LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1610 et 1651 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., chirurgien-dentiste, a signé le 29 décembre 2004 une "offre de prix" formulée par la société Faynel Jost et portant sur la vente de matériels dentaires ; que le 5 janvier suivant, il a informé cette dernière de sa volonté de modifier la commande et de suspendre le contrat pendant quelques mois ; que la société Faynel Jost, après lui avoir réclamé en janvier 2006 le paiement du prix, a obtenu en référé sa condamnation à titre provisionnel, contre livraison du matériel commandé ; que M. X... a saisi le tribunal aux fins de voir dire qu'aucun contrat définitif n'avait été conclu entre les parties et, subsidiairement, de voir prononcer la résolution de la vente pour défaut de délivrance ;
Attendu que pour le débouter de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient le caractère parfait de la vente, par accord sur la chose et sur le prix, et, après avoir relevé, par motifs adoptés, que la société Faynel Jost ne rapportait pas la preuve qu'elle eût tenté d'organiser la livraison du matériel, énonce que M. X... ne peut cependant opposer une exception d'inexécution pour défaut de délivrance alors qu'il a été mis en demeure de régler le matériel disponible à la livraison, qu'il a été condamné en référé à en payer le prix et que, malgré les procédures d'exécution forcée engagées, il n'offre toujours pas de procéder à son règlement ;
Attendu cependant qu'à défaut de délai convenu, il appartient aux juges du fond de déterminer le délai raisonnable dans lequel le vendeur devait délivrer la chose vendue ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société Faynel Jost avait proposé de délivrer le matériel litigieux dans un délai raisonnable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Faynel Jost aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Faynel Jost à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré parfaite la vente intervenue le 29 décembre 2004 entre Monsieur X... et la société FAYNEL JOST, et d'avoir débouté Monsieur X... de toutes ses demandes et de l'avoir condamné à payer diverses sommes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' en l'absence de toute réserve ou prévision d'une faculté de rétractation qui ne s'imposait pas légalement dans le présent cas de commande d'un matériel professionnel hors démarchage, l'offre adressée au Cabinet du Docteur
X...
le 27 décembre 2004, contenant le détail des éléments constituant le pack ADF /PLAMECA SDDE et le prix de chaque élément pour un montant total ramené à 40 000 € qui a été signée le 29 décembre 2004 par Monsieur X... avec apposition de son cachet et de la mention manuscrite "bon pour accord", est une vente parfaite au comptant, par accord sur la chose et le prix, le seul point restant à préciser étant la période de livraison et d'installation envisagée comme possible au 1er semestre 2005 ; que même si dès le 5 janvier 2006, Monsieur X... a envoyé, non pas une lettre d'annulation de commande mais de report de celle-ci et de suppression de trois produits commandés, puis à nouveau le 12 janvier 2006, une lettre, cette fois, d'annulation de la commande contenant une proposition d'indemnisation de frais, l'acceptation de cette annulation unilatérale d'une commande ferme et définitive, ne saurait résulter de l'absence de réponse écrite de la société FAYNEL JOST à ces courriers jusqu'à l'envoi de la lettre de mise en demeure par son conseil le 17 mai 2006 puis l'engagement de l'instance de référé, démontrant précisément que la société FAYNEL JOST n'entendait pas accepter cette annulation ; que par ailleurs, aucun des documents produits ne permet de considérer que la vente était conditionnée par l'obtention d'un crédit de financement ni que la société FAYNEL JOST ait souscrit un quelconque engagement de rechercher ce financement pour Monsieur X..., de sorte que l'attestation de la BARCLAYS MEDICAL qui fait état d'une absence de dépôt de demande de prêt au nom de ce dernier n'est pas, non plus, de nature à engager la responsabilité de la société FAYNEL JOST dans la non-finalisation de la vente ; qu'enfin, même s'il s'agit d'une vente ne prévoyant pas le paiement d'une partie ou de la totalité du prix à la commande, Monsieur X... ne peut, pour obtenir la résolution de la vente, opposer, au visa de l'article 1651 du Code civil, à la société FAYNEL JOST une exception d'inexécution pour défaut de livraison de la chose, alors qu'il a été mis en demeure le 17 mai 2006 de régler le prix du matériel disponible à la livraison, que l'ordonnance de référé, dont il n'a pas fait appel, l'a condamné à payer ce prix à titre provisionnel contre livraison et que malgré les procédures d'exécution forcée engagées, il n'offre toujours pas de régler le prix à la livraison puisqu'il a demandé devant le Juge de l'exécution, des délais de paiement qui lui ont été refusés et a fait état de démarches pour l'obtention d'un prêt, dont il ne justifie toujours pas dans la présente instance ; qu'en l'absence de demande de résolution de la vente par le vendeur pour non-paiement du prix, par application des dispositions de l'article 1654 du Code civil, le jugement qui a débouté Monsieur X... de sa propre demande de résolution, doit être confirmé et ce dernier condamné à verser une indemnité de procédure complémentaire de 1 500 € ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 1583 du Code civil énonce que "la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait point été livrée ni le prépayé" ; qu'en renvoyant l'offre de vante le 29.12.04, signé de sa main avec la mention "bon pour accord", sans formuler aucune réserve, Franck X... a accepté cette offre ; qu'il y a eu accord sur la chose et sur le prix et que des lors la vente était parfaite dès cène date ; que l'offre de ta société FAYNEL JOST était d'autant plus valable qu'elle indiquait en