LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Antoine X... et Charlotte Y... se sont mariés le 19 décembre 1936 sous l'ancien régime légal de la communauté de meubles et acquêts et ont divorcé le 20 octobre 1960, après avoir eu trois enfants, Pascal, Claude et Monique, épouse Z... ; qu'Antoine X... et Mme Antoinette A... se sont mariés le 4 mars 1963 et ont eu deux enfants, Michel et Franck ; qu'Antoine X... est décédé le 5 juillet 1998 ; que, par acte des 21 et 25 octobre 2004, MM. Pascal et Claude X... et Monique X... (les consorts X...) ont assigné Mme Antoinette A... et MM. Michel et Franck X... en partage ; que Monique X... est décédée le 30 avril 2008 en laissant pour lui succéder ses deux enfants, Danielle et Antoine ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme Antoinette A... et MM. Michel et Franck X... (les consorts A...) font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de rapport à la succession d'Antoine X..., par les consorts X..., de la valeur du fonds de commerce de la société Essor commercial, ainsi que de la valeur des locaux commerciaux abritant le fonds ;
Attendu qu'ayant retenu qu'il résultait de l'acte de vente des locaux commerciaux que le prix avait été payé comptant au moyen des deniers personnels d'Antoine X..., la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la première branche du premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir retenu que l'article 1423 du code civil n'est pas applicable au legs d'un bien dépendant d'une indivision, fût-elle post-communautaire, la cour d'appel a prononcé, en application de l'article 1021 du code civil, la nullité du testament olographe par lequel Antoine X... avait légué aux consorts A... des biens dépendant de l'indivision post-communautaire ayant existé entre Charlotte Y... et lui ;
Qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 2229 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, applicable en la cause ;
Attendu que, pour rejeter la demande des consorts A... tendant à voir juger qu'Antoine X... a acquis la pleine propriété d'un bien situé... à Ajaccio par usucapion, l'arrêt énonce que les documents produits par ceux-ci, dont certains établissent la réalisation de travaux importants par Antoine X..., ne permettent pas de caractériser une possession à titre de propriétaire exclusif et qu'au surplus, des pièces sont postérieures au décès d'Antoine X... et au nom de Mme A... alors que les consorts X... justifient que, dès 1998, ils ont demandé au notaire de régler les successions de leurs parents, manifestant ainsi l'intention de procéder au partage des biens indivis ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en mettant en location le bien, en encaissant seul les loyers et en payant seul les charges, sans rendre compte et sans contestation, pendant plus de trente ans après la dissolution de la communauté ayant existé entre Charlotte Y... et lui, Antoine X... ne s'était pas comporté comme seul et unique propriétaire de ce bien, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement ayant rejeté la prétention de pleine propriété d'Antoine X... par usucapion du bien situé... à Ajaccio, dit que le bien immobilier situé au... est un bien relevant de l'indivision post communautaire X.../ Y..., dit que le testament du 27 décembre 1994 établi par Antoine X... est nul et dit qu'en conséquence, la fin de non-recevoir tiré de l'existence d'un testament-partage est sans objet, l'arrêt rendu le 29 janvier 2014 entre les parties par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux consorts A... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour Mme Antoinette X... et autres
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit « que le bien immobilier situé au... est un bien relevant de l'indivision post-communautaire X.../ Y... ; que le testament du 27 décembre 1994 établi par Antoine X... est nul ; qu'en conséquence, la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'un testament partage est sans objet » ;
AUX MOTIFS QUE « les dispositions de l'article 1423, alinéa 2, ne sont pas applicables au legs d'un bien dépendant d'une indivision, fût-elle post-communautaire ; que cependant, en vertu de l'article 1021 dont la rédaction n'a pas changé postérieurement à la loi du 23 juin 2006, l'ascendant ne peut inclure dans un testament que les biens dont il a la propriété et la libre disposition et non ceux dépendant de la communauté dissoute mais non encore partagée ayant existé entre lui et son exconjoint, la Cour de cassation sanctionnant, par ailleurs, la pratique dite du testament partage cumulatif ; qu'il n'est pas contesté en la cause que dans le testament litigieux, M. Antoine X... a disposé du bien immobilier situé au... qui dépend de l'indivision post-communautaire X.../ Y... ; que dès lors, les appelants ne peuvent valablement s'opposer à la nullité du testament litigieux sur le fondement de l'article 1021 susvisé ; qu'ils ne sauraient pas davantage se prévaloir, en l'espèce, de la prescription quinquennale prévue à l'article 1304 du Code civil visant les conventions, ni de la prescription édictée par l'article 1427 exclusivement réservée à l'action en nullité exercée par le conjoint contre l'époux qui a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs ; que dès lors, la Cour confirmera le jugement querellé, mais par substitution de motifs, en ce qu'il dit nul le testament d'Antoine X... du 27 décembre 1994 ; qu'en conséquence, la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'un testament partage ne peut qu'être rejetée » (arrêt p. 9-10) ;
1°/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que dès lors, en déclarant nul le testament partage établi le 27 décembre 1994 par Antoine X... par application de l'article 1021 du Code civil, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce fondement qu'elle a substitué d'office au fondement invoqué par les consorts X...- Z... à l'appui de leur demande, la Cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du Code de procédure civile.
2°/ ALORS QUE la nullité d'un testament partage incluant des biens dont l'ascendant n'a pas la propriété et la libre disposition est une nullité relative soumise à la prescription abrégée de l'article 1304 du Code civil ; que dès lors, en affirmant, pour déclarer nul le testament partage du 27 décembre 1994 sur le fondement de l'article 1021 du Code civil, en conséquence sans objet la fin de non-recevoir tirée de l'existence de ce testament partage et accueillir la demande en partage de la succession d'Antoine X..., que les appelants ne pouvaient opposer à la nullité du testament la prescription quinquennale prévue à l'article 1304 du Code civil visant les convention, la Cour d'appel a violé ce texte ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir « rejeté la prétention de pleine propriété d'Antoine X... par usucapion du bien situé... à AJACCIO » et dit que ce bien relève de l'indivision post-communautaire X.../ Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le caractère exclusif de la possession d'un propriétaire indivis ne peut être établi que par l'existence d'actes incompatibles avec cette seule qualité ; qu'en l'espèce, les appelants produisent notamment diverses factures portant sur des travaux, notamment de remise en état de l'appartement après le départ d'un locataire (pièce 47), un procès-verbal d'assemblée générale de la copropriété, et différentes lettres du syndic, la SARL de Gestion Immobilière, adressées à « Madame, Mademoiselle, Monsieur » (pièces 52, 53, 54, 55 et 57) ; que toutefois, ces documents, dont certains établissent incontestablement la réalisation de travaux importants par M. Antoine X... qui génèrent, au demeurant, une créance à ce titre à l'encontre de l'indivision portant sur l'immeuble concerné, au profit de sa succession, ne permettent pas de caractériser une possession à titre de propriétaire exclusif ; qu'au surplus, la Cour relève que les pièces 18 à 25, 40, 44, 58, 58 bis, 58 ter et 62, produites par les appelants, pour se prévaloir de l'usucapion de l'immeuble situé au n° ...à Ajaccio, sont postérieures au décès de M. Antoine X... et au nom de Mme A... veuve X.... Or, les intimés justifient que dès 1998, après le décès de leur père, ils ont demandé à Me C..., notaire, de régler les successions de leurs père et mère, manifestant ainsi l'intention de procéder au partage des biens indivis ; que dans ces conditions, Mme A... veuve X... ne peut valablement arguer de la continuation par elle d'une possession paisible à titre de propriétaire ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la prétention de pleine propriété d'Antoine X... par usucapion du bien situé... à Ajaccio et dit que ce bien immobilier relevait de l'indivision post-communautaire X.../ Y... » (arrêt p. 13) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il n'est pas contesté par les défendeurs ni contestable que ce bien acquis au cours du mariage ait constitué un bien de communauté ; les factures établies au nom de Madame A... veuve X... et les charges payées par elle après le décès du de cujus en 1998 sont indifférentes au débat sur l'usucapion par Monsieur Antoine X... du bien litigieux ; la jouissance des biens situés... dont a profité Monsieur X... qui a rénové les appartements pour leur mise en location ne caractérise pas des actes incompatibles avec la seule qualité de propriétaire indivis, ni des actes manifestant à l'encontre de la coindivisaire, Madame Y..., puis de ses héritiers suite à son décès survenu le 31 janvier 1997, une intention de se comporter en propriétaire exclusif ; en conséquence, il y a lieu de dire que le bien immobilier situé... est un bien relevant de l'indivision post-communautaire X.../ Y... (jugement p. 7-8) ;
