Sur le moyen unique :
Attendu que l'accord de participation des salariés aux résultats de l'entreprise en vigueur au sein de la Caisse régionale de Crédit agricole de Franche-Comté a omis de prendre en compte, pour le calcul de la réserve spéciale de participation des exercices 1994 et 1995, la détermination de la valeur ajoutée spécifique aux entreprises de banque ; que cette erreur a eu pour conséquence de minorer la participation versée aux salariés et de majorer le montant de leur intéressement ; que des accords d'entreprise, conclus le 19 juillet 1996, ont régularisé cette erreur pour les salariés présents dans l'entreprise et ayant six mois d'ancienneté au cours de l'exercice 1996 en attribuant aux salariés des compléments au titre de la participation pour les exercices 1994 et 1995 et des retenues au titre de l'intéressement sur les mêmes exercices ; que M. X..., employé à la Caisse lors des exercices 1994 et 1995, mais démissionnaire le 18 janvier 1996, qui n'avait pas bénéficié de cette régularisation a réclamé le paiement d'une somme à titre de complément à la réserve de participation résultant de l'erreur commise lors des exercices 1994 et 1995 ;
Attendu que la Caisse régionale de Crédit agricole fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Claude, 23 octobre 1998) de l'avoir condamnée à payer une certaine somme au salarié, alors, selon le moyen :
1o que les juges sont tenus de statuer sur tout ce qui est demandé mais seulement sur ce qui est demandé ; qu'il résulte tant de sa requête introductive d'instance que de l'exposé de ses prétentions et moyens fait par le jugement attaqué que si le salarié a demandé le paiement d'un complément de participation pour 1994 et 1995, il n'a pas demandé la condamnation de son ancien employeur à lui verser des dommages-intérêts ; qu'en décidant dès lors qu'en l'excluant de son bénéfice, l'accord de régularisation causait au salarié un préjudice qu'il appartenait à l'organisme débiteur de la participation, qui ne lui avait pas versé le montant exact de ses droits, de réparer, le Tribunal a statué hors des limites du litige dont il était saisi et a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2o qu'une partie ne peut être condamnée à la réparation d'un préjudice que si elle a commis une faute ayant joué un rôle causal dans la survenance du préjudice ; que le Tribunal qui, pour condamner l'employeur à verser des dommages-intérêts au salarié a relevé que si aucune erreur n'avait été commise dans le calcul de la participation, le salarié aurait perçu le montant exact de ses droits à participation pour les exercices 1994 et 1995, de sorte que l'accord de régularisation signé par son ex-employeur et les organisations syndicales lui causait un préjudice en l'excluant du bénéfice de la régularisation, préjudice dont l'organisme débiteur de la participation ne lui ayant pas versé le montant exact de ses droits lui devait réparation, n'a pas caractérisé l'existence d'une faute commise par l'employeur et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
3o qu'ayant relevé l'erreur commise initialement dans le calcul de la réserve spéciale de participation pour les exercices 1994 et 1995, le Tribunal qui a cependant considéré que le préjudice éprouvé par le salarié résultait, non de cette erreur, mais des clauses de l'accord de régularisation signé entre les partenaires sociaux l'excluant de son bénéfice, a condamné l'employeur à indemniser un préjudice sans relation causale directe avec l'erreur relevée et a violé l'article 1147 du Code civil ;
4o que le complément de réserve spéciale de participation résultant d'une rectification de ses bases de calcul doit être affecté au montant de la réserve spéciale de participation de l'exercice au cours duquel cette rectification est effectuée par l'entreprise ou au cours duquel il a été définitivement statué sur la détermination des bases de calcul de cette réserve, seuls les salariés présents au cours de cet exercice pouvant prétendre à une répartition de ladite réserve ; que le Tribunal qui a alloué au salarié, sous forme de dommages-intérêts, une somme à laquelle il ne pouvait légalement prétendre, a violé l'article R. 442-23 du Code du travail, ensemble l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que les dispositions de l'article R. 442-23 du Code du travail ne s'appliquent que dans l'hypothèse où le montant de la réserve spéciale de participation est modifié à la suite de rectifications opérées par l'Administration ou par le juge de l'impôt ; qu'en règle générale les salariés qui ont contribué à la formation du résultat bénéficiaire d'une entreprise au cours d'un exercice comptable ont vocation à en percevoir les fruits ;
Et attendu que le Tribunal a constaté, ce qui n'était pas contesté, qu'une erreur avait été commise dans l'assiette de calcul de la réserve spéciale de participation au titre des exercices 1994 et 1995 ayant pour effet de minorer la participation au titre de ces exercices et de majorer l'intéressement ; qu'en décidant que l'accord conclu entre les partenaires sociaux, le 19 juillet 1996, pour corriger cette erreur n'était pas opposable à l'intéressé qui avait quitté l'entreprise avant sa conclusion et en lui accordant pour les exercices litigieux, au cours desquels il était présent, une somme correspondant à la différence entre le complément dû au titre de la participation et le trop-perçu au titre de l'intéressement, il a, sans dénaturer les termes du litige et abstraction faite de motifs surabondants, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.