LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 9 septembre 2008) qu'aucun accord n'étant intervenu sur le montant des indemnités revenant aux consorts X... à la suite de l'expropriation au profit de la communauté des communes du canton de Bolbec d'une parcelle leur appartenant indivisément et louée à M. Y..., la communauté des communes a saisi le juge de l'expropriation pour obtenir la fixation de ces indemnités ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de fixer à la somme de 133 631 euros en valeur libre l'indemnité totale de dépossession leur revenant, alors, selon le moyen :
1°/ qu'ayant admis la «relative proximité des réseaux», la cour d'appel ne pouvait alléguer, pour nier la suffisance de la desserte, du caractère non bitumé du chemin d'accès, sans s'expliquer sur le mémoire des consorts X... qui faisait valoir que cette voie desservait les parcelles appartenant à 6 propriétaires pour 3 exploitations et qu'en tout état de cause les expropriés ne pouvaient être tenus pour responsables du défaut d'entretien de cette voie par la commune expropriante ; qu'en se déterminant de la sorte, elle a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en entérinant comme base d'indemnisation le montant des accords amiables tels qu'invoqués par l'expropriante, sans fournir, nonobstant les contestations nourries articulées par les expropriés à l'encontre des calculs établis par l'expropriante et repris par le commissaire du gouvernement, lesquels ne tenaient pas compte des rétrocessions réalisées «à perte» et indiquaient, sur le fondement de surfaces annoncées erronées, un prix moyen faux lui aussi, la cour d'appel, qui s'est contentée de déclarer, par motifs adoptés, que les acquisitions amiables récentes déjà réalisées, hors DUP, dans le périmètre de la ZAC» constituaient «les termes de comparaison les mieux adaptés», a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 13-15-1 du code de l'expropriation, ensemble l'article L. 13-16 du même code de l'expropriation ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la parcelle appartenant aux consorts X... était située, à la date de référence, dans une zone non constructible du plan d'occupation des sols, la cour d'appel qui a tenu compte de la situation du terrain pour admettre une plus value par rapport à la valeur d'un terrain agricole et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation a, par une décision motivée, souverainement choisi les éléments de comparaison qui lui sont apparus les mieux appropriés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de juger qu'une indemnité d'éviction serait due par les consorts X... à M. Y..., exploitant agricole, l'indemnité principale étant fixée en valeur libre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en imposant aux expropriés la prise en charge de l'indemnité d'éviction sur l'estimation de laquelle elle n'a fourni que des approximations, sur le fondement d'un protocole d'accord étranger aux époux X..., sans vérifier dans quelle mesure cet acte leur serait opposable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation ;
2°/ qu'en laissant sans réponse les écritures des consorts X... qui faisaient valoir qu'un accord entre l'expropriante et le preneur aurait fixé à 60 000 € le montant de l'éviction, soit près du double du montant mentionné par le premier juge en application du protocole d'accord d'avril 2005 entre le monde agricole et la direction des services fiscaux (36 841€ ), entraînant ainsi une minoration drastique de l'indemnité nette leur revenant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que les consorts X... n'ayant pas sollicité le versement d'une indemnité en valeur occupée, la cour d'appel, qui a fixé l'indemnité de dépossession en valeur libre et qui a exactement retenu qu'il appartenait aux consorts X... de verser au locataire dénoncé une indemnité qu'il ne lui incombait pas de fixer, n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à la Communauté des communes du Canton de Bolbec devenue communauté de commune de la Vallée de la Seine la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé à la somme de 133.631 € l'indemnité totale de dépossession à verser par l'autorité expropriante aux consorts X... concernant l'expropriation de la parcelle cadastrée ZD 1 à BOLBEC, en valeur libre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la