ALORS QU'un indivisaire peut acquérir par prescription tout ou partie d'un immeuble indivis dès lors qu'il accomplit sur celui-ci des actes de possession démontrant son intention de se comporter en propriétaire exclusif ; que dès lors, en se bornant à affirmer, pour rejeter la prétention de pleine propriété d'Antoine X... par usucapion du bien situé... à AJACCIO, que la jouissance de ces biens ne caractérise pas des actes incompatibles avec la seule qualité de propriétaire indivis, que la réalisation de travaux par Antoine X..., un procès-verbal d'assemblée générale de la copropriété et différentes lettres du syndic adressées à Madame, Mademoiselle, Monsieur ne caractérisent pas une possession à titre exclusif, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en mettant en location les appartements du..., en encaissant seul les loyers et en payant seul les charges, sans rendre compte et sans contestation, pendant plus de trente ans après la dissolution de la communauté, Antoine X... ne s'était pas comporté comme seul et unique propriétaire de ce bien, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 2229 du Code civil, ensemble l'ancien article 815-3 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Antoinette A... épouse X..., Monsieur Michel X... et Monsieur Franck X... de leur demande de rapport à la succession d'Antoine X..., par Monsieur Pascal X..., Monsieur Claude X..., Madame Danielle Z... épouse B... et Monsieur Antoine Z..., de la valeur du fonds de commerce de la société ESSOR COMMERCIAL ainsi que de la valeur des locaux commerciaux abritant le fonds de commerce ;
AUX MOTIFS QUE « les appelants ne produisent aucun élément démontrant que M. Antoine X... a consenti une donation de son fonds de commerce à ses trois enfants issus de sa première union, ni que ces derniers ont acquis des locaux commerciaux dont le prix a été payé par leur père ; que par ailleurs, les intimés produisent des documents qui confortent leurs déclarations, notamment les statuts de la SARL « Essor Commercial Corse », et l'extrait K bis de la société, permettant de constater un apport par chacun des quatre associés de 12. 500 francs, ainsi que de la création du fonds de commerce par ladite société, placée ensuite en redressement judiciaire par jugement du 16 novembre 1981 du tribunal de commerce d'Ajaccio ; qu'en outre, au vu des pièces versées aux débats, les intimés n'ont exploité aucun fonds de commerce en leur nom personnel et celui qui a été exploité par la SARL « Essor Commercial Corse », société propriétaire dudit fonds et dotée de la personne morale, ne peut faire l'objet d'un rapport en valeur à la succession de M. Antoine X... ; qu'en ce qui concerne les locaux commerciaux, les appelants versent aux débats divers actes notariés, notamment l'acte des 8 février et 26 mai 1972 portant vente à M. Pascal X... des lots 90, 91, 92 et 93, aux termes de cet acte le prix a été payé comptant des derniers personnels de l'acquéreur ; que les appelants ne rapportent pas la preuve d'une donation par le défunt, à son fils Pascal X..., qui était salarié et disposait de revenus, des fonds qui ont financé le paiement du prix de l'acquisition susvisée ; qu'en conséquence, au vu de l'ensemble des éléments et pièces soumis à son appréciation, la Cour déboutera les appelants de leur demande de rapport successoral formulée à l'encontre des intimés, portant sur les biens ci-dessus désignés » ;
ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour débouter les consorts A...- X... de leur demande de rapport à la succession de la valeur des locaux commerciaux abritant le fonds de commerce de la société ESSOR COMMERCIAL, qu'ils ne produisent aucun élément démontrant que les trois enfants d'Antoine X... issus de sa première union ont acquis des locaux commerciaux dont le prix a été payé par leur père, qu'aux termes d'un acte notarié des 8 février et 26 mai 1972 portant vente des lots 90, 91, 92 et 93 à Monsieur Pascal X..., le prix a été payé comptant des deniers personnels de l'acquéreur et qu'ils ne rapportent pas la preuve d'une donation par le défunt à son fils Pascal X... des fonds ayant financé le paiement de cette acquisition, sans examiner, même sommairement, le compromis de vente du 15 janvier 1965, les reçus des sommes versées par Antoine X..., ses chéquiers personnels, l'extrait du registre du commerce de la société ESSOR COMMERCIAL, qui lui étaient soumis par les consorts A...- X... et faisant apparaître que Antoine X... avait acquis des locaux commerciaux Résidence Savreux à AJACCIO où s'est installée la société ESSOR COMMERCIAL et que ses enfants issus de sa première union avaient ensuite revendus, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.