LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu que la société italienne Oasis SRL (la société Oasis) produit et commercialise des meubles et accessoires de salles de bains ; qu'elle a conclu en 2001 avec la société française LF diffusion (société LFD), un contrat de concession de vente et de distribution en France de ces produits ; que l'article 18 de ce contrat stipulait une clause attributive de juridiction au profit du tribunal de Pordenone (Italie) pour toutes les controverses relatives à l'exécution du contrat ; qu'après résiliation du contrat en novembre 2005, la société Oasis a assigné, le 17 février 2006, la société LFD en paiement de diverses sommes, devant le tribunal de Pordenone qui s'est déclaré compétent ; que cependant, avant cette résiliation, la société LFD avait fait assigner la société Oasis devant le tribunal de commerce de Mâcon, invoquant des actes de concurrence déloyale commis par la société italienne ;
Attendu que la société LFD fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Dijon, 9 septembre 2008) d'avoir, faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société de droit italien Oasis, constaté l'incompétence du tribunal de commerce de Mâcon et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
Attendu qu'ayant relevé, d'une part, que l'assignation qui avait été délivrée par la société LFD avant la résiliation du contrat, faisait état d'actes de concurrence déloyale de la part de son fournisseur Oasis, qui n'hésitait pas à démarcher de nouveaux clients au mépris de l'exclusivité commerciale consentie sur le territoire français de sorte qu'il était établi que la société LFD reprochait à la société Oasis des violations des clauses ou obligations contractuelles, d'autre part, que l'article 18 du contrat prévoyait que le tribunal de Pordenone était seul compétent pour connaître des rapports de droit nés de ce contrat, la cour d'appel, appréciant souverainement les pièces produites par les parties, a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que par application de l'article 23 du Règlement Bruxelles I, le tribunal italien était compétent pour l'ensemble des demandes ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société LF diffusion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société LFD et la condamne à payer à la société Oasis la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour la société LF diffusion.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société de droit italien Oasis SRL, constaté l'incompétence du tribunal de commerce de Mâcon et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
aux motifs que « sur la compétence du tribunal de commerce de Mâcon, les parties ont signé le 18 décembre 2001 un contrat de concession de vente et distribution à Bodoia (Italie), qui comprend les clauses suivantes :
« 1 - Distribution
1-1 Avec le présent contrat la compagnie (Oasis SRL) concède au distributeur l'exclusivité pour la distribution des produits sur le territoire (France métropolitaine et Corse) et le distributeur accepte de fournir les services demandés pour la distribution des produits selon les termes et conditions indiqués ci-après : …
1-4 : Dans la zone, qui vous est assignée, nous ne recourrons pas au travail d'autres agents.
Elle vous est attribuée avec droit d'exclusivité, exception faite pour les fournitures à des industries, organismes ou dans tous les cas à des sociétés en général, qui ne font pas partie des canaux de vente normaux. A ces sociétés la société Oasis se réserve de parvenir à des négociations directes.
1-5 : Vous avez l'obligation spécifique de vous abstenir d'assumer d'autres activités de vente pour des produits similaires ou concurrents de ceux indiqués au point 1 précédent...
