Vu la télécopie reçue le 21 septembre 1999 et la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 22 septembre 1999 sous le n° 99MA01920, présentée pour la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT, dont le siège est ..., par Me X..., avocat ;
La COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT demande à la Cour :
1'/ d'annuler le jugement du 29 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que la ville de Toulon soit condamnée à lui verser la somme
de 5 037 634,97 F assortie des intérêts à compter du 12 décembre 1994, la somme de 2 365 000 F assortie des intérêts, et la somme de 1 072 140 F en réparation des préjudices subis du fait du mauvais fonctionnement des matériels horodateurs, ainsi que la somme de 60 000 F au titre des frais exposés ;
Classement CNIJ : 39-04-01
60-01-02-01-04-01
18-04-02-04
B
2'/ de faire droit à sa demande de première instance ;
3°/ de condamner la ville de Toulon à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais exposés ;
Elle soutient que c'est à tort que le Tribunal a estimé que la prescription quadriennale n'avait pas été interrompue par les demandes présentées par la société, qui ne se rattachaient pas au jugement de la Cour d'appel en date du 18 novembre 1994 ; qu'en effet le tribunal a commis une erreur en prenant en compte une réponse de la ville du 27 octobre 1988 alors que cette réponse est datée du 27 octobre 1989 ; qu'en outre, contrairement à ce qu'affirme le tribunal, une nouvelle demande interruptive a été formulée le 10 mars 1993, faisant clairement état du fait générateur de la créance, du préjudice subi, et rappelant la précédente demande pour ce qui concerne son montant ; que, par lettre du 27 octobre 1989, la ville a d'ailleurs accepté sans réserve la créance présentée par la société, si bien que la créance étant certaine, la société n'avait pas à en fixer ni justifier à nouveau le montant ; qu'ainsi la lettre du 10 mars 1993 a fait courir un nouveau délai de prescription qui n'était pas écoulé le 1er mars 1996, date d'enregistrement de la requête devant le Tribunal administratif de Nice ; que c'est par erreur que le tribunal a estimé que l'action de la société était fondée sur la responsabilité extra-contractuelle ; que, bien au contraire, son action était fondée sur la méconnaissance par la ville de ses obligations contractuelles ; qu'en application de l'article 1156 du code civil, dont le juge administratif fait régulièrement application, le tribunal était tenu de rechercher la commune intention des parties ; que la clause de l'article 5c du cahier des charges, qui prévoit le choix du matériel en accord avec la ville, implique que la ville assume la responsabilité du choix qu'elle a imposé au concessionnaire, alors que celui-ci avait clairement exprimé son désaccord, et avait posé des conditions, par lettre du 29 octobre 1987, à laquelle la ville n'a jamais répondu autrement qu'en imposant le choix du matériel ; qu'en outre, dans sa lettre du 27 octobre 1989, la ville a expressément reconnu sa faute en admettant l'indemnisation de plusieurs chefs de préjudice ; que les conséquences de la décision de la ville sur l'équilibre financier du contrat doivent être appréciées non par rapport à l'ensemble des cahiers des charges, mais au regard de la seule exploitation du stationnement sur voirie ; que la ville ayant reconnu son erreur a choisi de rompre tous les contrats avec le fournisseur, ce qui a provoqué la condamnation de la société par le juge civil à une somme équivalente au montant du contrat de concession du stationnement sur voirie, et l'alourdissement des charges ; que la ville a ainsi commis une faute contractuelle, alors que la société, qui a assuré la continuité du service dans un contexte difficile, ne peut se voir reprocher aucune faute ; que la ville a d'ailleurs, ultérieurement, choisi le fournisseur recommandé par la société, qui donne toute satisfaction ; que si la Cour admettait que la société a donné son accord au choix du matériel, seul le cinquième du préjudice devrait rester à sa charge, dès lors que la ville a expressément reconnu ses fautes ; qu'enfin le concédant a l'obligation de protéger son concessionnaire contre les tiers, alors qu'en l'espèce la ville de Toulon n'a jamais cherché à réprimer les actes de vandalisme causés par les défectuosités du matériel ; que le préjudice indemnisable résulte de la condamnation prononcée contre la société par le juge civil, soit 5 067 634,97 F, des pertes de recettes résultant des défectuosités du matériel entre mars 1988 et janvier 1989, soit, par rapport à l'année précédente, 2 365 000 F TTC, des dépenses générées par les actes de vandalisme, soit 302 430 F TTC, des frais de maintenance des matériels pour 230 000 F, et des frais liés à la mise au point du matériel, soit 496 930 F ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2001, présentée pour la ville de Toulon, représentée par son maire, par la SCP MAUDUIT-LOPASSO, avocats ;