date de référence doit être fixée au 7 février 2005 (un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique) ; qu'à la date de référence, le bien exproprié est un terrain agricole d'une superficie de 60.287 m2, d'un seul tenant, de forme régulière et plan, en nature de terre de labour de très bonne qualité, occupant la partie haute de la plaine de la Jolie, situé en zone NC du plan d'occupation des sols de la commune de BOLBEC, cadastré section ZDI ; que le bien exproprié à usage agricole est loué par les consorts X... à M. Y..., agriculteur à BOLBEC, par bail rural à long terme d'une durée de dix huit ans, venant à échéance le 28 septembre 2015 ; qu'il est desservi par un chemin rural d'exploitation qui, non recouvert de bitume, n'est praticable que par les engins agricoles ; qu'une conduite d'eau d'un diamètre de 60 millimètres alimentant un point d'eau, est établie à 400 m de la parcelle expropriée ; qu'une ligne de distribution d'électricité est établie à une distance de 254 m et l'installation d'un transformateur serait nécessaire ;que ces réseaux de distribution sont, par ailleurs, de dimension insuffisante ; que le premier juge a considéré, à juste titre, qu'à la date de référence (7 février 2005) le bien exproprié, situé alors en zone NC inconstructible, ne pouvait être qualifié de terrain à bâtir ; qu'il sera observé toutefois que le terrain exproprié était désormais classé depuis le 6 janvier 2006 dans la zone AUb du plan d'urbanisme de BOLBEC et qu'à terme, il deviendra constructible ;
ET QUE compte tenu des éléments de comparaison produits, relatifs aux terres agricoles du pays de Caux (cantons de BOLBEC, LILLEBONNE, SAINT-ROMAIN-DE-COLBOSC), il a justement fixé sur la base de 2 € par m2 le montant des indemnités d'expropriation ainsi qu'il suit : - indemnité principale de dépossession : 60.287 m2 x 2 €/m2 = 120.574 € ; - indemnité accessoire de remploi : 20 % jusqu'à 5.000 € soit 1.000 € et non 1.000.000 € comme indiqué à la suite d'une erreur de plume dans l'arrêt , 15 % entre 5.000 € et 15.000 € soit 1.500 €, 10 % sur 105.574 € soit 10.557 € = 13.057 € , Total : 133.631 € ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' au regard de l'article L 13-15 II du code de l'expropriation, le terrain est bien desservi par une voie d'accès, un chemin d'exploitation en l'espèce ; que cependant il ne peut recevoir la qualification de TAB sic dans la mesure où le réseau d'eau (diamètre 60) apparaît insuffisant et non adapté à la zone, et où le réseau d'électricité fait défaut, l'installation d'un transformateur s'avérant nécessaire ;
QU' il a été démontré que la demande faite sur la base de 15 € le m2, correspondant à la valeur d'un TAB viabilisée dans le secteur, ne saurait être accueillie par la juridiction, eu égard à la qualification retenue ; qu'il en est de même en ce qui concerne la demande subsidiaire sur la base de 7 € le m2 de TAB à usage agricole ; que les terres occupées hors ZAC ont une valeur moyenne, tirée de l'étude du marché foncier local, de 0,48 €, selon les données fournies par Monsieur le Commissaire du Gouvernement ; qu'au cas d'espèce, il convient de tenir compte de l'intégration du terrain à la ZAC projetée depuis 2000, laquelle lui confère de facto un potentiel de constructibilité, d'où son classement actuel en zone 2UAB dans le PLU de la Commune de BOLBEC, alors qu'à la date de référence, la parcelle est bien située en zone NC ; que la valeur de cette terre agricole doit en conséquence bénéficier d'une plus-value, laquelle a d'ailleurs été appliquée dans les termes de comparaison les mieux adaptés à l'évaluation soumise à l'appréciation de la juridiction, s'agissant des acquisitions amiables récentes déjà réalisées, hors DUP, dans le périmètre de la ZAC, et produites aux débats ; qu'en valeur libre, le prix moyen tiré de ces 9 acquisitions amiables s'élevait à 1,95 €, en 2006 ; que l'actualisation au jour du jugement de première instance justifie qu'il soit fixé un prix au m2, de 2 €, tenant compte de la relative proximité des réseaux, de la potentialité, et de l'évolution du marché foncier local ; qu'ainsi l'indemnité principale en valeur libre, de l'expropriation de la parcelle des consorts X... peut être fixée à la somme de 12°.574 €, à charge pour les consorts X... de régler à monsieur Y... ses indemnités d'éviction ;