détail les matériels vendus et leur prix unitaire ; que la demande de Franck X... le 5.01.05 de retirer trois éléments de la commande et de reporter la vente à quelques mois ne pouvait avoir aucun effet sur le principe même de l'accord intervenu, d'autant plus que Franck X... lui-même ne remettait pas en cause la commande ; que si le vendeur a différé d'une année la demande de paiement, elle n'a jamais accepté de modifier la commande initiale ; qu'aucune mention de l'offre de prix, telle qu'elle a été acceptée par Franck X..., ne renvoie à un quelconque financement à crédit ; que le fait que la société FAYNEL JOST ait communiqué a son contractant les taux pratiqués par la société BARCLAYS MEDICAL postérieurement à l'acceptation, ne saurait valoir condition suspensive d'une vente déjà intervenue ; qu'il appartenait à Franck X... de confirmer sa volonté de souscrire un crédit, ce qu'il n'a pas fait ; qu'il n'évoque d'ailleurs nullement la question dans ses courriers des 5 et 10.01.05 ; que les moyens soulevés par le demandeur à l'appui de sa demande de nullité de la vente sont donc inopérants ; qu'il est vrai que l'offre de vente ne prévoit pas les conditions du règlement de la commande, ni le jour ni le lieu ; que l'article 1651 du Code civil prévoit que dans ce cas, "S'il n 'a rien été réglé à cet égard lors de la vente, l'acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance" ; que c'est ce qu'a décidé le juge des référés, par ordonnance du 11 septembre 2006, en condamnant provisionnellement Franck X... à payer à la société FAYNEL JOST, contre livraison du matériel commandé, la somme de 40.000€ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 13 juin 2006 ; qu'il est vrai que la société FAYNEL JOST n'apporte pas la preuve qu'elle a tenté d'organiser la livraison du matériel ; que bien que Franck X... n'ait pas interjeté appel de l'ordonnance de référé, l'engagement de la présente action démontre qu'il n'entend toujours pas payer ce qu'il doit à la société FAYNEL JOST, à laquelle il ne peut dès lors reprocher de ne pas avoir livré le matériel ; que la livraison ne peut avoir lieu que s'il consent d'abord au règlement, ce qu'il n'a jamais proposé a ce jour ; que tant qu'il ne formule aucune offre de paiement, la livraison ne peut avoir lieu que le demandeur, dont la résistance ne fait qu'accroître les frais qu'il devra en fin de compte supporter, ne peut qu'être débouté de ses demandes ;
1°) ALORS QUE Monsieur X... a signé le 29 décembre 2004 l'offre proposée par la société FAYNEL JOST le 27 décembre 2004, en y apposant les mentions : « conf. Commande + étude financement » ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucune mention de l'offre du prix, telle qu'elle avait été acceptée par Monsieur X... ne renvoyait à un quelconque financement à crédit la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'offre signée par Monsieur X... le 29 décembre 2004 et a violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QU' à défaut de délai de livraison convenu entre les parties, il appartient aux juges du fond de déterminer le délai raisonnable dans lequel le vendeur devait délivrer la chose vendue ; que Monsieur X... soutenait devant la Cour d'appel que faute de précision sur la date de livraison le délai ne doit pas excéder une limite raisonnable et que près de quatre années s'étaient écoulées sans que le matériel ne lui soit ni présenté ni livré (conclusions, p. 9 § 10 et 11) ; qu'en rejetant la demande de résolution judiciaire de la vente de Monsieur X..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société FAYNEL JOST avait respecté un délai de délivrance raisonnable, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1610 et 1651 du Code civil ;
3°) ALORS QUE les ordonnances de référé n'ont pas au principal l'autorité de la chose jugée ; qu'en considérant que Monsieur X... ne pouvait obtenir la résolution de la vente en opposant une exception d'inexécution au motif qu'une ordonnance de référé, dont il n'avait pas été fait appel, l'avait condamné à payer le prix du matériel, à titre provisionnel, contre livraison, la Cour d'appel a violé l'article 488 du Code de procédure civile.
4°) ALORS QUE si le vendeur ne délivre pas la chose dans un délai raisonnable, l'acheteur peut demander la résolution de la vente et ce même si le vendeur l'a finalement mis en demeure de payer le prix de vente ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur X... ne pouvait pas obtenir la résolution de la vente en raison du défaut de livraison de la chose, au motif inopérant que la société FAYNEL JOST l'avait mis en demeure le 17 mai 2006 de payer le prix du matériel disponible à la livraison, la Cour d'appel a violé l'article 1651 du Code civil ;
5°) ALORS QUE le juge ne peut pas refuser de faire droit à la demande de résolution de la vente pour inexécution en raison de l'absence de délivrance de la chose, au motif que l'acheteur, qui a été condamné à payer le prix de la chose vendu, à titre provisionnel, par le juge des référés, a demandé, en même temps que son action sur le fond, à titre principal une demande de suspension jusqu'à ce que la décision sur le fond soit rendue et à titre subsidiaire, des délais de paiements ; que Monsieur X... a postérieurement à son assignation en résolution de la vente, saisi le juge de l'exécution d'une demande de suspension des mesures d'exécution de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2006 jusqu'à la décision du juge du fond et, à titre subsidiaire, d'une demande d'obtention de délais de paiement ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur X... ne pouvait pas obtenir la résolution de la vente en opposant l'exception d'inexécution, au motif inopérant qu'il n'offrait toujours pas de régler le prix à la livraison puisqu'il avait demandé des délais de paiement devant le juge de l'exécution, la Cour d'appel a violé les articles 1610 et 1651 du Code civil.