La ville de TOULON conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT à lui verser la somme de 35 880 F en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que la lettre de la société à la ville du 21 février 1989 n'a pu avoir pour effet d'interrompre la prescription quadriennale ; qu'en effet elle ne contient aucune prétention ni réclamation mais se borne à évoquer la modification amiable du contrat et d'éventuelles négociations ; que la lettre du maire de Toulon en date du 27 octobre 1989, en revanche, fixe le principe et le quantum des indemnités acceptées par la ville et interrompt le délai de prescription pour les indemnisations qu'elle prévoit, correspondant à la réparation des horodateurs, à 70% des factures de maintenance, et à 30% de la perte de recette alléguée ; que la société n'a jamais, dans les 4 années suivant cette lettre, réclamé le paiement des indemnités reconnues dans leur principe et leur quantum, ni d'aucune autre indemnité ; que la lettre du 10 mars 1993, qui concernait la rupture du contrat avec le fournisseur, ne peut valoir réitération d'une demande indemnitaire qui n'avait jamais été formulée, alors surtout qu'un protocole joint à la lettre
du 21 février 1989 précisait que la ville ne subirait aucune conséquence des règlements entre la société et le fournisseur ; que la ville n'a commis aucune faute contractuelle, dès lors qu'un accord est intervenu entre la société et la ville sur le choix du matériel, ainsi qu'en témoigne une lettre de la société en date du 29 octobre 1987, et que cette dernière a signé la convention cadre pour la gestion du stationnement et le cahier des charges relatif au stationnement sur voirie sans réitérer les prétentions financières précédemment formulées, au-delà de la prise en charge par le concessionnaire des risques liés au vandalisme ; que la lettre du maire en date
du 27 octobre 1989 ne valait en aucune façon reconnaissance de responsabilité et acceptait seulement de prendre en charge une partie de l'aléa lié au vandalisme, ce qui est resté sans suite faute pour la société d'avoir chiffré le coût de réparation des horodateurs ; que si la lettre du maire en date du 22 mai 1995 admet dans son principe l'existence d'un préjudice, elle se borne à envisager des compensations à proposer à la prochaine équipe municipale ; qu'en tout état de cause, la prescription était déjà acquise à la date de cette lettre ; que la rupture du contrat avec le fournisseur ne peut être regardée comme étant imputable à la ville, qui n'a fait que se conformer aux recommandations de son concessionnaire ; qu'il ressort de l'arrêt de la Cour d'appel que la société n'a pas fait tout ce qu'elle aurait pu faire pour justifier la résiliation du contrat aux torts du fournisseur, et que c'est elle qui a pris l'initiative de cette résiliation et de la recherche d'un autre fournisseur ; que la condamnation prononcée par le juge judiciaire ne concerne que le prix des appareils, qui, de toutes façons, était à la charge du concessionnaire selon les clauses du contrat ; que la commune n'a pas manqué à ses obligations en ne mettant pas en place une surveillance constante des horodateurs, dont la détérioration a surtout pour origine le mauvais fonctionnement, et alors surtout que la police est étatisée à Toulon ; qu'enfin l'équilibre financier du contrat doit être apprécié à l'échelle de l'ensemble du service du stationnement délégué à la société et à la durée de la convention, prévue pour 47 ans ;
Vu le mémoire enregistré le 28 février 2003 par lequel la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT confirme ses précédentes écritures, demande en outre la capitalisation des intérêts, et porte à 5 000 euros le montant de sa demande au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu la lettre du 12 mars 2003 par laquelle le président de la troisième chambre a avisé les parties qu'était susceptible d'être relevé d'office le moyen d'ordre public tiré de la nullité de la convention relative à l'exploitation du stationnement payant sur la voie publique ;
Vu le mémoire enregistré le 14 avril 2003 par lequel la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT confirme ses précédentes écritures et conclut en outre :
- à titre subsidiaire, à ce que la ville de Toulon soit condamnée à lui verser la somme de
1 291 971,12 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause, ou, à titre infiniment subsidiaire, à ce que la ville de Toulon soit condamnée à lui verser la somme de 931 429,19 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause et 360 541,93 euros sur le fondement de la faute ;
- à ce qu'il soit enjoint à la ville de Toulon de payer les sommes dues dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 750 euros par jour de retard ;
- à ce que la ville de Toulon et l'Etat soient chacun condamnés à lui verser la somme de
5000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que la convention dont elle demande l'application ne comporte aucune délégation des pouvoirs de police et ne saurait être regardée comme nulle ; que si tel était cependant le cas, les sommes dont elle demande le remboursement devront lui être versées sur le fondement de l'enrichissement sans cause ; qu'en effet les prestations qu'elle a assurées et dont elle demande le paiement ont bénéficié à la ville, à proportion de son propre appauvrissement ; qu'à supposer que la théorie de l'enrichissement sans cause ne permette pas l'indemnisation des pertes de recettes qu'elle a subies, celles- ci devront être indemnisées sur le fondement de la faute extra-contractuelle, résultant de ce que la ville a signé une convention entachée de nullité ;
Vu le mémoire enregistré le 25 avril 2003 par lequel la ville de Toulon confirme ses précédentes écritures et fait valoir en outre qu'il résulte des termes mêmes du contrat que les tâches de police proprement dites restent sous la responsabilité de la commune, de même que la réglementation du stationnement, et que la rémunération du personnel de surveillance reste assurée par la collectivité, la rémunération du concessionnaire étant seulement assurée par la différence entre le produit du stationnement payant et le coût du personnel de surveillance ; que la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT ne saurait invoquer l'enrichissement sans cause pour demander le remboursement de sommes résultant d'une condamnation judiciaire à la suite de la résiliation du contrat avec le fournisseur d'horodateurs, sans qu'elle ait pris la précaution de faire constater judiciairement le mauvais fonctionnement de ces appareils ; que l'appauvrissement de la société ne correspond, sur ce point, à aucun enrichissement de la ville ; qu'il en est de même des pertes de recettes alléguées ainsi que des dépenses liées au vandalisme ; qu'en tout état de cause les appareils sont restés la propriété du gestionnaire ; que par ailleurs aucune faute ne saurait être reprochée à la ville du fait de la nullité de la convention, la société et le groupe auquel elle appartient étant à même de connaître précisément la portée des conventions signées, conventions identiques à celles conclues avec d'autres communes et conçues par ses propres services ; qu'enfin les conclusions en astreinte sont sans objet lorsqu'elles portent sur une condamnation principale à caractère pécuniaire ;
Vu le mémoire enregistré le 24 avril 2003 par lequel la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT confirme ses précédentes écritures, et fait valoir en outre que, contrairement à ce que soutient la ville, elle a bien engagé des dépenses au bénéfice de la ville ; que le litige issu de la résiliation du contrat de fourniture des horodateurs résulte directement de ce que la ville a imposé le choix du fournisseur puis l'abandon de ce matériel ; que rien ne permettait à la société, en l'état de la jurisprudence, de prévoir l'illégalité de la convention, au demeurant établie conjointement avec la commune ; que seule la commune, qui aurait illégalement délégué ses pouvoirs de police, peut être rendue responsable de la nullité de la convention ; qu'enfin rien ne fait obstacle à ce qu'une condamnation pécuniaire soit assortie d'astreintes ;
Vu le mémoire enregistré le 6 juin 2003 par lequel la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT confirme ses précédentes écritures, et fait valoir en outre que le cahier des charges n° 3 relatif à l'exploitation du stationnement sur la voie publique fait partie d'un ensemble contractuel relevant d'une convention cadre signée le 11 janvier 1988, dont il n'est pas détachable ; que la Cour ne peut retenir la nullité des clauses relatives au stationnement sur la voie publique sans prononcer la nullité de l'ensemble du contrat ; que par ailleurs la Cour méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée en retenant la nullité de toutes les clauses relatives au stationnement sur la voie publique alors que dans l'instance n° 99MA01946 elle n'a retenu que la nullité de la clause prévoyant le remboursement par le concessionnaire du coût du personnel municipal affecté à la surveillance du stationnement payant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2003 :
- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;
- les observations de Me X... pour la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT ;
- et les conclusions de M.TROTTIER, premier conseiller ;
Considérant qu'en vertu d'un protocole signé le 29 juillet 1987, la ville de Toulon a confié à la société SETEX l'information des usagers, la réalisation et l'exploitation de deux parcs de stationnement, l'équipement de la voirie pour le stationnement payant et son exploitation ; qu'un contrat de concession a été signé le 11 janvier 1988 entre la ville et la société pour l'ensemble de ces missions ; que tant aux termes du protocole du 29 juillet 1987 que du cahier des charges n° 3 annexé à la convention du 11 janvier 1988, la société assurait l'installation, l'entretien et le remplacement des appareils horodateurs, lesquels devaient être choisis en accord avec la ville ; que les appareils fournis par CGA-ALCATEL ayant été installés à la fin de l'année 1987, leur fonctionnement a donné lieu à diverses difficultés et de multiples appareils ont été détériorés du fait d'actes de vandalisme ; que la ville de Toulon ayant estimé que les propositions faites par CGA-ALCATEL pour l'entretien et le remplacement de ce matériel n'étaient pas satisfaisantes, elle a exigé, par lettre du 28 novembre 1988, qu'il soit fait appel à un autre fournisseur ; qu'après que la société SETEX ait résilié le contrat qui la liait à la société CGA-ALCATEL, elle a versé à cette dernière la somme de 5 037 634,97 F en exécution d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 18 novembre 1994 ; que la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT, venant aux droits de la société SETEX, a demandé la condamnation de la ville de Toulon à lui rembourser ladite somme, ainsi que les sommes de 2 635 000 F au titre des pertes de recettes et 1 072 140 F au titre des frais de réparation et de remplacement du matériel défectueux ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'auront pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis... ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : La prescription est interrompue par ... Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ... Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance... Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption ;
Considérant que la société requérante conteste le jugement attaqué en tant qu'il a considéré comme atteinte par la prescription la partie de sa demande, formée le 26 février 1996 devant la ville de Toulon et le 1er mars 1996 devant le tribunal administratif, concernant le remboursement de ses pertes d'exploitation et les frais exposés pour l'entretien et le remplacement du matériel endommagé au cours de l'année 1988 ; qu'il résulte de l'instruction que la société SETEX a, par lettre du 21 février 1989, demandé à la ville de Toulon de lui verser ces sommes ; que, par lettre du 27 octobre 1989, le maire de Toulon a fixé à 548 664 F les sommes qu'il estimait justifiées, et a indiqué, pour le surplus, qu'il y avait lieu de reprendre l'ensemble du détail des factures, dont le montant pourrait être pris en charge par la ville à concurrence de 70 % ; que le maire indiquait, par ailleurs, que la ville était prête à prendre en charge 30 % de la somme demandée par la société au titre des pertes de recettes ; qu'ainsi que l'ont précisé les premiers juges, le délai de prescription a commencé à courir le premier janvier de l'année suivant cette lettre, soit le 1er janvier 1990, jusqu'au 31 décembre 1993 ; que la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT soutient que ce délai aurait été interrompu par la lettre adressée au maire de Toulon par la société SETEX le 10 mars 1993 ; que, toutefois, cette lettre, qui rappelle que la Cour d'appel de Paris s'apprête à statuer sur le litige l'opposant à la société CGA-ALCATEL, et que la ville de Toulon a admis une partie de ses réclamations par le courrier du 27 octobre 1989, se termine en ces termes : D'ores et déjà, nous vous informons, par la présente, que dans l'hypothèse où le jugement au fond nous serait défavorable, nous appellerions en garantie la Ville de Toulon afin de lui réclamer d'une part, au franc le franc, l'indemnité que nous serions amenés à verser dès lors que la charge finale de ces détériorations ne saurait nous incomber, et d'autre part l'indemnisation du préjudice subi directement par Setex ; qu'ainsi la société, qui s'est bornée à faire état de son intention de réclamer les indemnités qu'elle évoque, ne saurait être regardée comme ayant, par ladite lettre, présenté une véritable demande à la ville de Toulon, ni même comme ayant réitéré ses précédentes demandes ou sollicité le versement des sommes que la ville avait acceptées de payer ; que c'est, par suite, à bon droit que le Tribunal administratif de Nice a accueilli, pour ce qui concerne le remboursement des pertes d'exploitation et les frais exposés pour l'entretien et le remplacement du matériel endommagé au cours de l'année 1988, l'exception de prescription quadriennale opposée par la ville de Toulon ;
Sur la responsabilité de la ville de Toulon :
Considérant qu'en vertu de l'article L.2213-4 du code général des collectivités territoriales, le maire a la police du stationnement sur la voie publique ; qu'en application de l'article L.2213-6 du même code, il peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement sur la voie publique ; que le service du stationnement, par nature, ne saurait être confié qu'à des agents placés sous l'autorité directe du maire ; qu'en outre l'exercice des missions de surveillance et de contrôle du respect des règlements de police municipale relatifs au stationnement payant sur la voie publique donne lieu à des dépenses qui sont étrangères à l'exploitation, par un concessionnaire, des ouvrages et matériels affectés au stationnement ; que ces dépenses ne sauraient, dès lors, être prises en charge, même forfaitairement, par le concessionnaire ;
Considérant qu'aux termes du cahier des charges n° 3 annexé à la convention
du 11 janvier 1988, la société assurait l'installation et la gestion d'horodateurs sur la voie publique, pour 1600 places de stationnement, nombre que la ville ne pouvait modifier que dans la limite de 5 % ; qu'aux termes de l'article 16 de ce cahier des charges, le personnel de surveillance, habilité à la constatation des infractions, au nombre d'un agent pour 200 places payantes environ, devait participer, en fonction des directives qu'il recevrait du gestionnaire, à toutes les tâches de sa compétence concourant au bon fonctionnement du service public du stationnement dans la ville ; qu'en outre le concessionnaire s'engageait à rembourser à la ville, sur une base forfaitaire fixée par l'article 10-2 de la convention, la rémunération de cette équipe ; que ces clauses ont pour effet de déléguer à la société SETEX des prérogatives de police du stationnement sur la voie publique, que seule l'autorité administrative peut exercer, et de mettre à sa charge des dépenses étrangères à l'exploitation des ouvrages ; que l'existence de telles clauses, qui sont essentielles à l'économie générale du contrat en tant qu'il concerne l'exploitation du stationnement sur la voie publique, entachent ledit contrat de nullité ;
Considérant qu'en raison de sa nullité, le contrat relatif à l'exploitation du stationnement payant sur la voie publique n'a pu faire naître d'obligations à la charge des parties ; que, dès lors, les conclusions indemnitaires présentées devant le Tribunal administratif de Nice par la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT et fondées sur les fautes commises par la ville de Toulon dans l'exécution de ce contrat, doivent être rejetées ;
Considérant, il est vrai, que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
Considérant par ailleurs que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ;
Considérant, par suite, que la société requérante, bien que n'ayant invoqué initialement que la faute qu'aurait commise la commune de TOULON dans l'exécution du contrat, est recevable à saisir le juge du fond de conclusions fondées sur l'enrichissement sans cause de la commune et sur la faute que la commune aurait commise en passant un contrat entaché de nullité ;
Considérant que la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT présente, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, les mêmes demandes d'indemnités que celles qu'elle présentait sur le fondement du contrat ; qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la part de sa demande qui n'est pas atteinte par la prescription quadriennale est relative au remboursement de la somme de 5 037 634,97 F, qu'elle a été condamnée par la Cour d'appel de Paris à verser à la société CGA-ALCATEL à la suite de la résiliation du marché de fourniture des horodateurs ; que la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT ne démontre pas que cette somme, qui a pour objet de dédommager le fournisseur des conséquences de la résiliation unilatérale du contrat, pourrait être regardée comme la contrepartie d'une prestation ou fourniture utile à la commune, et que l'appauvrissement que subit la société de ce fait correspondrait à un enrichissement équivalent de la ville de Toulon ; que les conclusions que présente la société requérante sur ce fondement doivent, dès lors, être rejetées ; qu'enfin, si la société invoque la faute qu'aurait commise la commune en concluant un contrat nul, elle ne le fait qu'à l'appui de demandes qui, ainsi qu'il a été ci-dessus exposé, sont atteintes par la prescription quadriennale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT à verser à la ville de Toulon la somme qu'elle demande au titre des frais exposés ; que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Toulon, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, soit condamnée à verser à la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT la somme qu'elle demande au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Toulon tendant à la condamnation de la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT à lui rembourser les frais exposés sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMPAGNIE GENERALE DE STATIONNEMENT, à la ville de Toulon et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Copie sera adressée au préfet du Var, à Me Christian X... et
à Me Jean-Luc A....
Délibéré à l'issue de l'audience du 12 juin 2003, où siégeaient :
M. DARRIEUTORT, président de chambre,
M. GUERRIVE, président assesseur,
Mme Z..., M. Y..., M. MARCOVICI, premiers conseillers,
assistés de M. BOISSON, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 26 juin 2003.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Jean-Pierre DARRIEUTORT Jean-Louis GUERRIVE
Le greffier,
Signé
Alain BOISSON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 99MA01920