18 - Loi applicable et Tribunal compétent
18-1 : Le présent contrat est discipliné par la loi italienne
18-2: Pour toutes les controverses relatives à l‘interprétation, à l'exécution, à l'existence et à la validité du présent contrat, seul le tribunal de Pordenone sera compétent";
que la société Oasis SRL a adressé à la Sarl LFD le 7 novembre 2005 un courrier en langue italienne, dont la traduction est la suivante : « nous devons constater que l'inaccomplissement du paiement des montants dus est devenu désormais une habitude et nous ne pouvons plus accepter une conduite si peu respectueuse des accords du contrat. En plus des continuels retards dans le paiement, nous devons constater la violation de l'article 1-5 du contrat, avec lequel vous vous êtes obligés de ne pas vous occuper de la vente de produits similaires ou concurrents avec ceux de notre production... Suite à ce que nous avons spécifié, le rapport contractuel se considère résolu en tous les sens à partir de la date d'aujourd'hui..."; que suite à cette rupture de la convention, la société appelante a attrait la Sarl LFD devant le tribunal de Pordenone puis le 29 juin 2006 la société intimée a fait citer la société Oasis SRL devant le tribunal de Mâcon pour les motifs suivants : « ....pendant la période du contrat la société LFD avait eu à reprocher des manquements à Oasis quant à (ses) obligations contractuelles (livraisons, conformité des marchandises...) et surtout depuis 2006 des actes de concurrence déloyale de la part de son fournisseur. Les pièces fournies aux débats en justifient. En effet et avant même que Oasis lui reproche des faits de même nature et pour des raisons bien précises comme indiqué ci-après, LFD s'est aperçu à diverses reprises d'actes de concurrence déloyale de la part du fournisseur italien Oasis, qui n'hésitait pas à démarcher de nouveaux clients ou les clients eux-mêmes de LFD au mépris de l'exclusivité commerciale consentie sur le territoire français » ; qu'il est ainsi établi que la société intimée reproche à la société Oasis SRL des violations des clauses ou obligations contractuelles, notamment de la disposition 1-5 de la convention ; qu'il s'agit donc bien d'une responsabilité contractuelle et non délictuelle, cette dernière n'existant qu'en cas de relations commerciales non formalisées par une convention prévoyant notamment une clause de non concurrence ; que par application de l'article 23 du règlement communautaire n° 44/2001 et de l'article 1-8-2 du contrat le tribunal de Pordenone est seul compétent pour connaître des litiges nés d'un rapport de droit déterminé, à savoir la convention du 18 décembre 2001, notamment sa clause de non concurrence ; qu'il convient en conséquence de réformer le jugement déféré et de constater l'incompétence du tribunal de commerce de Mâcon» (arrêt p. 4 et p. 5) ;
1°) alors, d'une part qu'aux termes de l'article 5-3 du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite en matière délictuelle ou quasi-délictuelle dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ; que les faits de concurrence déloyale reprochés à la société italienne par la société française après la rupture unilatérale de leur contrat à l'initiative de la première étant de nature délictuelle, le litige né des agissements de la société italienne en France (captation illicite de clientèle, débauchage des agents de la société française et ruine de celle-ci) entraient dans les prévisions exclusives de l'article 5-3 du règlement précité ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait à la faveur de motifs inopérants, sans localiser ni qualifier les faits de nature délictuelle dont elle était saisie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°) alors que d'autre part, en considérant que l'action introduite en France par la société LFD tendait à voir engager la responsabilité contractuelle de la société Oasis à raison de la méconnaissance de cette dernière des obligations d'un contrat de concession résilié comprenant une clause attributive de compétence au profit d'une juridiction italienne, la cour a dénaturé les termes du litige en l'état de l'assignation introductive d'instance (prod) et des conclusions (prod) de la requérante qui entendaient tout au contraire mettre exclusivement en cause la responsabilité délictuelle de la société Oasis à raison de faits de concurrence déloyale, extérieurs au contrat de concession, et apparus en France dans toute leur portée après la résiliation du contrat ayant lié les parties ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) alors enfin qu'une clause attributive de compétence pour les seuls litiges nés de l'exécution d'un contrat déterminé ne gouverne pas l'action de nature délictuelle par laquelle la société française reproche à la société italienne des faits de concurrence déloyale extérieurs à l'objet (concession) de leurs relations contractuelles antérieures, révélés après la résiliation dudit contrat et qui ne se rattachaient pas à l'exécution de ce dernier ; qu'en déclarant néanmoins la clause contractuelle de compétence applicable à un litige mettant en cause la responsabilité purement délictuelle de la société italienne, la cour a violé l'article 23 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000.