipulations de la convention du 2 octobre 2001, annexée au bail commercial authentique le même jour, souscrite par la SCI KERDADA et la SA BERAND NORD, ne sont pas opposables à la SARL NORD DEFLOCAGE, dont il est constant qu'elle n'en a eu connaissance qu'au cours de la présente instance ;
ET Qu'en refusant de payer les sommes par elle contractuellement dues à la SARL NORD DEFLOCAGE, alors qu'elle ne pouvait ignorer que la convention du 2 octobre 2001 n'était pas opposable à cette entreprise, la SCI KERDADA a contribué à la dégradation de la situation financière de sa créancière, qui a justifié sa liquidation judiciaire décidée le 24 juin 2003 par le tribunal de commerce de LILLE ; qu'en conséquence, il incombe à la SCI KERDADA d'indemniser les conséquences préjudiciables de sa résistance abusive ;
ALORS Qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver ; que lorsque des travaux n'ont pas été prévus au devis, il incombe à I'entrepreneur de rapporter la preuve d'une commande du maître de I'ouvrage relative aux travaux supplémentaires ou de son acceptation expresse de ceux-ci après leur exécution ; qu'en se bornant, d'une part, à constater que la SCI KERDADA, maître de I'ouvrage, avait accepté le devis principal, d'un montant de 125. 587, 03 ¿, et d'autre part, à relever l'absence de contestation par la SCI KERDADA du montant des factures établies par I'entrepreneur, ce dont ne résulte pas la volonté de cette société de commander les travaux supplémentaires litigieux ni sa volonté expresse ou, à tout le moins non équivoque, d'accepter les travaux supplémentaires réalisés sans son accord, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil.