LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avis de la chambre criminelle :
Vu les articles 8 et 15 de la directive n° 2008/ 115/ CE du Parlement et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ensemble les articles 63 et 67 du code de procédure pénale, applicables à la date des faits ;
Attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 28 avril 2011, El Dridi, C-61/ PPU, et du 6 décembre 2011, Achughbabian, C-329/ 11) que la directive 2008/ 115/ CE s'oppose à une réglementation nationale réprimant le séjour irrégulier d'une peine d'emprisonnement, en ce que cette réglementation est susceptible de conduire, pour ce seul motif, à l'emprisonnement d'un ressortissant d'un pays tiers, lorsque ce dernier, non disposé à quitter le territoire national volontairement, soit n'a pas été préalablement soumis à l'une des mesures coercitives prévues à l'article 8 de cette directive, soit, a déjà fait l'objet d'un placement en rétention, mais n'a pas vu expirer la durée maximale de cette mesure ; qu'en outre, en cas de flagrant délit, le placement en garde à vue n'est possible, en vertu des articles 63 et 67 du code de procédure pénale, qu'à l'occasion d'enquêtes sur les délits punis d'emprisonnement ; qu'il s'ensuit que le ressortissant d'un pays tiers, en séjour irrégulier en France, qui n'encourt pas l'emprisonnement prévu par l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'il se trouve dans l'une ou l'autre situation exposée par la jurisprudence européenne précitée, ne peut être placé en garde à vue à l'occasion d'une procédure de flagrant délit diligentée de ce seul chef ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. Yassine X..., alias Omar Y..., de nationalité tunisienne, en situation irrégulière en France, à l'encontre duquel avait été pris et notifié, le 21 décembre 2010, un arrêté de reconduite à la frontière, a, le 16 mai 2011, été interpellé en état de flagrance et placé en garde à vue pour séjour irrégulier en France ; que, le même jour, le préfet de l'Oise a pris à son encontre une décision de placement en rétention administrative ; qu'un juge des libertés et de la détention a dit n'y avoir lieu de prolonger la mesure de rétention ;
Attendu que, pour infirmer cette décision, l'ordonnance attaquée, après avoir rappelé les termes de l'arrêt El Dridi de la Cour de justice, retient que cette jurisprudence ne s'oppose pas aux dispositions de l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sanctionne pénalement le seul séjour irrégulier, et relève que l'intéressé a été placé en garde à vue pour séjour irrégulier, sur le fondement de l'article précité ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, au vu des pièces de la procédure suivie devant lui, si l'intéressé avait été préalablement soumis à une mesure coercitive au sens de l'article 8 de la directive n° 2008/ 115/ CE et, dans l'hypothèse où ce dernier aurait fait l'objet d'un placement en rétention, si la durée de celle-ci avait été maximale, le premier président a privé sa décision de base légale ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue, le 20 mai 2011, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. Yassine X..., alias Omar Y....
Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance rendue par le juge des libertés du Tribunal de Grande Instance de MEAUX ayant rejeté la demande de prolongation de la mesure de rétention dont Monsieur Y... faisait l'objet ;
Aux motifs que « Considérant sur la légalité de la garde à vue, que la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 28 avril 2011 a décidé que la directive du 16 décembre 2008 et notamment ses articles 15 et 16, devait être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation d'un Etat membre telle que celle en cause dans l'affaire en principal s'agissant en l'espèce, de l'incrimination pénale d'un arrêté d'expulsion selon la législation italienne, qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié ;
Considérant que l'article 79 paragraphe 2 sous c/ du TFUE ainsi que la directive du 16 décembre 2008 n'excluent pas la compétence pénale des Etats membres dans le domaine de l'immigration clandestine et du séjour irrégulier ; que ces derniers doivent toutefois aménager leur législation dans ce domaine de manière à assurer le respect du droit de l'Union afin d'exclure une réglementation susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs poursuivis par la directive ;
Considérant qu'en conséquence de l'article 1er de la directive précitée qui définit son objet, un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier ne peut invoquer la violation de la directive qu'à partir du moment où il a été décidé de mettre fin à son séjour irrégulier par une décision de retour ; que les modalités de son arrestation initiale par les autorités compétentes demeurent en revanche régies par la législation nationale ;
Considérant qu'il se déduit alors, de l'arrêt du 28 avril 2011 pris sur le fondement des articles 15 et 16 de la directive qui sont relatifs à la rétention à des fins d'éloignement, que cette décision ne s'oppose pas aux dispositions de l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sanctionne pénalement le seul séjour irrégulier ;
Considérant en l'espèce, que l'intimé a été placé en garde à vue pour « séjour irrégulier » soit sur fondement de l'article L. 621-1 du code précité qui prévoit la peine de un an d'emprisonnement ; que le placement en garde à vue est donc régulier et l'ordonnance déférée infirmée »
Alors que la directive n° 2008/ 115/ CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, notamment ses articles 8, 15 et 16, telle qu'interprétée par la Cour de Justice de l'Union Européenne par un arrêt préjudiciel du 28 avril 2011, s'oppose à ce qu'un Etat membre de l'Union édicte ou maintienne en vigueur une réglementation prévoyant l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié ; qu'en refusant de considérer que la mesure de rétention administrative dont Monsieur Y... a fait l'objet était entachée d'irrégularité dès lors que la mesure de garde à vue qui l'a immédiatement précédée, décidée pour le seul motif que ce dernier était en situation de séjour irrégulier, était elle-même entachée d'irrégularité pour être fondée sur les dispositions de l'article L. 621-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles doivent être laissées inappliquées en ce qu'elles prévoient une peine d'emprisonnement pour séjour irrégulier, compte tenu de l'interprétation adoptée par la Cour de Justice de l'Union Européenne, la Cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 8, 15 et 16 de la directive n° 2008/ 115/ CE du 16 décembre 2008.