LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un acte notarié du 4 décembre 1986, Jacqueline X... a donné en avancement d'hoirie à Mme Y..., sa fille, un terrain situé à Olmeto, lieu-dit Nodo, cadastré section D n° 273, sur lequel la donataire a fait édifier une maison ; que Jacqueline X... est décédée le 20 janvier 2009, laissant pour lui succéder son époux, M. Jean-Pierre Z..., l'enfant né de leur mariage, Frédéric, et deux enfants issus d'une première union, Mme et M. Y... ; qu'un litige est né au cours du partage de la succession ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 860 du code civil ;
Attendu que, pour dire que Mme Y... est tenue de rapporter la parcelle D n° 273 à la succession de Jacqueline X..., ce rapport étant évalué à la somme de 96 054 euros et qu'il s'effectuera en valeur en moins prenant, par imputation sur la part de Mme Y..., l'arrêt retient que cette parcelle a été entièrement viabilisée, que Mme Y... y a construit une maison et qu'il convient de retenir l'estimation du cabinet BEI ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, quel était l'état du bien à l'époque de la donation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que, pour fixer la valeur des parcelles situées à Olmeto, cadastrées n° D 270, D 271 et D 272, selon l'évaluation du rapport du cabinet BEI, et à 600 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par M. Jean-Pierre Z... depuis le décès de son épouse, l'arrêt retient, d'une part, que ce rapport est pertinent, d'autre part, par motifs propres et adoptés, que son auteur a estimé la valeur locative de la maison à 1 200 euros par mois et que M. Jean-Pierre Z... n'en occupe que le premier étage, ce qui correspond à la moitié de la superficie de la maison ;
Qu'en statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur un rapport d'expertise non contradictoire et dont les conclusions étaient contestées par la partie à laquelle il était opposé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme Y... est tenue de rapporter la parcelle D n° 273 à la succession de Jacqueline X..., ce rapport étant évalué à la somme de 96 054 euros et s'effectuera en valeur en moins prenant, par imputation sur la part de Mme Y..., fixe la valeur des parcelles situées à Olmeto, cadastrées n° D 270, D 271 et D 272, selon l'évaluation du rapport du cabinet BEI et dit que M. Jean-Pierre Z... est débiteur envers la succession d'une indemnité d'occupation de 600 euros par mois depuis le décès de son épouse, l'arrêt rendu le 21 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne MM. Jean-Pierre et Frédéric Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR entériné le rapport d'expertise immobilière du BEI en date du 20 septembre 2011 en ce qu'il a procédé à l'évaluation de l'ensemble des biens de la succession de feue Jacqueline X... épouse Z... et, en conséquence, d'AVOIR dit et jugé que Mme Y... était tenue de rapporter la parcelle D n° 273 à la succession de feue Jacqueline X... épouse Z..., le rapport étant évalué à la somme de 96.054 € et devant s'effectuer en valeur et en moins prenant, par imputation sur la part de Mme Y... ;
AUX MOTIFS, sur le rapport dû par Mme Véronique Y..., épouse A... au titre de la donation de la parcelle de terre cadastrée section D numéro 273 à Olmeto, QUE devant la Cour, Mme Véronique Y... épouse A... prétend devoir rapporter en moins prenant la somme de 5.520 euros et subsidiairement celle de 9.854,24 euros ; qu'elle se fonde sur le plan de délimitation dressé par M. B..., géomètre, qui a à sa demande distingué la partie de la parcelle supportant les bâtis d'une surface de 3 a 68 ca et l'autre partie non bâtie d'une surface de 34 a 92 ca ; qu'elle conteste la valeur retenue par le cabinet BEI soit 24,88 euros le m² et affirme que le prix au m² ne peut pas excéder 15 euros ; que subsidiairement, elle retient la valeur proposée par le cabinet BEI mais uniquement pour la partie constructible de la parcelle 273 ; que M. Jean-Pierre Z... demande quant à lui la confirmation du jugement ayant évalué le rapport de la donation à la somme de 96.054 euros ; qu'il est établi que la parcelle d'une surface de 3.860 m² est entièrement viabilisée et que Mme Véronique Y... épouse A... y a d'ailleurs construit une maison d'habitation d'une surface de 130 m² au sol ; que le rapport BEI n'a pas été établi en présence de toutes les parties mais il a été soumis à leur discussion dans le cadre de la présente instance ; qu'il peut donc être retenu comme élément dans la décision à prendre d'autant qu'il mentionne les méthodes d'évaluation utilisées ; que le prix de cession au m² des terrains relevant du domaine privé de la mairie ne peut par contre pas être retenu, l'objectif assigné aux transactions effectuées dans ce cadre étant des considérations d'intérêts général pouvant avoir une incidence sur le prix ; que quant à la division de la parcelle 273 entre la partie bâtie et la surface non bâtie que l'appelante a fait matérialiser en cours d'instance, elle est inopérante puisque le terrain est entièrement viabilisé ainsi qu'en justifie M. Z... par la production d'un constat d'huissier et par l'attestation des époux C..., anciens locataires de Mme Y... ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu l'estimation du cabinet BEI pour fixer la valeur du rapport à la succession de la parcelle D 273 à la somme de 96.054 euros ;
1) ALORS QUE si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant sur le seul rapport d'expertise non contradictoire du cabinet BEI établi à la demande de M. Z..., dont les conclusions étaient contestées par Mme Y... épouse A..., pour fixer la valeur du rapport dû par cette dernière à la succession de la parcelle D 273 à la somme de 96.054 euros, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; qu'en retenant, pour fixer la valeur de la parcelle donnée en vue de son rapport, qu'elle était entièrement viabilisée et que la donataire y avait d'ailleurs construit une maison d'habitation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (v. conclusions p. 7, antépénultième al.), quel était son état à l'époque de la donation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 860 du Code civil ;
3) ALORS QU'en toute hypothèse le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; qu'en se fondant exclusivement, pour fixer la valeur de la parcelle donnée en vue de son rapport, sur le fait que celle-ci était entièrement viabilisée et que sa division entre la partie bâtie et la surface non bâtie était inopérante, quand la valeur vénale d'un terrain doit être fixée en considération non pas seulement de sa viabilisation, c'est-à-dire de son raccordement aux voies et réseaux divers, mais aussi et principalement au regard de sa constructibilité, et qu'un terrain viabilisé n'est pas nécessairement constructible en application des règles du droit de l'urbanisme, la Cour d'appel a violé l'article 860 du Code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR entériné le rapport d'expertise immobilière du BEI en date du 20 septembre 2011 en ce qu'il avait procédé à l'évaluation de l'ensemble des biens de la succession de feue Jacqueline X... épouse Z... ;
AUX MOTIFS, sur l'évaluation des parcelles D 270, D 271 et D 272, QUE Mme Véronique Y... épouse A... demande que la valeur de la parcelle D 272 sur laquelle les époux Z...
X... ont édifié une maison de 207 m² soit fixée à 521.433 euros ; qu'elle demande également que la valeur des terrains adjacents (270 et 271) soit fixée à la somme de 33.398,26 euros ; que M. Jean-Pierre Z... demande quant à lui la confirmation du juge jugement ayant retenu la valeur proposée par le cabinet BEI à savoir une valeur vénale de 217.241 euros pour la maison et 2.400 euros pour les parcelles D 270 et 271 ; que le rapport du BEI évalue la maison d'habitation à la somme de 217.241 euros dans une fourchette allant de 164.625 euros à 316.305 euros ; que contrairement à ce que prétend Mme Véronique Y... épouse A..., le rapport propose une valeur selon la méthode comparative par sol plus constructions, la méthode par capitalisation et la méthode dite du discounted cash flow et prend pour référence une maison vendu à Olmeto en 2005 de 220 m² sur une surface de 2.000 m² ; mais qu'il applique à l'espèce un coefficient de vétusté de 42% au motif que des travaux sont nécessaires sur la chaudière, les sols et les peintures ; qu'il en résulte que comme l'a fait le tribunal, la parcelle D 272 peut être évaluée à 217.241 euros ; que le jugement querellé sera confirmé sur ce point ; que quant aux parcelles D 270 et D 271, Mme Véronique Y... épouse A... affirme qu'elles sont constructives sans en justifier ; qu'en effet, le certificat d'urbanisme qu'elle produit n'a pas été délivré par l'autorité compétente ; que quant à l'avis du 21 novembre 2014 de Capi France déterminant la valeur de ces parcelles pour une somme de 16,50 euros au m² pour la partie constructible et de 0,20 euros au m², il concerne la parcelle 273 et non les parcelles 270 et 271 ; que de plus, il ressort du rapport BEI que les parcelles 270 et 271 ne sont pas constructibles de sorte qu'elles ne peuvent être évaluées comme un terrain agricole à 2.400 euros ; que le jugement querellé sera confirmé sur ce point ;
ALORS QUE si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant sur le seul rapport d'expertise non contradictoire du cabinet BEI établi à la demande de M. Z..., dont les conclusions étaient contestées par Mme Y... épouse A..., pour fixer la valeur des parcelles D 270, D 271 et D 272, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR entériné le rapport d'expertise immobilière du BEI en date du 20 septembre 2011 en ce qu'il avait procédé à l'évaluation de l'ensemble des biens de la succession de feue Jacqueline X... épouse Z... et d'AVOIR dit et jugé que M. Jean-Pierre Z... est débiteur envers la succession d'une indemnité d'occupation de seulement 600 € par mois depuis le décès de son épouse ;
AUX MOTIFS sur l'indemnité d'occupation QUE Mme Véronique Y... épouse A... estime que l'indemnité d'occupation due par M. Jean-Pierre Z... à la succession de son épouse doit être fixée à 12.000 euros par an ; que M. Z... demande la confirmation du jugement ayant fixé cette indemnité à 600 euros par mois ; qu'il ressort du rapport du BEI que la valeur locative de la maison est estimée à 1.200 euros ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a fixé à la somme de 600 euros l'indemnité correspondant à l'occupation que fait M. Jean-Pierre Z... du bien qui lui est attribué ; que le jugement querellé sera confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 815-9, alinéa 2, du Code civil « l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité » ; qu'il n'est ni contestable ni contesté que M. Jean-Pierre Z... occupe le premier étage de la villa cadastrée D272 actuellement en indivision ; qu'il est donc redevable d'une indemnité ; que l'expertise du BEI fixe une valeur locative de l'ensemble de la maison à 1.200 € mensuelle ; que le défendeur occupant le premier étage correspondant à la moitié de la superficie de la maison, il convient de fixer le montant de l'indemnité à la moitié de la valeur locative soit 600 € ;
ALORS QUE si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant sur le seul rapport d'expertise non contradictoire du cabinet BEI établi à la demande de M. Z..., dont les conclusions étaient contestées par Mme Y... épouse A..., pour fixer la valeur le montant de l'indemnité d'occupation due par M. Z..., la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.