1/ ALORS QUE ayant admis la «relative proximité des réseaux» (jugement, p.6, § 6), la Cour d'appel ne pouvait alléguer, pour nier la suffisance de la desserte, du caractère non bitumé du chemin d'accès, sans s'expliquer sur le mémoire des consorts X... qui faisait valoir que cette voie desservait les parcelles appartenant à 6 propriétaires pour 3 exploitations et qu'en tout état de cause les expropriés ne pouvaient être tenus pour responsables du défaut d'entretien de cette voie par la commune expropriante (mémoire du 18 avril 2008, p.18, § 4, 5 et 8) ; qu'en se déterminant de la sorte, elle a méconnu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2/ ALORS QU' en entérinant comme base d'indemnisation le montant des accords amiables tel qu'invoqués par l'expropriante, sans fournir, nonobstant les contestations nourries articulées par les expropriés à l'encontre des calculs établis par l'expropriante et repris par le commissaire du gouvernement, lesquels ne tenaient pas compte des rétrocessions réalisées « à perte » et indiquaient, sur le fondement de surfaces annoncées erronées, un prix moyen faux lui aussi, la Cour d'appel, qui s'est contentée de déclarer, par motifs adoptés, les acquisitions amiables récentes déjà réalisées, hors DUP, dans le périmètre de la ZAC» constituaient « les termes de comparaison les mieux adaptés » (jugement, p.6, § 5), a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 13-15-1 du Code de l'expropriation, ensemble l'article L 13-16 du même Code de l'expropriation ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir, jugé qu'une indemnité d'éviction serait due par les consorts X... à Monsieur Y..., exploitant agricole, l'indemnité principale étant fixée en valeur libre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'indemnité du locataire, par application du protocole d'accord conclu entre la Chambre d'Agriculture de la Seine-Maritime et la Direction des services fiscaux et relatif à l'indemnisation des exploitants agricoles, dans la mesure où l'indemnité est supérieure à 1,5 €/m2, il appartient aux propriétaires expropriés d'indemniser le locataire énoncé évincé : que la détermination du montant de l'indemnité d'éviction relève des relations contractuelles entre le bailleur et le preneur ; qu'en ce cas, le montant de l'indemnité d'éviction agricole n'est pas fixé par la juridiction de l'expropriation ;
ET AUX MOTIFS EXPRESSEMENT ADOPTES QUE suivant le protocole d'accord passé entre le monde agricole et la Direction des Services Fiscaux en avril 2005, la parcelle sous emprise doit être évaluée en valeur libre, bien qu'elle fasse l'objet d'un bail à long terme, l'indemnisation du locataire exploitant devant être prise en charge par le propriétaire dépossédé, puisque l'offre d'indemnités de dépossession faite par le 3 CB la communauté de communes du canton de BOLBEC aux consorts X... est supérieure à la base de 1,50 € le m2 (offre faite sur la base de 1,68 € le m2) ; qu'à titre indicatif, suivant le protocole susvisé, M. Y..., exploitant la parcelle, devrait obtenir une indemnité minimum de 36.841 €, soit :- 5 années de marge brute = 5.730 €/ha x 6,0287=34.544€ ; -fumures et arrières fumures = 381€/ha x 6,0287=2.297 € : TOTAL = 36.841 € ; (…) qu'ainsi l'indemnité principale en valeur libre, de l'expropriation de la parcelle des consorts X..., peut être fixée à la somme de 120.574 €, à charge pour les consorts X..., de régler à Monsieur Y... ses indemnités d'éviction ;
1/ ALORS QU' en imposant aux expropriés la prise en charge de l'indemnité d'éviction sur l'estimation de laquelle elle n'a fourni que des approximations, sur le fondement d'un protocole d'accord étranger aux époux X..., sans vérifier dans quelle mesure cet acte leur serait opposable, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 13-13 du Code de l'expropriation ;
2/ ALORS QU'en laissant sans réponse les écritures des consorts X... (mémoire du 16 avril 2008, p.15, § 3 et 4) qui faisaient valoir, élément de preuve à l'appui, qu'un accord entre l'expropriante et le preneur aurait fixé à 60.000 € le montant de l'éviction, soit près du double du montant mentionné par le premier juge en application du protocole d'accord d'avril 2005 entre le monde agricole et la Direction des Services Fiscaux (36.841 €), entraînant ainsi une minoration drastique de l'indemnité nette leur revenant, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile.